VISIONS/RÉFLEXIONS

Sur Wutharr, Saltwater Dreams du Karrabing Film Collective (2016)

Ce texte est présenté dans le cadre de la série RÉFLEXIONS, développée et produite par VISIONS. RÉFLEXIONS met l’oeuvre d’un cinéaste en dialogue avec les pensées, réactions, interprétations, idées libres d‘un·e écrivain·e. Le film Wutharr, Saltwater Dreams du Karrabing Film Collective (2016) sur lequel porte ce texte, est accessible en ligne sur le site de VISIONS.

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On peut seulement boire de l’eau qui ne rêve pas.

Linda parle au voisinage des lumières que Dieu a plantées dans le ciel, juste au-dessus du drame. Il y en aurait trois. À travers elles, Dieu clignote et fournit un éclairage au jeu coupable des preuves et à l’hypothèse de ces plages magiciennes.

L’enjeu est le suivant : il faut, avec ou sans Dieu, réparer le moteur. C’est ça le drame sur lequel il faut faire tomber la lumière. Et sans mettre de l’essence sur les mots, car l’essence est injuste, Trevor, Linda et les ancêtres, tenteront de parler du sacré qui se cache sous la graisse du moteur.

Le sacré, plutôt malhabile, s’accompagnera un jour d’indications cruciales visant à réparer le moteur. Ce jour, au moment de rédiger cette phrase, se fait toujours attendre. Selon Linda, les indications sont pourtant depuis toujours dans le ciel des trois Lumières.

On ne filme que les hanches du policier, rien d’autre. On dira que sa braguette, son gun et sa matraque suffisent à dire ce qu’il représente, c’est-à-dire, une sorte de feu malpropre. Car le feu, le premier des éléments, n’est incarné que par cette sombre trinité. La police débarque avec sa ténèbre, le mystère est intact, assombrir est son rôle. Elle ne dit pas que les mains sont des astres, mais confirme par sa présence que le mystère a besoin de lumière.

Si l’eau a rêvé le mot, ce symbole obtus et malléable, c’est pour le projeter dans le ciel. Un fantôme applaudit le ventre qui réclame à boire. La boue pactise avec l’eau et devient littérature, de celle qui préfère une adhésion plus complète aux indices.

Sur l’île, les mots, en forme de fruits et de feuilles, prédisent tout ce qui advient. Ailleurs, on sent le fertile esprit de communion que le pied impose à la nature. Ailleurs encore, on pense à Kurosawa.

Le fusible qui a sauté tarde à se faire identifier. Il sature l’ouvrage de la prière, ça, c’est la version de Linda, dans mes mots. Dieu seul possède l’expertise nécessaire pour réparer le moteur du bateau. Le manuel d’instruction, disent les applaudissements, s’est égaré dans la graisse.

Les rêves se sont étouffés. Le fait est que ce sont les ancêtres qui ont brisé le moteur. L’âme, ce détective malade, comme une espérance de papier, se glisse dans un roucoulement, disparait avec l’air. Ça, c’est la version de Trevor, qui précède celle de Linda.

Quel était le motif des ancêtres ? Qui sont les ancêtres ? Je veux dire, on veut des noms, il faut nommer les coupables. La bureaucratie, la lumière et la police l’exigent. Mais les ancêtres ne peuvent pas être identifiés. Cela risquerait de compromettre le rêve des eaux salées.

Durlg ? Qui est Durlg ? Durlg est le jazz. Et pour ce qui rêve les yeux ouverts, le jazz est potable. Il se boit par les yeux. Il est le refrain d’une conscience de l’eau qui n’a pas de chambre. Sur la plage, il y a cette danse brune et grise dont on ne comprend finalement rien. Les algues s’entre-chatouillent et les vestiges habillent la loi des ancêtres pour mieux en contourner l’énigme.

Celui qui ne boit pas le coca-cola peut toujours boire de l’eau, mais seulement s’il en trouve dans ses rêves. La version des ancêtres s’accorde à ces voix dont on entend applaudir toutes les punitions. Le moteur est brisé. Son silence est celui de Dieu. Vous ne sortirez jamais d’ici, vous fleurirez peut-être, dans cette immobilité boueuse, pour devenir les ancêtres de l’avenir.