Deuxième partie de l’entretien avec Serge Cardinal.
« Terrence Malick nous fait la démonstration que le cinéma peut encore nous redonner le monde à voir, à ressentir, à éprouver. C’est l’événement que représente cette œuvre immense, et qui ne peut que nous amener à vouloir sans cesse retrouver cette sensation du monde que le cinéma, tel qu’il le pratique, est seul en mesure de faire advenir. »
De son rôle de médiatrice entre le public et un monde qui existerait sans elle, la télévision s’est trouvée peu à peu à usurper la fonction même du réel, à recomposer selon ses propres schémas une certaine idée du monde qui désormais se trouve toute entière surdéterminée par le traitement qu’en propose le médium.
Voilà en fait ce que captent les caméras : des individualités choisies au départ pour leurs egos sur-dimensionnés, et que la promiscuité forcée du Loft amènera peu à peu à s’exhiber, offrant le spectacle bien contemporain d’une multitude de Narcisses luttant pour le pactole suprême – bien plus que de l’argent – la popularité, la reconnaisance, une célébrité instantanée.
Bienvenue au conseil est une flèche faite d’un bois dont Téléfilm Canada n’a pas voulu… De ce refus, au final, Serge Cardinal parviendra à tirer mieux que son épingle du jeu, puisqu’il saisira l’occasion pour tenter de réfléchir, par différentes voies et en croisant différents matériaux, au possible et à l’impossible d’un petit commerce de cinéma qui aspire à penser, alors que l’institution et le grand capital veulent qu’il s’explique, face à face et sans contre-champ.
Réflexions sur l’autoportrait au cinéma à partir de films de Cocteau (La villa Santo Sospir), Wenders (Carnets de notes sur les vêtements et les villes), Kramer (Berlin 10/90), Akerman (Chantal Akerman par Chantal Akerman), Olivier Fouchard (9 1/2) et Jun’ichi Okuyama (Frameless 16).
Une nouvelle forme d’intolérance déguisée derrière un humanisme de façade s’installe, nouvelle étape historique, d’autant plus difficile à démasquer qu’elle n’annonce plus aussi ouvertement sa barbarie. Faut-il craindre comme Charles Melman un fascisme volontaire, « non pas un fascisme imposé par quelque leader et quelque doctrine, mais une aspiration collective à l’établissement d’une autorité qui soulagerait de l’angoisse, qui viendrait enfin dire à nouveau ce qu’il faut et ce qu’il ne faut pas faire, ce qui est bon et ce qui ne l’est pas, alors qu’aujourd’hui on est dans la confusion.
L’expérience personnelle du cinéaste Denys Desjardins, avec son dernier film Histoire d’être humain, alimente la réflexion sur le rapport difficile entre cinéma documentaire d’auteur et télévision d’ « information ».
Quand un film passe de 107 à 43 minutes, puis à 30 minutes…
J’ai au moins deux raisons de vouloir parler de ces trois films réalisés par trois jeunes réalisateurs. Tout d’abord, ce sont des œuvres de cinéma, bien que numériques, non de pseudo télévision. Aussi, ils procèdent d’une démarche éthique dont découle une esthétique singulière et rament ainsi à contre courant d’un cinéma québécois de plus en plus basé sur une esthétique du Spectacle, non du Sens.