“ […] C’est suite à la projection du film à la Cinémathèque québécoise que cet échange entre Nour et moi s’est engagé. Le dialogue nous a accompagnés jusqu’à Beyrouth en février 2020, pour ensuite se poursuivre par courriel au cours des mois suivants. Le film a été un point de départ pour parler du cinéma et de sa pratique?; de la relation aux images, aux sons et aux textes?; de Beyrouth et de la mer?; et de l’intersection du cinéma et de la politique.”
“ […] Il n’est pourtant pas douteux que le film d’Herzog, empli d’oiseaux peuplant le ciel aussi bien que sculptés (dans le bois) ou autrement figurés (Walter Steiner s’envolant), réitère, en sus de l’amalgame entre l’homme et le volatile éclopé (déséquilibré, le skieur s’écroule, dévale la pente en tourneboulant, sa tête cognant le sol gelé, avant de s’immobiliser sur le dos, bras écartés, knocked-out), la question de la raideur sinon de la rigidité du corps, ainsi que celle de la plaie (on voit notre homme, commotionné et ensanglanté après une chute sévère, recevoir les premiers soins).”
“Les premiers jours de juin 2020 ont été le théâtre d’une étrange visite à Montréal. Une jeune baleine à bosse a remonté le fleuve St-Laurent, dépassant de 400 km l’estuaire du Saguenay qui aurait dû être sa destination. Arrivée à Montréal, elle a passé quelques jours à y effectuer des sauts spectaculaires avec en toile de fond l’emblématique pont Jacques-Cartier.”
Je pensais tenter de décrire notre curieuse temporalité, l’engourdissement du présent et la panique latente, essayer de nommer la posture qu’elle appelle, une sorte de manière d’agir dans l’urgence, lentement. Je me rappelais le corps de Denis Lavant qui crève l’écran, de sa course folle dans ‘Mauvais Sang’ (1986), sa lenteur absolue dans ‘Journey to the West’ (2014).
“Je n’ai jamais eu l’intention de réaliser des films. D’ailleurs, je répète souvent que je n’ai pas d’ambitions, pas de plan de carrière, ni d’envie de grandeur. J’étais tranquille. Je photographiais des films ou en produisait. J’étais tranquille. “
L’expérience cinéphilique que j’aimerais maintenant tenter est à la fois sommaire et fastidieuse : mettre un peu d’ordre dans cette histoire de portes que je me suis mise à me raconter.
Quand le virus a surgi — quand sa présence est devenue incontestable —, nous travaillions à la dernière bande vidéo de Sur les soins, projet de longue haleine portant sur les soins de première ligne au Québec. Nous avions pratiquement terminé les films composant cet ensemble qui documente plusieurs milieux de soin à Montréal et à Québec en s’intéressant aux pratiques, gestes et personnes qui y contribuent.
La deuxième édition du Festival international du film d’histoire de Montréal s’est tenue en ligne pendant les deux premières semaines du mois de juin 2020. Cette programmation, composée de 29 courts et longs métrages principalement réalisés entre 2018 et 2019, constitue une occasion d’interroger les évolutions récentes dans ce domaine.
3 mars 2020. Je rejoins Stéphane Collin et Laurent Devanne à Crest pour tester l’installation du Livre d’image.
“Entre la tête familière du célèbre Vaudois, son cigare qu’il mâchonne plus qu’il ne fume, son hideux pull vert sans manche, ses yeux rieurs derrière ses lunettes, les petits cœurs de toutes les couleurs qui n’ont de cesse de jaillir de côté sur le petit écran, les commentaires saugrenus qui se bousculaient au bas de l’image verticale, les nombreuses langues qui s’affichaient, je ne savais plus où donner du regard.”
Carnet du retour d’une tournée du Livre d’image en Drôme/Isère du 3 au 13 mars 2020.
J’étais réticente devant ces Histoire(s) du cinéma qui, bien honnêtement, me semblaient n’offrir qu’une insurmontable ascension ou, plus tétanisante encore, une mer sombre aux mouvements indiscernables, qui au mieux, terrifie, au pire, paralyse. Devant ce flot insaisissable, ce trop plein d’informations d’une hétérogénéité essoufflante, j’étais médusée.
Été 1999. Dans les bureaux d’Hors champ de la rue Ste-Catherine, il y avait des projections de choses « rares », montrées en VHS. Un soir, on avait programmé un Godard récent, repiqué de la télé française qui venait de le diffuser, envoyé par la poste par un ami, en PAL-Secam. Il s’agissait des Histoire(s) du cinéma.
“Je me sens comme un aventurier à partir sur les routes de la Drôme et de l’Isère avec le film de Jean-Luc Godard. C’est extrêmement émouvant et excitant de participer à cette aventure des diffusions du film en France. Vincent Capes de ZO/Anima nous avait dit qu’il avait imaginé cette tournée comme une tournée de groupe de rock. Et je ressens cette même sensation d’excitation du départ, et une légère inquiétude, un peu diffuse et stimulante, de l’aventure qui démarre, que lors des tournées que j’ai faites avec les groupes de musique dans lesquels je jouais.”