Sur la terre
Sur la terre
1er, 3, 8-9, 13 avril 2005, Cinémathèque québécoise.
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Les modes de vie liés à la campagne et les communautés qui prenaient leurs sources dans le travail de la terre sont en voie de disparition. Ils semblaient avoir résisté à toutes les tempêtes : jougs successifs des seigneuries ou des églises, récupération par la propagande socialiste, industrialisation sauvage. Mais le néolibéralisme, la standardisation des moyens de production et la prolifération définitive et générale de toutes les formes de « communications » achèvent de rapetisser le monde et avec lui le souvenir de ceux qui consacraient leur vie aux besognes de la ferme et au labourage des champs. Leur évocation par le regard de cinéastes comme Iosseliani, Olmi, Rouquier ou Sokurov, nous permet d’assister à une reconstitution souvent étonnante des modes de vie paysans fondés sur les cycles de la nature, la famille et la transmission des connaissances. De là, sans regrets affectifs, nous pouvons néanmoins entendre les échos de ces ancêtres et en retirer quelque chose : leur silence, leur force, leurs peurs ou ces regards parfois empreints d’une sage ironie. Une foi, aussi, comme dans L’arbre aux sabots, qui n’est pas la simple manifestation d’une croyance mais aussi l’incarnation du caractère à la fois beau, terrifiant et obscur de la vie sur terre.
Hors Champ reçoit le soutien du Conseil des Arts du Canada. Les programmes de Hors Champ à la Cinémathèque québécoise sont rendus possibles grâce au soutien du Conseil des arts de Montréal. Nous tenons également à remercier chaleureusement le Consulat général de France à Québec (tout particulièrement Mr. Pierre Colliot et Mme. Laurence Moiroux), Quark Productions, Argos Films, Idéale Audience ainsi que Pierre Jutras et Dominique Dugas de la Cinémathèque pour leur collaboration.
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Programme :
Salle Claude-Jutra
Vendredi 1er avril 2005
18h30
La terre
Réal. : Aleksandr Dovzhenko [Russie, 1930, 75 min., intertitres russes s.-t.f.] avec Stepan Shkurat, Semyon Svashenko, Yuliya Solntseva
Le jeune secrétaire d’un kolkhoze est tué par un koulak et pleuré par sa fiancée. « Chant du cygne du cinéma muet en URSS. Animée par un puissant souffle épique, cette oeuvre est aussi la plus magnifique version du chant de la terre qu’a été maint et maint film soviétique de la grande époque. » (Marcel Martin, 1990) Accompagné au piano par Gabriel Thibaudeau.
20h30
Les terriens
Réal. : Ariane Doublet [France, 84 min., 2000]
Durant cinq semaines, avant et pendant l’éclipse totale du soleil d’août 1999, la réalisatrice est allée dans un village en Normandie à la rencontre de quelques familles d’agriculteurs. « j’ai tourné en 1999 et j’ai filmé les choses telles qu’elles sont en 1999. C’est vraiment un film que j’ai fait ici et maintenant, j’étais vraiment au présent des choses. C’est sûr qu’en même temps le film sera une trace, je sais que le monde évolue et c’est comme ça dans tous les milieux. Le film deviendra une trace comme Farrebique de Rouquier tourné en 1946, qui aujourd’hui est également un témoignage. » (Ariane Doublet, 2001)
Dimanche 3 avril 2005
18h30
L’arbre aux sabots
Réal. : Ermanno Olmi [Italie, 1978, 188 min, v.f.] Avec Luigi Ornaghi, Francesca Moriggi, Omar Brignoli
Avec un souci du détail et un sens évident de la proximité, L’arbre aux sabots relate la vie collective, un an durant, d’un village de la Lombardie à la fin du 19e siècle. Ermanno Olmi signe ici une fresque rurale aux proportions saisissantes, qui ne va pas sans diviser le spectateur entre la nostalgie d’une époque où les choses prenaient un caractère nettement humain, et l’admiration devant cette même humanité, brillamment reconstituée. (Jean-Philippe Gravel, 1997)
Vendredi 8 avril
20h30
Farrebique
Réal. : Georges Rouquier [France, 1946, 90 min.]
