Il est manifeste qu’une des choses que l’homme ne fait naturellement pas en public, c’est bien de copuler ou de faire l’amour et que cette activité privée est bien, par contre, le garant que l’homme acquiert le statut de civilisé, qu’il a un réel plaisir personnel sans la complaisance d’un public-miroir. Le jour où l’on sera parvenu à montrer un phallus et un vagin communiquant ardemment en gros plan sans être au moins troublé, on pourra se féliciter d’avoir éradiqué la sexualité humaine.
Si croire dans les systèmes idéologiques fut une erreur gravissime (peu repérée à l’époque !), croire en ces nouveaux systèmes du Bien l’est tout autant (peu repérée aussi à notre époque !). « Nos vertus ne sont, le plus souvent, que des vices déguisés. » disait La Rochefoucauld.
Il y a presque quarante ans qu’une nouvelle caste, dans sa stratégie de prédation, tente d’imposer un nouveau capitalisme, un capitalisme hédoniste. Cette formule est du cinéaste et écrivain Pier Paolo Pasolini qui avait compris, dès les années 60 et 70, que le néo-libéralisme devait évoluer sur la “gauche”, devenir « progressiste » et « humaniste », « tolérant », « communicant », histoire de décloisonner et de s’étendre au monde entier pour créer un individu totalement « émancipé », « élastique », ayant perdu tous ses repères familiaux, sexuels, culturels et autres, et ce afin d’être plus facilement soumis au despotisme de la marchandise.
Il n’y a rien ici de proprement idéologique, mais une volonté ironique et joyeusement démystificatrice de cerner au plus près les motivations secrètes qui régissent les relations entre les hommes et les femmes. En définitive, le cinéma de Bonitzer est un cinéma discret, fondamentalement humble par la critique de la vanité qu’il opère et du brouillard que l’individu s’ingénie à développer autour de lui pour ne jamais y voir clair.
Je n’avais pas du tout d’idée de ce que j’allais raconter, mais je me disais que le point de départ du film était les trois premiers vers de La divine Comédie : « Au milieu du chemin de ma vie, je me trouvais dans une forêt obscure car j’avais perdu la voie droite. »
Une nouvelle forme d’intolérance déguisée derrière un humanisme de façade s’installe, nouvelle étape historique, d’autant plus difficile à démasquer qu’elle n’annonce plus aussi ouvertement sa barbarie. Faut-il craindre comme Charles Melman un fascisme volontaire, « non pas un fascisme imposé par quelque leader et quelque doctrine, mais une aspiration collective à l’établissement d’une autorité qui soulagerait de l’angoisse, qui viendrait enfin dire à nouveau ce qu’il faut et ce qu’il ne faut pas faire, ce qui est bon et ce qui ne l’est pas, alors qu’aujourd’hui on est dans la confusion.
Ce thème du double, point de jonction où va s’opérer une confusion entre le réel et l’imaginaire, génère à son tour les rivalités, le mimétisme des personnages comme si ces derniers, tel l’envers et l’endroit, l’ombre et la lumière, étaient l’amalgame de deux moitiés « opposées » en perpétuel conflit, conflit qui aboutit à ce que ces mêmes personnages finissent par se mépriser ou sombrer dans un profond masochisme.
Au fur et à mesure que le film avance, il construit pudiquement son chemin, corrode toutes les illusions (y compris celles de la romance amoureuse), écarte sagement les tentations chimériques pour recentrer son propos sur l’essentiel. Subtilement, c’est sur cette désillusion que Before Sunset fait surgir la simplicité et l’humilité que peut être l’amour.
« L’absurdité de ce réel est de constater que personne ou presque, au fond, ne souhaite vivre dans une telle société. Mais personne également n’a rien pu empêcher (…) une fois qu’elle est là, et ne pourra rien faire si un jour tout cela s’écroule. Notre liberté est aussi infinie qu’impuissante et inutile. La démocratie est devenue un pays où la liberté est réelle mais où celle-ci ne sert (presque) plus à rien. »
“ […] plus le cinéma de Polanski est “réel”, plus il est étrangement inquiétant (ce qui ne veut pas dire qu’il débouche obligatoirement sur le fantastique ou l’irréel) ; plus il est palpable, plus il vise l’impalpable en cela qu’il veut nous faire saisir la vérité, le versant métaphysique des choses et des êtres. “