Comme d’autres, je n’ai pas été capable de visionner la vidéo de l’assassinat de George Floyd alors même que « ces images » que je n’ai pas eu le courage ou l’indiscrétion de regarder ne cessent de me, de nous hanter.
Je pensais tenter de décrire notre curieuse temporalité, l’engourdissement du présent et la panique latente, essayer de nommer la posture qu’elle appelle, une sorte de manière d’agir dans l’urgence, lentement. Je me rappelais le corps de Denis Lavant qui crève l’écran, de sa course folle dans ‘Mauvais Sang’ (1986), sa lenteur absolue dans ‘Journey to the West’ (2014).
Quand le virus a surgi — quand sa présence est devenue incontestable —, nous travaillions à la dernière bande vidéo de Sur les soins, projet de longue haleine portant sur les soins de première ligne au Québec. Nous avions pratiquement terminé les films composant cet ensemble qui documente plusieurs milieux de soin à Montréal et à Québec en s’intéressant aux pratiques, gestes et personnes qui y contribuent.
Un Carnet de… Paris. Entre les manifestations des Gilets jaunes, Les Misérables et la rétrospective Godard.
Deuxième édition des Carnets de Hong Kong d’Ariel Estaban Cayer.
Dossier établi par Nicolas Klotz, fruit de deux discussions entre les cinéastes bonifiées de trois splendides textes adressés à des oeuvres récentes de Lav Diaz, Norte, la fin de l’histoire (2013), From What is Before ? (2014) et The Women Who Left (2016) ainsi que d’une courte série de portraits du cinéaste philippin issue de la main de l’autre (et de son Hassleblad).
Le tout, initialement paru sur le site du magazine culturel français Transfuge, est aussi un avant-goût de la rencontre entre les cinéastes qui se tiendra devant public suite à la projection de [L’héroïque lande, la frontière brûle->https://cinemamoderne.ticketacces.net/fr/organisation/representations/index.cfm?EvenementID=175&refresh=1] (Nicolas Klotz, Elisabeth Perceval), le 30 juin prochain. La projection du film débutera à 12h45 et la conversation suivra dès 17h, au Cinéma Moderne (dans le cadre de la rétrospective Lav Diaz).
Un fils d’ouvrier qui, très tôt, devient minoritaire de par son origine sociale – origine à laquelle il restera malgré tout fidèle, et jusqu’au bout. Déjà, une rareté, un combat immense et de tous les jours. Minoritaire, il le sera aussi de par son exigence, et à chaque jour davantage. Que se passe-t-il si un tel homme qui sa vie durant se frotte sans broncher à la violence des structures qui cherchent à le brimer dans ses élans, voit ces mêmes structures, chaque jour, gagner en puissance – et que parallèlement à l’endurcissement de ces structures, il voit ses propres exigences sans cesse se raffermir et gagner en hauteur ? Peut-on imaginer le gouffre qui se creuse alors entre la visée et le possible ? Voit-on qu’à tout instant ce gouffre peut surgir et entrainer avec lui des hommes, petits et grands ?
Tout se passe comme s’il y avait un équilibre secret et profond entre les troupes de l’art conformiste et ses voltigeurs audacieux. C’est là un phénomène de complémentarité bien connu en sociologie, où Claude Lévi-Strauss l’a décrit excellement: l’auteur d’avant-garde est un peu comme le sorcier des sociétés dites primitives: il fixe l’irrégularité pour mieux en purifier la masse sociale. Nul doute que dans sa phase descendante, la bourgeoisie n’ait eu un besoin profond de ces conduites aberrantes, qui nommaient tout haut certaines de ses tentations.
J’écoute en boucle Alabama, en méditant tranquillement ce matin sur les images et les sons de La statue de Robert E. Lee à Charlottesville, 9e volet du cycle des Lieux et monuments de Pierre Hébert. Alabama, le chef-d’œuvre de John Coltrane a été composé et enregistré deux mois après les attentats racistes commis dans une église baptiste de Birmingham, le 16 septembre 1963, qui avaient enlevé la vie à quatre jeunes filles noires, une sorte de point de bascule (parmi d’autres) dans la longue lutte pour la reconnaissance des droits civiques des afro-américains.