Un fils d’ouvrier qui, très tôt, devient minoritaire de par son origine sociale – origine à laquelle il restera malgré tout fidèle, et jusqu’au bout. Déjà, une rareté, un combat immense et de tous les jours. Minoritaire, il le sera aussi de par son exigence, et à chaque jour davantage. Que se passe-t-il si un tel homme qui sa vie durant se frotte sans broncher à la violence des structures qui cherchent à le brimer dans ses élans, voit ces mêmes structures, chaque jour, gagner en puissance – et que parallèlement à l’endurcissement de ces structures, il voit ses propres exigences sans cesse se raffermir et gagner en hauteur ? Peut-on imaginer le gouffre qui se creuse alors entre la visée et le possible ? Voit-on qu’à tout instant ce gouffre peut surgir et entrainer avec lui des hommes, petits et grands ?
Tout se passe comme s’il y avait un équilibre secret et profond entre les troupes de l’art conformiste et ses voltigeurs audacieux. C’est là un phénomène de complémentarité bien connu en sociologie, où Claude Lévi-Strauss l’a décrit excellement: l’auteur d’avant-garde est un peu comme le sorcier des sociétés dites primitives: il fixe l’irrégularité pour mieux en purifier la masse sociale. Nul doute que dans sa phase descendante, la bourgeoisie n’ait eu un besoin profond de ces conduites aberrantes, qui nommaient tout haut certaines de ses tentations.
Suite à la présentation, durant le FNC 2017, de La part du diable, nous avons eu l’immense bonheur de discuter avec Luc Bourdon et Michel Giroux, le monteur du film, pour parler d’archives, de droits à l’image, mais aussi pour pénétrer la forge, la fabrique, la petite usine de ce film somptueux, qui nous a bouleversés. Il s’agissait aussi de reprendre un dialogue avec la revue Hors champ qui avait débuté en 2008, à l’époque de la sortie de La mémoire des anges.
Faire politiquement des films : mettre politiquement en cause, ou même en crise, les conditions de production, les systèmes d’écriture des films. Par exemple : sans financement et sans producteur, simplement muni d’une petite caméra et parfois accompagné d’un ami pour le son, un couple part, une année durant, à la rencontre d’un monde qui refuse obstinément de se laisser domestiquer afin d’en faire un monde de cinéma – lui qui par ailleurs n’est jamais aussi efficace que lorsqu’il parvient à domestiquer la vie sous toutes ces formes.
Le couple Klotz-Perceval, par son œuvre sans compromis envers ce que notre époque peut avoir de terrible, mais aussi par sa manière solidaire et plurielle d’envisager la pratique cinématographique, n’a cesse de questionner à la fois le cinéma et le monde dans lequel nous vivons. Dialogue sur l’état de leur cinéma, donc, mais aussi sur l’état du cinéma et du monde, de la critique et du spectateur.
Entretien avec Simon Lavoie et Mathieu Denis réalisé à l’occasion de la sortie de Ceux qui font les révolutions à moitié n’ont fait que se creuser un tombeau.
Conversation autour de Out 1 de Jacques Rivette, à l’occasion de sa présentation à la CInémathèque québécoise au mois de juin 2016.
On le sait, il y a trop d’images. Mais l’on s’entend généralement assez mal lorsque vient le moment — plutôt rare |— de se risquer à une définition de ce que seraient ces images en trop, par exemple en cherchant à déterminer si elles participent ou non à ce spectacle généralisé qu’annonçait Guy Debord il y a déjà plus de quarante ans….
Entretien avec Pedro Costa réalisé dans le cadre de l’édition 2014 du Festival du nouveau cinéma où fut présenté son dernier film, Cavalo Dinheiro.