Georges Rouquier décrit la vie d’une famille aveyronnaise, dans le Rouergue, au rythme des quatre saisons. « Farrebique n’est pas joué, il est vécu. Rouquier filme un à un ces gestes perdus aujourd’hui, qu’aucun acteur n’aurait pu rendre car ils ne relevaient pas de sa vie. C’est parce que l’objet même de sa fiction était ces gestes que Rouquier ne pouvait faire tourner que de vrais paysans, ne pouvait inscrire le film que dans une sorte d’intemporalité, celle du temps d’avant. » (François Demougins, 2003)
Samedi 9 avril
19h
Les inconnus de la terre
Réal. : Mario Ruspoli [France, 1962, 36 min.]
« Mario Ruspoli a capté la voix des campagnes abandonnées, avec leurs mots à eux, avec leurs visages et leurs gestes silencieux, il a fait parler les paysans les plus déshérités de France et nous reconnaissons soudain notre prochain dans ces hommes oubliés du siècle. » (Simone de Beauvoir) Tourné avec la collaboration des paysans de quelques fermes isolées de la Lozère, Les inconnus de la terre est un film phare de l’histoire du cinéma direct, porté par la caméra souple et étonnante de Michel Brault.
suivi de
Le retour à la terre
Réal. : Pierre Perrault [Québec, 1976, 57 min]
« Pierre Perrault orchestre ici le procès de l’Histoire et du Pouvoir, soutenu par son témoin privilégié, Hauris Lalancette. Entre les promesses de la colonisation des années 1930, dont le chantre cinématographique sera l’abbé Maurice Proulx, et l’immense déception causée par la fermeture des terres au début des années 1970, le peuple abitibien aura été dépouillé des fruits de son labeur. » (ONF)
En présence de Michel Brault
21h
Rang 5
Réal. : Richard Lavoie [Québec, 1994, 117 min]
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Le portrait et le vécu de six familles du Rang 5, qui correspondent chacune à une approche particulière de l’agriculture, de la ferme traditionnelle jusqu’à la production industrielle. « Je dédie ce film à ceux qui aiment la terre et s’en inquiètent. De 150 000 familles qu’elles étaient il y a 50 ans, il n’en reste plus que 40 000 à cultiver et occuper l’immense territoire québécois. Une dizaine d’entre elles, dans ce petit coin de pays de Lanaudière, ont osé faire ce film. » (Richard Lavoie, 1994)
En présence de Richard Lavoie
Salle Fernand-Seguin
Mercredi le 13 avril
19h
Euskadi été 1982
Réal. : Otar Iosseliani [France, 1983, 55 min]
Ce documentaire, qui évoque le mode de vie et les traditions folkloriques de paysans basques, est porté par le regard perçant et tendre d’Iosseliani. Celui-ci parvient à saisir la douceur, le silence et la probité de « ce peuple fier », dont la langue est une des plus vieilles d’Europe, et dont l’identité est fortement liée au terroir. (Simon Galiero, 2005)
Maria – élégie paysanne
Réal. : Alexander Sokurov [Russie, 1978-1988, 41 min., s.-t.f.]
Un requiem en deux chapitres dédié à la paysanne Maria Semionova, qui, toute sa vie, cultiva le lin. La première partie, pastorale, est colorée et montre les travaux des champs, des vacances en Crimée… La seconde partie, triste et élégiaque, en noir et blanc, a été filmée neuf ans après, et raconte la fin de la vie de Maria. « Plutôt que de présenter les clichés attendus de la propagande [sur la vie rurale en Russie], Sokurov crée un portrait artistique. Bien qu’au premier abord, tout semble régulier et fonctionnel, les scènes pastorales finissent pas montrer une tragédie, à la fois pour l’individu et pour le public. » (Alexandra Tuchiskaya)
[Cinémathèque québécoise->www.cinematheque.qc.ca], 335 de maisonneuve E., Montréal, tél. (514) 842-9763 / 5 $ étudiants et aînés -6 $ adultes.
Programmation : S. Galiero et A. Habib.