En chantiers

Notes en faveur d’une pratique ascétique du cinéma (2ème carnet)

Pour ce deuxième carnet, j’ai tenté d’extirper les derniers résidus de bile noire qui entachent mes cahiers. Ceci avec comme objectif, d’abord, d’en faire un beau petit « crachat » bien solide, aussi excessif qu’irrévérencieux, et qui sait, peut-être même utile aux quelques « mollards » insoumis qui s’y reconnaîtraient. Ensuite, dans l’espoir de mettre derrière moi, si possible avec quelques pointes d’humour, certaines énergies délétères qui parfois se mettent sur le chemin du « vrai travail » (voir le précédent carnet, et le prochain…).

« Voilà saisie, sur le vif, cette dérivation artistique vers laquelle pousse la société qui ne veut pas être dérangée, qui veut bien que l’on crache sur les murs, qui s’empresse même d’encadrer les crachats, qui organisera des expositions de haineux mollards, trop heureuse qu’on ne touche pas à l’ordonnance discrète de ses constructions, de ses hiérarchies, de ses habitudes… »

— Fernand Deligny

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Plateaux d’argent

« What is this? Kindergarten? Nursery school? »  — Agent Cooper ?

Plateaux de tournage ou Enfants gâtés dans une salle de jeux luxuriante.
Ils croient sincèrement qu’ils font quelque chose de sérieux, mais ne voient pas que tout le sérieux de leur entreprise repose sur l’immensité de leur outillage dispendieux. Enlève — lui ses luxurieux jouets, et l’enfant-roi est nu. Apprends-lui le vrai sérieux de l’enfant : il apprendra alors à jouer sans jouets — et il y aura des jouets pour tout le monde.

Plateaux de tournage ou Colonies pénitentiaires pour adulescents en manque de discipline.
Leur sérieux n’a d’égal que le plaisir avec lequel ils se soumettent aux procédures imposées et aux hiérarchies coordonnant leurs actions — et dans lesquelles ils choisissent de s’enfermer, eux et le cinéma avec.

Plateaux de tournage ou Villas clôturées dans le bidonville-monde.
Face à la misère et au désastre qui chaque jour gagnent du terrain, indécence des plateaux de tournage qui, à la lisière de leurs terrains de jeu fortunés, n’affichent pas : « ouvert aux sinistres : qui que vous soyez, n’hésitez pas à venir foutre la merde ». Il est fort à parier que les films — davantage encore que nos consciences — s’en porteraient mieux.

Affichage pour plateaux de tournage (2ème prise).
Surcharge d’équipements — à voler — pour jeunes âmes en perdition cherchant désespérément à faire des films (merci pour le désencombrement).

L’amour des règles

Savoir et pouvoir.
La scolarisation, la professionnalisation et la technicisation à outrance du cinéma : équivalent de l’hyper grammaticalisation de la langue française ?

Tel est pris qui croyait prendre.
Pour échapper aux tortuosités de la langue française, quelques recalés ont eu la bonne idée d’investir le champ de l’audio-visuel… et pour y faire quoi ? Instaurer un nouveau régime de terreur…

Tu envisages d’entrer à l’école de cinéma ?
Tu as déjà tant à désapprendre — et voilà que tu t’apprêtes à redoubler ton fardeau !

Grande force perdue du cinéma…
Jusqu’aux années 70 environ, il fut synonyme d’école buissonnière.

De pairs en impairs

« Ne te présente pas devant un tribunal dont tu ne reconnais pas le verdict. » — Kafka

D’impairs en impairs…
Si — avant de bêtement te présenter devant le tribunal — tu avais pris la peine de lire la définition du mot pair (personne de même situation sociale, de même titre, de même fonction qu’une autre personne), force aurait été d’admettre que ce n’est pas tant à tes pairs qu’on te demande de t’adresser, mais à tes…
- À mes… impairs ?
- Mais oui, idiot ! Dix ans pour le comprendre !! Dix ans d’impairs !!!

Astuces pour convaincre tes impairs.
Sois juste assez original ou astucieux pour ne pas éveiller leur orgueil, toujours de manière à ce qu’ils puissent se dire secrètement : « c’est original, c’est intelligent, mais pas au point où — dans l’absolu — je n’aurais pas pu y penser moi-même ». Si tu excèdes ce cadre de référence, sur quels critères veux-tu bien qu’ils te jugent ?

