Été 1999. Dans les bureaux d’Hors champ de la rue Ste-Catherine, il y avait des projections de choses « rares », montrées en VHS. Un soir, on avait programmé un Godard récent, repiqué de la télé française qui venait de le diffuser, envoyé par la poste par un ami, en PAL-Secam. Il s’agissait des Histoire(s) du cinéma.
C’est le seul passage de mon mémoire de maîtrise que j’ai eu le désir de relire. Il concerne une image « originaire », sur bien des points, dans ma relation aux Histoire(s).
Entretien avec Matthew Rankin à l’occasion de la sortie de son film, The Twentieth Century.
Je me revois comptant sur les doigts d’une main les films que j’arriverais à happer cette année au Festival du nouveau cinéma. Les astres s’étant mal alignés, c’est souvent depuis un ailleurs que je me projetais dans une salle où défilaient tel Serra, Costa, Liu, Baumbach, Hu, Rankin, Fleischer, Landes, Deraspe, Weir, Kluge et même si l’expérience pratique voudrait que certains de ces films « repasseraient » ou qu’on savait qu’un misérable petit lien Vimeo existât pour pouvoir découvrir le film par défaut, c’est toujours avec un pincement que je ne parviendrais jamais à éliminer, que je verrai « passer » une édition du FNC sans pouvoir m’engouffrer une vingtaine de fois au moins dans ses salles.
J’ai beaucoup pensé à Lav Diaz cet été, sans doute pour avoir passé beaucoup de temps en sa compagnie, au mois de mai et juin. Et je trimballe ainsi depuis – comme cette « malle dans la tête » qui encombre, dont parle Proust — des liasses d’idées qu’il aurait fallu parvenir à colliger et organiser en un grand texte synthétique, qui se serait déplié en une vaste fresque composée et articulée, comme le sont chacun de ses films-monde. Plutôt, c’est quelque chose d’assez épars, de personnel, de trivial souvent, variant les focales et les échelles, les durées et l’esprit, qui s’est imposé. Des notes, encore.
J’aimerais écrire un petit livre, plaquette, étude, essai libre, sur l’attrait de la flaque au cinéma, avec un sous-titre bien sérieux comme : « Pour une esthétique du renversement ». J’en émets ici l’hypothèse, la très frêle et improbable ébauche, avec peut-être l’espoir que quelqu’un prenne la balle au bond et me donne un jour le plaisir d’en exposer le dessin complet.
J’écoute en boucle Alabama, en méditant tranquillement ce matin sur les images et les sons de La statue de Robert E. Lee à Charlottesville, 9e volet du cycle des Lieux et monuments de Pierre Hébert. Alabama, le chef-d’œuvre de John Coltrane a été composé et enregistré deux mois après les attentats racistes commis dans une église baptiste de Birmingham, le 16 septembre 1963, qui avaient enlevé la vie à quatre jeunes filles noires, une sorte de point de bascule (parmi d’autres) dans la longue lutte pour la reconnaissance des droits civiques des afro-américains.
Il y a quelques jours, en discutant avec René de mes histoires de plongeon et de piscine, il me parle d’un film que je ne connaissais pas, The Swimmer, avec Burt Lancaster, réalisé en 1968 par un obscur cinéaste du nom de Frank Perry.
Tour à tour, petits et gros, adultes et enfants, s’avancent lentement sur le tremplin, et d’une légère ou puissante flexion des jambes qui se communique à la planche en une vibration qui les propulse, sont lancés, le corps souvent désarticulé, en suspension, quelques fractions de seconde, avant d’être soumis au principe de gravité et englouti dans les profondeurs fraiches de l’eau. Rarement élégant, purement ludique, le plongeon repose sur un plaisir que je comprends, en principe, mais que je ne parviens pas tout à fait à partager (je ne crois pas y avoir pensé activement avant).
Entretien réalisé avec le cinéaste américain Paul Clipson, le 27 janvier 2011. La publication tardive de cet entretien survient suite à l’annonce du décès du cinéaste, le 3 février 2018.
Suite à la présentation, durant le FNC 2017, de La part du diable, nous avons eu l’immense bonheur de discuter avec Luc Bourdon et Michel Giroux, le monteur du film, pour parler d’archives, de droits à l’image, mais aussi pour pénétrer la forge, la fabrique, la petite usine de ce film somptueux, qui nous a bouleversés. Il s’agissait aussi de reprendre un dialogue avec la revue Hors champ qui avait débuté en 2008, à l’époque de la sortie de La mémoire des anges.
J’écris après. Alors que déjà se dissipe le souvenir de ces nuits projetées. Que s’émousse ce qui était encore il y a quelques jours, quelques heures, saillant dans la mémoire. La précision de certains rythmes, sensations, bruits, non décantée, revenait simplement. Il faut désormais faire un peu d’effort.
“Dunkirk peut susciter plusieurs étonnements, notamment en fonction de la position que l’on occupe dans le spectre de la détestation envers le cinéma que Nolan pratique (qui dans mon cas, a toujours atteint des hautes fréquences). Le premier étonnement, et le plus grand, est de me retrouver à écrire, en plein été, un papier à propos d’un type d’œuvre qui d’ordinaire — pour divertissante, admirable, accablante ou sympathique qu’elle soit — suscite assez rarement des désirs d’écriture.”