En parvenant à attirer vers son personnage bipolaire l’empathie du spectateur, qui s’accroît même à mesure qu’il tue, Cronenberg rejoint avec grande force et finesse l’un des motifs majeurs du plus grand cinéma classique américain…
Au même titre que le décor et le personnage se voient dédoublés l’un dans l’autre, passé et présent sont voués à se confondre, entre réel et imaginaire, souvenir ou fantasme, actuel et virtuel. Spider nous plonge dans une zone d’indiscernabilité, une membrane mouvante. A travers répétitions de cadrages et de sons, mais surtout et avant tout, à travers ses parcours, il rend ces différentes nappes de temps coprésentes. Aussi, ce ne sont plus tant des déplacements dans l’espace qu’il effectue que des parcours dédoublés dans le temps.
L’idée que de considérer la filmographie de David Cronenberg du point de vue de l’enfermement peut surprendre, lui qui n’a cessé de faire circuler ses personnages de monde en monde dans eXistenZ, dans la ville pour Rabid, sur les routes dans Crash. La libre circulation des flux et des corps semble le mot d’ordre de sa mise en scène. C’est une caméra mobile qui évolue dans l’espace et saisit ou laisse fuir des figures ambulantes. Cependant, l’enchaînement des lieux provoque l’enfermement, l’impossibilité de sortir ou plutôt de s’en sortir.
“Le cinéma, à mon sens, est mort en devenant un art de la maîtrise, dès le second film des frères Lumière. Le prolongement de cette forme morte de cinéma se trouve dans le virtuel. Le premier film des Frères Lumière quant à lui, se prolonge avec Rohmer, Kiarostami, les Straub et c’est une aventure folle.”