L’originalité advient à qui s’abstient de la chercher 1 .
Tes impairs t’accusent de manquer d’originalité, ou sinon de faire l’original en prétendant ne pas te soucier d’originalité ? Puisqu’il s’agit d’être original sans trop en avoir l’air — car il faut bien se distinguer tout en évitant le scandale de la prétention — il est bien normal que tes impairs ne supportent pas l’humilité de ton approche : la reconnaître équivaudrait à admettre à la fois et leur prétention, et leur manque d’originalité.

Les intentions sont néant.
Ton projet ne peut se révéler dans une intrigue dominante qui, même si elle existe, t’apparaît au mieux secondaire ? Tu ne parviens pas à cerner ton sujet de manière définitive et, pour rendre compte pleinement de sa consistance, tu dois emprunter un discours polyphonique aux voix discordantes ? Tu concentres tes énergies sur les problèmes de forme et tu refuses de laisser dériver ton esprit vers quelques projections fantasmées du film à venir ? Voilà des critères décisifs concernant les qualités proprement cinématographiques de ton travail — et une entrave considérable à l’éventualité qu’il puisse voir le jour autrement que dans la pauvreté — et par l’ascèse.

La carte et le territoire.
Oubliant peu à peu tes impairs, tu navigues en vent contraire et crains de perdre de vue les cadres de référence ? Tu fais soudainement naufrage sur une île abandonnée, possiblement riche et fertile, mais qui n’apparaît sur aucune carte ? Voilà bientôt des mois, peut-être même des années, que vers le large tu émets des signaux, toujours en vain ? Mais qu’espères-tu donc ? Rentrer vite au bercail ? Détruire au passage quelques navires ennemis ? Ou labourer le terrain, le rendre désirable, fertile, accueillant ?

Amuse-gueules (salle d’attente)

Légion d’Honneur x2.
1 : Quand on entre dans la Légion, on perd l’Honneur. [JLG]
2 : En vérité l’essentiel n’est pas de refuser les médailles, mais de ne pas les mériter [Satie à propos de Ravel refusant la Légion d’Honneur 2 .

Spécificité du 7ème art.
Quand on veut (s’assurer par tous les moyens dont on dispose que les autres nous fournissent ce dont on a besoin pour faire ce que l’on veut faire), on peut.

Dans l’attente d’un Salon des refusés

« Pour chaque projet d’Anaïs financé à coups de milliers voire de millions de dollars, c’est une centaine d’artistes qui ne reçoivent pas plus que le crottin de cheval que les honnêtes fonctionnaires rencontrent en sortant de leurs bureaux à Place d’armes. Ces artistes incompétents ne valent pas un sac de graines de tournesol, pas un os à chien rongé depuis une semaine, pas une canne de sardines traînant sur les étagères du Dollorama. Ces lamentables ont pourtant des modèles que l’élite génère pour les aider à ce qu’ils trouvent un peu d’inspiration, mais ils ne s’en servent même pas ! Ils ne font que se plaindre, c’est certainement la raison de leur risible échec. Nuls en art, pourris en affaires. C’est bien connu, les incompétents sont les premiers à fouiller dans les affaires des autres. Qui blâmer s’ils sont impuissants à faire usage des mécanismes d’une industrie là pour eux ? Qu’on ne vienne pas dire que le cinéma défendu par la bourgeoisie culturelle est le masque qu’un système exploite en toute conscience pour cacher ses intentions pourtant criantes de clivage, étouffer les résistances, détourner les subversions. Serions-nous mieux disposés à représenter de par nous-mêmes notre saleté jusqu’à nous en laver quand ce grand nuage macabre qui plane au-dessus de nos têtes éclatera en une averse ? Pour le moment, les faits montrent que nous serons encore longtemps consommés dans cet enfer du bien ». — Guillaume Roussel-Garneau 3
« Rien ne nous assure que l’art se tienne vraiment dans son milieu ni sous son allure les plus réputés. Il peut très bien trouver sa teneur et ses enjeux réels hors de son institution 4  ». — Pierre-Damien Huyghe « Y’en a qui savent parler à force d’avoir entendu, et y’en qui savent faire à force d’essayer » . — Fernand Deligny

Pour le bon maintien de l’ordre général…
Moins l’on saura faire, plus l’on saura quémander — et inversement. Et tout sera fait pour que ceux qui ne savent rien faire d’autre que quémander puissent tout faire — et en premier lieu : quémander les moyens de quémander aux autres de faire les choses à leur place. Quant à ceux qui « sauront tout faire » sauf quémander — il sera dans l’ordre des choses qu’ils fassent — avant toute chose — ce que les autres leur quémandent de faire.

