Si Morrison a su s’imposer dans les dernières années comme l’un des cinéastes expérimentaux les plus importants de sa génération, c’est qu’il a su prendre acte, par le biais d’une véritable poétique de l’archive, de l’historicité non seulement du cinéma mais avant tout de ses supports et de ses modes de projection, en en explorant toutes les frontières.
Brèves éditoriales sur les médias, de 2001 à 2004. Observation des faits significatifs, absurdes ou inquiétants qui se manifestent dans la culture des médias de masse. 1ÈRE PARTIE (2003-2004).
Dogville traite du sens du lien social pensé à partir de l’économie : économie communautaire, économie du travail, économie du désir sexuel et du désir de vengeance. Ou plutôt, la communauté, le travail, les pulsions sexuelles et les instincts de vengeance procèdent d’enjeux économiques, et qui vont au-delà de la pauvreté et de la richesse. Dogville est une fable économique, et dont l’économie de moyen n’empêche pas une folle dépense d’idées, qui compte sur des mécanismes soignés, des leviers et des rouages bien huilés, et sur une série de calculs pervers.
“Ces image survivantes décloisonnent et déconstruisent le temps ordonné du récit, et se situent sur cette limite de lisibilité qui fait apparaître l’image en tant qu’image, entre indice et trace sans signification, entre une présence actualisée du passé et une énigme du temps. C’est de tout cela que se nourrit ce récit des ruines : un récit sans sujet, sans personnage à tout prendre, qui se compose, par fragments, à partir de l’événement de sa propre matière qui agonise, qui apparaît et s’évanouissant.”
Ces « films d’archives » appellent une réflexion sur la « mémoire de la pellicule » qui, en se décomposant superbement, révèle l’importance de sa préservation… et du temps propre au cinéma.
« …ce n’est pas en parlant de la mort qu’on en éprouve l’épreuve. Ce n’est pas non plus en martelant des phrases enguirlandées de qualificatifs et d’adverbes, que ce film trouve son efficacité, c’est plutôt quand il décide de se taire. »
«…C’est exactement ce que je nomme la « vérité extatique », qui est au centre de mon travail. Très tôt, j’ai eu le sentiment que ce serait seulement par l’invention et la stylisation que je pourrais toucher la vérité profonde d’un personnage, même dans un documentaire…»
« J’ai réellement envie de faire des œuvres physiques, qui affectent le corps, de telle sorte que l’expérience est une véritable expérience, et n’engage pas seulement une saisie conceptuelle. »
L’effet-Snow se situe précisément dans l’écart entre une expérience concrète, corporelle de l’œuvre et ses dimensions discursives ou conceptuelles, comme si le cercle ne parvenait jamais à se boucler tout à fait, et que l’oubli était intégralement lié à sa mise en mémoire.
Archives des brèves éditoriales, 2e partie (2002).
De toutes les réactions que peuvent susciter les films de Michael Snow, le rire semble à première vue la plus incongrue. Mais n’est-elle seulement que la plus inavouable ? Mais manifester à haute voix une réaction d’hilarité devant ses films nous range immédiatement, aux yeux du vulgaire, dans une catégorie d’irrécupérables hurluberlus atteints d’une maladie cinéphilique dégénérative, mais fort heureusement inoffensive.
Mais le paysage n’est pas qu’une vue, c’est aussi une vue de l’esprit, un rapport au monde, un point de vue sur le pays. Comme l’écrivait Eisenstein : « Le paysage peut incarner dans une image concrète des conceptions cosmiques entières, des systèmes philosophiques entiers. […] Tout plan est un paysage.» Sokourov, certainement, connaissait cette phrase, pour l’avoir retranscrite à la lettre à chaque plan des Voix spirituelles .