Un fils d’ouvrier qui, très tôt, devient minoritaire de par son origine sociale – origine à laquelle il restera malgré tout fidèle, et jusqu’au bout. Déjà, une rareté, un combat immense et de tous les jours. Minoritaire, il le sera aussi de par son exigence, et à chaque jour davantage. Que se passe-t-il si un tel homme qui sa vie durant se frotte sans broncher à la violence des structures qui cherchent à le brimer dans ses élans, voit ces mêmes structures, chaque jour, gagner en puissance – et que parallèlement à l’endurcissement de ces structures, il voit ses propres exigences sans cesse se raffermir et gagner en hauteur ? Peut-on imaginer le gouffre qui se creuse alors entre la visée et le possible ? Voit-on qu’à tout instant ce gouffre peut surgir et entrainer avec lui des hommes, petits et grands ?
Tout se passe comme s’il y avait un équilibre secret et profond entre les troupes de l’art conformiste et ses voltigeurs audacieux. C’est là un phénomène de complémentarité bien connu en sociologie, où Claude Lévi-Strauss l’a décrit excellement: l’auteur d’avant-garde est un peu comme le sorcier des sociétés dites primitives: il fixe l’irrégularité pour mieux en purifier la masse sociale. Nul doute que dans sa phase descendante, la bourgeoisie n’ait eu un besoin profond de ces conduites aberrantes, qui nommaient tout haut certaines de ses tentations.
J’écoute en boucle Alabama, en méditant tranquillement ce matin sur les images et les sons de La statue de Robert E. Lee à Charlottesville, 9e volet du cycle des Lieux et monuments de Pierre Hébert. Alabama, le chef-d’œuvre de John Coltrane a été composé et enregistré deux mois après les attentats racistes commis dans une église baptiste de Birmingham, le 16 septembre 1963, qui avaient enlevé la vie à quatre jeunes filles noires, une sorte de point de bascule (parmi d’autres) dans la longue lutte pour la reconnaissance des droits civiques des afro-américains.
Faire politiquement des films : mettre politiquement en cause, ou même en crise, les conditions de production, les systèmes d’écriture des films. Par exemple : sans financement et sans producteur, simplement muni d’une petite caméra et parfois accompagné d’un ami pour le son, un couple part, une année durant, à la rencontre d’un monde qui refuse obstinément de se laisser domestiquer afin d’en faire un monde de cinéma – lui qui par ailleurs n’est jamais aussi efficace que lorsqu’il parvient à domestiquer la vie sous toutes ces formes.
Pour retrouver les premières images en mouvement tournées au Liban, il faut probablement remonter à la fin du XIX siècle. Captées par Alexandre Promio et produites par Louis et Auguste Lumière en 1897, ces images nous montrent une vue inédite des souks de Beyrouth (Souk Abou-al-Nassahr) ou de la place des Canons avec ses piétons et ses voitures.
Entretien avec Jinane Dagher, productrice de films libanaise à Orjouane Productions.
“Avant de tourner En cette terre reposent les miens, Reine Mitri a réalisé d’autres essais documentaires comme Un bruit de pas sur les carreaux du trottoir (The Sound of Footsteps on the Pavement, 2004), qui se concentre sur la disparition d’un lieu attachant, un café-restaurant de la rue Hamra (et du quartier éponyme) à Beyrouth très apprécié de celles et ceux qui le fréquentaient, souvent avec assiduité, parfois même depuis plusieurs décennies, ainsi que Vulnérable (2009), un portrait croisé d’habitant(e)s de Beyrouth, ami(e)s de la cinéaste.”
“Le cinéma occupe une place centrale dans la vie et l’œuvre de Mohamed Soueid. Sa jeunesse a été rythmée par la découverte des films, du classique au populaire : mélodrames égyptiens, comédies ou films américains classiques, films de karaté ont peuplé son imaginaire et alimenté son désir de cinéma.”
“Il me semble que chaque film se doit de porter en lui tant d’autres films, et il me semble aussi que chaque film se doit de porter en lui le deuil de tous ces autres films. Il nous suffit de remplacer le mot film par le mot vie. Non pas que le cinéma soit comme la vie ainsi que le clamait un ridicule slogan, un film est une vie à lui seul, entité vivante. Une tentative de vie, si l’on préfère.”
“J’imaginais donc de faire un film qui tissait les histoires des différentes grèves à partir du parcours de deux jeunes femmes impliquées dans les mouvements sociaux. Quand les soulèvements arabes de 2011 ont eu lieu, avec l’espoir et l’exaltation qui se sont rapidement effondrés, je me suis retrouvée moi-même incapable de filmer, ou encore de concevoir le montage d’un film à propos des mouvements de jeunes au Liban.”
“Les années 1970 sont aussi celles de l’émergence d’un nouveau cinéma engagé, et avec lui celles de l’apparition des femmes de l’autre côté de la caméra – du côté de la création. Au Liban, c’est à la naissance d’un « Nouveau cinéma libanais »…”
Le couple Klotz-Perceval, par son œuvre sans compromis envers ce que notre époque peut avoir de terrible, mais aussi par sa manière solidaire et plurielle d’envisager la pratique cinématographique, n’a cesse de questionner à la fois le cinéma et le monde dans lequel nous vivons. Dialogue sur l’état de leur cinéma, donc, mais aussi sur l’état du cinéma et du monde, de la critique et du spectateur.
Retour sur la réception de Ceux qui font les révolutions à moitié… de Mathieu Denis et Simon Lavoie.