Sans rejeter la légitimité de la fiction pour représenter des personnes réelles et connues publiquement, ou des événements marquants et documentés, il reste qu’on peut parfois se questionner sur l’intérêt de réincarner dans l’artifice des sujets déjà largement immortalisés dans les images…
“L’esprit de l’exode, c’est le goût de la diversité. Il faut faire un parcours en traversant différents types de diversité jusqu’au point où on peut rentrer chez soi et trouver que c’est le pays le plus exotique.” (Ruiz)
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En hommage à cet immense cinéaste, Hors champ republie l’entretien qu’il nous avait accordée en 2004, lors de son passage au FFM.
Patiemment et avec un désordre exemplaire, Rouch fit du cinéma et pratiqua son métier d’anthropologue pendant près de 60 ans. L’un comme l’autre en portent aujourd’hui les traces…
Sans influencer directement la prise de parole des francophones au sein de l’ONF, Jean Rouch a participé à l’éclosion de l’équipe française en proposant une autre manière de concevoir le médium cinématographique. Il a permis à ces cinéastes d’approfondir l’exploration de pratiques légères synchrones. En prenant un peu de recul, on s’aperçoit que les réalisateurs canadiens inventent un pôle à part, entre le non-interventionnisme de Richard Leacock et la subjectivité partagée de Jean Rouch.
“Raconter des histoires a d’abord été le travail de ceux qui avaient la tâche d’éveiller les hommes à leur vie, vie qui se passe, qui devient, qui se termine, comme les histoires. La vie peut aussi par moment se concentrer dans un événement lourd qui lui donne du poids en la bousculant devant la mort et lui présente un choix qui doit se résoudre dans l’éveil. L’histoire racontée a souvent cette forme et c’est ainsi qu’elle donne la vie, car c’est de la sorte seulement qu’elle doit la donner, en l’élevant jusqu’à son enjeu.”
Mais le paysage n’est pas qu’une vue, c’est aussi une vue de l’esprit, un rapport au monde, un point de vue sur le pays. Comme l’écrivait Eisenstein : « Le paysage peut incarner dans une image concrète des conceptions cosmiques entières, des systèmes philosophiques entiers. […] Tout plan est un paysage.» Sokourov, certainement, connaissait cette phrase, pour l’avoir retranscrite à la lettre à chaque plan des Voix spirituelles .
Sokourov, avec l’Arche russe, aura inventé un nouveau genre, non pas le film-fleuve, mais le film-radeau, le film-arche. Ce n’est pas un film historique où il s’agit de remonter à peu près adéquatement le fleuve de l’histoire, c’est plutôt le film qui est devenu le radeau, le véhicule scripturaire de l’histoire, descendant son fleuve mouvant avec lequel il se confond, suivant une lame continue, emportant dans son cours, indistinctement, le passé et le présent.
“Pourquoi au cinéma montre-t-on toujours les victimes de face et les bourreaux de dos ? (…) Parce que si on filme les bourreaux de face, c’est contre le spectateur qu’ils tirent”. (Serge Daney, La rampe)
La dialectique nous a appris, écoliers, que le vrai est toujours un moment du faux, et le faux, non moins, un moment du vrai. Cette dialectique, à la fois se vérifie et se contredit, chaque jour, suivant l’angle d’attaque et la lucidité de l’observateur, depuis que le “monde-vérité” a migré vers un autre système solaire, depuis, aussi, que la vérité est passée du discours (écrit, parlé) aux images mécaniques.