Sortant de la cinémathèque, on m’arrête au coin de la rue pour me demander de prendre une photo, un instantané sur un iPhone au son caractéristique imitant un vieil appareil. Une image : un couple se serrant l’un contre l’autre, un instant qui retarde mon voyage vers le bar où je me dirige fébrile pour sortir sur le comptoir un carnet où noter les souvenirs avant qu’ils ne se mêlent.
C’était un secret de polichinelle depuis déjà plusieurs années: l’ONF détenait dans ses archives une session d’enregistrement inédite de John Coltrane. Enregistrée le 24 juin 1964, au studio du producteur Rudy Van Gelder dans le New Jersey, cette session avait été produite à la demande de Gilles Groulx pour la trame sonore de son film Le chat dans le sac.
J’ai beaucoup pensé à Lav Diaz cet été, sans doute pour avoir passé beaucoup de temps en sa compagnie, au mois de mai et juin. Et je trimballe ainsi depuis – comme cette « malle dans la tête » qui encombre, dont parle Proust — des liasses d’idées qu’il aurait fallu parvenir à colliger et organiser en un grand texte synthétique, qui se serait déplié en une vaste fresque composée et articulée, comme le sont chacun de ses films-monde. Plutôt, c’est quelque chose d’assez épars, de personnel, de trivial souvent, variant les focales et les échelles, les durées et l’esprit, qui s’est imposé. Des notes, encore.
Je mesure l’étendue du chemin qu’il m’a fallu parcourir pour arriver dans ces Forêts que je cherchais à rejoindre, à éclairer et à ouvrir, sans savoir ce qui se trouve au-delà. Et si le chemin peut sembler long, c’est aussi qu’il s’est entremêlé avec celui du Chant d’Empédocle. Le film et mon livre appartiennent à la même forêt, se sont nourris l’un l’autre. Ce parcours était nécessaire, vital, pour me conduire là où je suis, à peine posée pour mieux repartir. Voyageant maintenant par l’imagination sur la piste des animaux à la rencontre desquels je vais depuis plusieurs mois. Exploration tentaculaire, infinie… !
Voilà une note que j’ai écrite pour éclaircir mes positions en réponse à à l’invitation de présenter une conférence en janvier 2019 au microsalon à Paris. C’est le grand rendez-vous de l’Association française des directeurs de la photographie cinématographique.
J’aimerais écrire un petit livre, plaquette, étude, essai libre, sur l’attrait de la flaque au cinéma, avec un sous-titre bien sérieux comme : « Pour une esthétique du renversement ». J’en émets ici l’hypothèse, la très frêle et improbable ébauche, avec peut-être l’espoir que quelqu’un prenne la balle au bond et me donne un jour le plaisir d’en exposer le dessin complet.
Dossier visuel consacré à quelques “archives de la contestation” contre la direction de l’ONF, depuis 2000.
Pour accompagner la rétrospective des films de Lav Diaz à Montréal, nous nous sommes entretenus avec le cinéaste pour retracer les jalons de sa carrière, situer le contexte ainsi que les spécificités culturelles et géopolitiques de ce cinéma profondément de son temps, qui nous parle d’un autre temps.
Dossier établi par Nicolas Klotz, fruit de deux discussions entre les cinéastes bonifiées de trois splendides textes adressés à des oeuvres récentes de Lav Diaz, Norte, la fin de l’histoire (2013), From What is Before ? (2014) et The Women Who Left (2016) ainsi que d’une courte série de portraits du cinéaste philippin issue de la main de l’autre (et de son Hassleblad).
Le tout, initialement paru sur le site du magazine culturel français Transfuge, est aussi un avant-goût de la rencontre entre les cinéastes qui se tiendra devant public suite à la projection de [L’héroïque lande, la frontière brûle->https://cinemamoderne.ticketacces.net/fr/organisation/representations/index.cfm?EvenementID=175&refresh=1] (Nicolas Klotz, Elisabeth Perceval), le 30 juin prochain. La projection du film débutera à 12h45 et la conversation suivra dès 17h, au Cinéma Moderne (dans le cadre de la rétrospective Lav Diaz).
Journal de bord réalisé dans le prolongement de l’école d’été en recherche-création avec Pierre Hébert, été 2018, Université de Montréal.