Or, puisque l’on ne peut pas tout faire…
Forcément, il faudra choisir son camp : soit s’évertuer à devenir maître-quémandeur (au risque de ne rien savoir faire d’autre), soit soumettre son savoir-faire aux quémandes du quémandeur, ou soit encore… décamper !

Or, une fois décampée…
Tu auras beau avoir tout le savoir-faire nécessaire pour faire ce que tu veux faire, on ne te laissera pas faire pour autant : avant toute chose, aujourd’hui, il te faut les autorisations (« psst… douzième étage, cinquième porte à gauche, tu cognes trois fois, une petite pause, tu cognes encore trois fois, tu attends quatre secondes, tu entres, tu fais trois pas et demi et puis tu t’assois, et surtout, tu souris : tu ne cesses plus de sourire… »).

Non-négociable.
Non pas : tout mettre en œuvre 5 pour obtenir le privilège de faire des films. Mais plutôt : faire coûte que coûte — et exemplairement — tes films : c’est-à-dire les faire de manière que faire des films ne soit plus un privilège : faire politiquement des films 6 .

Le fond de l’air est rouge.
Il ne s’agit pas de négocier notre intégration dans la société du bien-être, mais de contester cette société même et les biens de compensation qu’elle offre [Chris Marker].

Tu crois au mérite de ta place ?
Dis-toi bien que ceux qui davantage que toi la méritent.
S’ils n’y sont pas — à cette place.
C’est qu’au fond ils n’y croient pas — au mérite — celui pour lequel tu as tant travaillé.
Ils croient simplement que certains.
Ont besoin de plus de place : c’est là que va tout leur travail.

Cinéma populaire, cinéma de masse, succès, etc.

« Ce sont les fameuses “élites” qui barrent notre chemin. Le peuple est sensible à la beauté, même si elle le déroute. Et nos films qu’on accuse d’être faits pour une minorité doivent en sauter l’obstacle et tomber dans cette majorité qui juge de plus en plus instinctivement et n’est pas encore fermée au neuf par la routine des modes ». — Jean Cocteau
« Il est vrai que je ne vois aucune différence de nature entre du pain de campagne et du cinéma populaire bien levé, cuit à point. Et si le pain d’ici est incomparable, ça n’est pas le pain même, mais bien par la manière dont il a été fait ». — Fernand Deligny

Que vises-tu ?
Tu crois qu’en cherchant à plaire au plus grand nombre, tu te fais l’humble défenseur d’un cinéma populaire ? Et voilà que, te posant comme sujet autonome en mesure d’objectifier les masses et leurs désirs, tu empruntes la position élitiste par excellence. N’as-tu pas envisagé que le véritable art populaire n’est peut-être pas celui qui vise le peuple en le prenant pour cible — mais plutôt celui qui fait avec le peuple, à son échelle, avec ses moyens 7 ?

Cinéma de masse (entropique).
Quelques « gros films » se voulant « socialement représentatifs » de la grande majorité des goûts « socialement déterminés » par quelques « gros films » se voulant… (bis).

Cinéma populaire (négentropique).
Multiplicité de « petits films » qui, chacun à leur manière, sont consciencieux de leur travail de bateleur pour quelques spectateurs indéfinissables, abandonnés, solitaires, à la rue du lien social télé-média-sociaux-vociféré.

Cinéma filmé (Auteur-pique-assiette).
Travail consistant à prélever les effets des vieux films, à compiler les figures visuelles sécrétées tout au long de l’Histoire du cinéma par les genres, à tenter de les reproduire, à leur donner un vernis moderne en les barbouillant d’une lumière ostentatoire, à accrocher des grelots culturels aux basques des personnages, à faire la tambouille scénaristique et dramaturgique avec de vieux restes abandonnés et à photographier cette soupe synthétique servie sur un plateau [Jean-Claude Biette].

