Quel effet produisent des images du passé en couleurs, pour des événements dont nous avons traditionnellement vu des films noir et blanc ? Pourquoi existe-t-il des films couleur de la Seconde Guerre mondiale, tournés par des soldats et leurs familles, alors qu’à l’époque, 90% des films que les gens allaient voir au cinéma étaient en noir et blanc ? Enfin, la couleur réduit-elle la distance émotive du spectateur des archives à la réalité du passé, à l’horreur de la guerre ?
C’est tout l’espace public représenté qui est en train de verser dans le second degré, ce niveau Méta qui fait instantanément du spectateur un complice dans l’éradication du sens et son remplacement par une sorte de cynisme branché, sans portée critique véritable mais porteur de tous les signes d’un détachement de bon ton qui en mime les effets.
L’homme ordinaire du cinéma est-il un évadé, ou un prisonnier ? Le cinéma n’est-il un lieu d’évasion, précisément parce que, en même temps, il nous enferme ?
Hors champ pose ce mois-ci un “regard sur l’enfermement” et propose trois trajectoires qui explorent, chacune à leur manière, un axe possible de cette vaste question.
Ce thème du double, point de jonction où va s’opérer une confusion entre le réel et l’imaginaire, génère à son tour les rivalités, le mimétisme des personnages comme si ces derniers, tel l’envers et l’endroit, l’ombre et la lumière, étaient l’amalgame de deux moitiés « opposées » en perpétuel conflit, conflit qui aboutit à ce que ces mêmes personnages finissent par se mépriser ou sombrer dans un profond masochisme.
Au même titre que le décor et le personnage se voient dédoublés l’un dans l’autre, passé et présent sont voués à se confondre, entre réel et imaginaire, souvenir ou fantasme, actuel et virtuel. Spider nous plonge dans une zone d’indiscernabilité, une membrane mouvante. A travers répétitions de cadrages et de sons, mais surtout et avant tout, à travers ses parcours, il rend ces différentes nappes de temps coprésentes. Aussi, ce ne sont plus tant des déplacements dans l’espace qu’il effectue que des parcours dédoublés dans le temps.
L’idée que de considérer la filmographie de David Cronenberg du point de vue de l’enfermement peut surprendre, lui qui n’a cessé de faire circuler ses personnages de monde en monde dans eXistenZ, dans la ville pour Rabid, sur les routes dans Crash. La libre circulation des flux et des corps semble le mot d’ordre de sa mise en scène. C’est une caméra mobile qui évolue dans l’espace et saisit ou laisse fuir des figures ambulantes. Cependant, l’enchaînement des lieux provoque l’enfermement, l’impossibilité de sortir ou plutôt de s’en sortir.
Autant le documentaire de Christlieb et Kijak se complaît dans le portrait de ces asociaux contemporains, de ces encyclopédies semi-autistes, déraciné des idées qui ont porté la cinéphilie des années 60, autant le film de Bertolucci est l’histoire de cette idée, de cet âge d’or de la cinéphilie parisienne, avant sa chute, entre l’Affaire Langlois et mai 68, où l’écran de cinéma se trouve enfin dépassé par la rue, la cohue, l’histoire.
Il faut donc trouver un moyen de rendre l’art et le savoir publics, de faire de nos états de réelles démocraties en offrant à la population une image d’elle-même par le savoir et l’art qui sont faits en son nom pour lui dégager un accès au monde qu’elle occupe, souvent aveuglément.
Hors Champ présente une sélection de films autour de la vie paysanne :
L’arbre aux sabots (E. Olmi), La terre (A. Dovzhenko), Les terriens (A. Doublet), Farrebique (G. Rouquier), Les inconnus de la terre (M. Ruspoli), Le retour à la terre (P. Perrault), Euskadi été 1982 (O. Iosseliani) et Maria – élégie paysanne (A. Sokourov). 1er au 13 avril
La cinéphilie n’est plus ce qu’elle a été, certes, mais cesse-t-elle d’exister pour autant ? Une des façons de l’envisager, dès lors, serait de tenter d’en formuler une définition qui ne serait pas obscurcie par la nostalgie, qui témoignerait de façon juste de la relation du spectateur au film.
Au fur et à mesure que le film avance, il construit pudiquement son chemin, corrode toutes les illusions (y compris celles de la romance amoureuse), écarte sagement les tentations chimériques pour recentrer son propos sur l’essentiel. Subtilement, c’est sur cette désillusion que Before Sunset fait surgir la simplicité et l’humilité que peut être l’amour.
Colloque international [Prises de rue. Rues et routes dans les cinémas européens contemporains->http://poec.mcgill.ca/index.php?page_id=7], du 17 au 20 septembre 2008 (Goethe Institut, Cinémathèque québécoise, McGill University)
À la Cinémathèque québécoise cet automne:
Chine Cinéma, rétrospective Jia Zhang-ke, Écrivains cinéastes, Andy Warhol, et bien plus encore.
lancement du site Web [« Le cinéma au Québec au temps du muet, 1896-1930 »->www.cinemamuetquebec.ca] le 19 septembre à 17h. Une réalisation du GRAFICS de l’Université de Montréal, en collaboration avec la Cinémathèque québécoise et Bibliothèque et Archives nationales du Québec.
Hors champ présente: les films d’Ernie Gehr – du 30 octobre au 1er novembre
Sortie DVD d’Americano : voir notre Entretien avec Carlos Ferrand et le site du [distributeur->http://www.f3m.ca/].
Festival international de Toronto – du 4 au 13 septembre
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Dans la revue 24 IMAGES : Dossier Sport et Cinéma / Entretien avec Renato Berta
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Hors Champ vous propose un ouvrage sur le cinéma de Claire Denis : [Claire Denis, ou l’énigme du sens->http://www.aleas.fr/index.php?option=com_content&task=view&id=339&Itemid=2]
, écrit par Sébastien David, Paul Gibert, Fabrice Fuentes, et un collaborateur de la revue Hors champ, Rémi Fontanel.