Au fur et à mesure que le film avance, il construit pudiquement son chemin, corrode toutes les illusions (y compris celles de la romance amoureuse), écarte sagement les tentations chimériques pour recentrer son propos sur l’essentiel. Subtilement, c’est sur cette désillusion que Before Sunset fait surgir la simplicité et l’humilité que peut être l’amour.
Si Morrison a su s’imposer dans les dernières années comme l’un des cinéastes expérimentaux les plus importants de sa génération, c’est qu’il a su prendre acte, par le biais d’une véritable poétique de l’archive, de l’historicité non seulement du cinéma mais avant tout de ses supports et de ses modes de projection, en en explorant toutes les frontières.
“Ces image survivantes décloisonnent et déconstruisent le temps ordonné du récit, et se situent sur cette limite de lisibilité qui fait apparaître l’image en tant qu’image, entre indice et trace sans signification, entre une présence actualisée du passé et une énigme du temps. C’est de tout cela que se nourrit ce récit des ruines : un récit sans sujet, sans personnage à tout prendre, qui se compose, par fragments, à partir de l’événement de sa propre matière qui agonise, qui apparaît et s’évanouissant.”
Ces « films d’archives » appellent une réflexion sur la « mémoire de la pellicule » qui, en se décomposant superbement, révèle l’importance de sa préservation… et du temps propre au cinéma.
“ J’ai d’abord photographié ce qui était autour de moi; je me suis toujours demandé pourquoi on ne pouvait pas raconter certaines histoires, pourquoi certaines choses n’étaient jamais dites. Quand j’étais jeune, tout était supposé être très bien, il n’y avait supposément ni toxicomanie, ni alcoolisme, ni abus d’enfant. “
“ […] plus le cinéma de Polanski est “réel”, plus il est étrangement inquiétant (ce qui ne veut pas dire qu’il débouche obligatoirement sur le fantastique ou l’irréel) ; plus il est palpable, plus il vise l’impalpable en cela qu’il veut nous faire saisir la vérité, le versant métaphysique des choses et des êtres. “
“…Ce ne serait pas couper court de dire que le “vrai” devient, dans ce film, le contre-champ du faux. Mais puisqu’il arrive que le champ devienne, à son tour, contre-champ, le vrai pivote sur lui-même et devient une partie du faux. Le film nous présente une version mensongère du réel : stylisée, idéalisée visuellement. C’est précisément le réel des salles obscures, à l’âge d’or du Silver Screen. Il y aurait donc une constante suppléance, affichée, entre le vrai et le faux, entre le réel et la factice, dans un monde où le plus farfelu devient le plus vraisemblable…”