Cultural studies (trois hics) :
1. quête de prestige associé au fait de démystifier le Grand Art ;
2. exercice d’une violence symbolique dans le fait « d’obliger » les pratiques populaires et les produits de masse à devenir ce qu’ils n’ont pas le souci d’être : de l’Art et des objets de science ;
3. oublie que l’abolition des frontières est elle aussi un régime propre à l’impérialisme.

La plus grande découverte cinématographique des trente dernières années…
En dose toujours plus abondante : l’autoréflexivité et le second degré : mélange plus ou moins judicieusement réparti de critiques, de complaisance et d’idéologie — et dont l’objectif sera généralement de susciter un haut degré de connivence avec le spectateur : non pas s’adresser à lui en tant qu’être doté d’intelligence, mais faire en sorte qu’à tout moment, il se sente intelligent (à noter que ce procédé s’avère particulièrement indispensable chaque fois que le spectateur est convié — comme il est dorénavant de coutume — à une profonde régression infantile 8 .

Grand succès (petit malin).
Ce film joue magnifiquement de connivence avec le spectateur : la salle est pleine et chacun, secrètement dans son coin, semble se dire à lui-même : « enfin un film qui ose dire ce que je pensais tout bas… ».

Succès (et financement) garanti.
Rien de plus consensuel ni de plus valorisant que d’épouser subtilement les valeurs montantes de son époque : on s’assure de l’adhésion des plus progressistes tout en suscitant chez les plus réfractaires juste ce qu’il faut de transgression constitutive pour les entrainer bientôt dans l’irrésistible flux, bientôt majoritaire et incontournable : une idéologie.

Où placer sa foi ?
Envisager le succès, c’est croire — ni plus ni moins — en la chance du hasard ou du malentendu. Crois-y davantage — c’est-à-dire cherche-le — et tu cèdes à la mauvaise foi.

À quelle espèce appartiens-tu ?

Parasite.
Tu aimes au moins autant sinon davantage le milieu du cinéma que le cinéma lui-même : comme un poisson dans l’eau, tu n’hésites jamais à te nourrir du premier (souvent ta carrière en dépend) au détriment du deuxième (un agréable prétexte).

Mère poule/père poule.
Tu aimes davantage le cinéma que le cinéma ne t’aime : ton amour est inconditionnel, tu es prêt à toutes sortes d’entorses pour ne pas bouder ton plaisir, et tes caresses sont le plus souvent envahissantes. Tu aimes tellement le cinéma que tu ne peux que le garder sous ta tutelle (un beau jour, le cinéma se vengera).

Parent suffisamment bon.
Le cinéma participe à te rendre meilleur et en retour — ne cédant rien de tes exigences sans cesse croissantes envers lui — tu oses le critiquer, et ainsi tu participes à le rendre meilleur (le cinéma t’aime) 9 .

