Les fleurs de Cette maison, Miryam Charles (2022)

Sommaire printemps 2023

Pour ce printemps 2023, voici un numéro de Hors champ qui assemble des textes documentaires, critiques et poétiques et entre lesquels se tissent certains liens souterrains. Le chercheur Romain Pinteaux ouvre le bal avec un article consacré au Lower East Side des années 1980 et plus précisément, au Cinéma de la Transgression et à la mémoire du VIH/sida qui le traverse. Entrant en résonance avec Exposé·e·s — exposition inspirée par le livre d’Elisabeth Lebovici, Ce que le sida m’a fait. Art et activisme à la fin du XXe siècle (2017) qui a en ce moment lieu au Palais de Tokyo —, cette recherche propose un parcours au sein d’un corpus de films qui témoignent de l’« exploration de limites qu’il s’agit de transgresser pour donner de nouvelles frontières à son être dans la marginalité, et dans la maladie, en réaction à la crise qui touche au corps. » Offrant un certain écho à l’univers de cette recherche par le biais du film de Laura Poitras, All the Beauty and the Bloodshed (2022), Alice Michaud-Lapointe et Maude Trottier conversent autour de certaines œuvres de réalisatrices (Alice Diop, Sarah Polley, Barbara Loden, Laura Poitras, Mireille Dansereau, Miryam Charles, principalement), en un « geste d’amitié politique et de discussion ouverte ». Avec Edo Volbeda, la focale féminine se précise autour de la vie d’une cultivatrice de daïkon vivant dans les montagnes du bassin de Shiotani, au Japon, vie saisie dans le film The Works and Days d’Anders Edström et C. W. Winter (2020). L’auteur fait état des durées impliquées dans ce docufiction qui cumule huit heures et présente le quotidien de cette femme et la communauté l’entourant, étalé sur cinq saisons. En résulte une « temporalité à la fois monumentale et intime, à l’échelle des (petites) choses et du temps qu’elles prennent ».

Annaëlle Winand et André Habib font état du projet Cadavre exquis : ouvroir de cinéma potentiel, initié par Hors champ et Zoom Out et maintenant associé à CINEXMEDIA, partenariat international « portant sur les enjeux sociétaux, pédagogiques et thérapeutiques de l’expérience cinématographique dans une perspective inclusive ». Le projet Cadavre exquis a pour objectif de rendre disponible au réemploi de même qu’aux initiatives artistiques et de recherche, un ensemble de films 16 mm éducatifs et scientifiques issus de la collection de l’Université de Montréal. Conçu comme « un laboratoire de valorisation des archives et de création expérimentale », Cadavre exquis, s’il s’inspire de certains modèles archivistiques prévalant comme les Archives Prelinger et l’Open Memory Box, prévoit et porte également la création et la diffusion d’œuvres, comme l’expliquent et l’exemplifient les chercheurs·e·s.

Ce numéro se poursuit avec deux écrits d’artistes aux accents contestataires vibrants et distincts. Nous reproduisons ici Remember/Remembrer, une performance de la vidéaste et artiste lamathilde — transcrite par les soins d’Annaëlle Winand —, livrée au Groupe Intervention Vidéo (GIV) le 22 février 2023. Enroulé autour du « je me souviens » qui hante le Québec, ce texte explore la question « de quoi hérite-t-on et comment recomposer ? ». L’artiste s’y souvient notamment « que l’humour est très pratique pour renverser la honte et les rapports de pouvoirs en redéployant les affects ». Puis, le cinéaste Renaud Després-Larose nous offre le deuxième carnet de ses Notes en faveur d’une pratique ascétique du cinéma où l’humour cette fois change de champ, embrassant l’idée de « petits crachats », « résidus de bile noire ». Sous la forme aphoristique et du montage de citations, l’auteur distille avec une virulence assumée les effets délétères de l’industrie du cinéma en son système, le vocabulaire de ses critères de jugement, pour en arriver à se questionner sur la nature de sa propre participation à ce système.

Enfin, ce numéro se clôt avec sept textes initiés par VISIONS, à travers sa série RÉFLEXIONS, développée en partenariat avec Hors champ. Cette série met l’œuvre d’un cinéaste en dialogue avec les pensées, réactions, interprétations, idées libres d‘un·e écrivain·e. On retrouvera les plumes de Ghada Sayegh, Samy Benammar, Olivier Dorais, Tristan Février, Olivier Godin, Maude Trottier et Gautier Lemelin au sujet de films expérimentaux commissariés par Benjamin R. Taylor.

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There Will Be Blood. Le cinéma underground new-yorkais des années 1980 au travail dans la lutte contre le VIH/sida
Romain Pinteaux
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Déjeuner sur l’herbe : autour de quelques réalisatrices
Alice Michaud-Lapointe, et Maude Trottier
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Le temps que prennent les choses : The Works and Days
Edo Volbeda
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Films éducatifs : modes de réemploi. Autour du projet Cadavre exquis
Annaëlle Winand, et André Habib
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Performance
Remember/Remembrer
lamathilde, et Annaëlle Winand
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En chantiers
Notes en faveur d’une pratique ascétique du cinéma
Renaud Després-Larose
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VISIONS/RÉFLEXIONS
murmure : « bruissement léger, prolongé. À propos de The Violence of a Civilization Without Secrets (2018) »
Ghada Sayegh
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Anti-Objects, or Space Without Path or Boundary de Sky Hopinka
Samy Benammar
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Réapprendre/désapprendre. À propos de Stones for Thunder de Kera MacKenzie et Andrew Mausert-Mooney
Olivier Dorais
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Jean Luc Nancy d’Antoinette Zwirchmayr
Tristan Février
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Sur Wutharr, Saltwater Dreams du Karrabing Film Collective
Olivier Godin
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The Time That Remains de Soda Jerk
Maude Trottier
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The Watchman de Fern Silva
Gautier Lemelin