À suivre…

Premier carnet

Notes

  1. Friedrich Nietzsche : « D’ordinaire, l’originalité est regardée avec étonnement, quelque fois même adorée, mais rarement comprise ; éviter obstinément la convention signifie ne pas vouloir être compris. De quoi la fureur moderne d’originalité est-elle ainsi le signe ? ».
  2. Pierre Perrault : « Je me demande pourquoi il n’y a pas de récompense pour les plombiers qui savent plomber ni pour les charpentiers qui charpentent à merveille. C’est une mentalité de cirque au fond qui donne aux artistes ce goût du podium sur lequel on élève celui qui l’emporte par un nez ». (… et pour ceux qui se demandent si Pierre Perrault aurait versé ou non une larme en apprenant la mort du Gala Québec Cinéma, nous avons ici la réponse).]
  3. Réflexion sur l’obscénité du cœur, Guillaume Roussel-Garneau, Éditions Kpimé.
  4. Fernand Dumont : « Il faut redonner un sens aux institutions. Ce qui ne peut se faire que si nous vivons les questions et même les angoisses de ceux qui sont à la recherche des valeurs (…). Il n’est pas possible que de toute la recherche actuelle ne surgisse pas une espèce de résurrection. Mais à quel prix ? Car pour les personnes, cette recherche peut être terrible. Tous les individus, même les plus forts, ne sont pas capables d’une telle recherche ».
  5. Tout mettre en œuvre (dans le désert idéologique). Inefficience des idées ou de la pensée dans l’ordre politique et culturel contemporain, où se sont avant tout le réseautage, la publicisation de soi-même, les rapports de placement et la connexion — notamment avec les médias et les institutions — qui permettent la réalisation d’un projet.
  6. La conscience politique s’attrape comme une varicelle. La lutte des classes, ce n’est pas dans Karl Marx qu’on l’a découverte, mais au travers des obstacles qu’on a connus quand on a voulu faire un film précis. Cela a duré 10 ans. C’est là qu’on a réalisé ce qu’étaient la violence sociale, la lutte des classes, etc. Et en lisant Marx, après cela, on s’est dit : « Tiens, voilà une analyse parfaitement claire, juste et réaliste d’un état de choses [Jean-Marie Straub et Danièle Huillet].
  7. Proposition pour une refonte budgétaire démocratique. Grosso modo, indexer le budget attribué à chaque film populaire au salaire annuel moyen de la population globale. Pour chaque film d’auteur, indexer le budget au salaire moyen de l’élite économique. Indexer également le prorata quantitatif films populaires/films d’auteur au prorata quantitatif membres de la classe moyenne/ membres de l’élite. Par exemple : au sacrifice d’un film produit et fabriqué par des élites avec un budget d’élite — du type mettons De père en Flic 2 (budgété à 7 millions) — rendre possible la production d’une centaine de films populaires supplémentaires — budgetés à disons entre 50 000$ et 100 000$ chacun — du type par exemple de À l’ouest de Pluton, Nuages sur la ville, Nouvelles, nouvelles ou Le rêve et la radio — pour ne prendre que quelques longs métrages dont les budgets de production furent nettement inférieurs à 50 000$. Encore faudrait-il savoir dénicher les quelques rares artisans en mesure de réaliser de véritables films populaires sur la base de budgets à échelle populaire. On peut d’ailleurs comprendre qu’ils se fassent rares vu le traitement qu’en général on leur réserve. Car il semble que ce soit bel et bien à l’enrayement définitif de la promesse démocratique d’un cinéma véritablement populaire et artisanal — avènement qui était, il n’y a pas si longtemps encore, partout proclamé avec l’arrivée des nouvelles technologies numériques — que veillent actuellement tout autant les écoles de cinéma que ses industries, ses institutions et ses milieux. Professionnels de la profession : confort de la procédure et profession de foi contre les possibles du cinéma : le fort est bien gardé.
  8. Psychanalyste à rabais pour méga-production. Il est peut-être tout à fait légitime — pour ne pas exploser d’horreur devant, par exemple, le plus récent Transformers — qu’on en vienne à y voir là quelque chose le rapprochant du cinéma expérimental — et c’est sans doute bien utile pour noircir rapidement quelques pages — n’empêche, ce détail apparaîtra pour certains comme tout à fait impertinent par rapport aux enjeux — ne serait-ce qu’écologiques — qui se trament derrière ce genre de méga-production. Et l’on pourra bien s’afférer à détecter dans l’inconscient de tel ou tel réalisateur les preuves que son film est en réalité une critique de ce dont il croyait faire la publicité, il ne vous offrira pas en retour — bien qu’il en ait certainement les moyens — un cachet de psychanalyste. Peut-être gagnerait-on à redéployer ailleurs ce genre d’effort dont on ne voit plus très bien à qui il bénéficie — à moins que ce ne soit là une sorte d’auto-analyse à rabais ?
  9. Jean-Luc Godard : « Il y a beaucoup de gens qui aiment le cinéma, mais peu de gens que le cinéma aime. Il faut entendre cela de la même manière que lorsque De Gaule disait : « moi, la France m’aime, alors que Pétain lui, ce sont les Français qui l’aiment, mais pas la France ». Alors je me dis que moi, le cinéma m’aime. C’est une manière de ne pas désespérer, de me garder en vie… ».