COUPURES MAJEURES DANS LE FINANCEMENT DU DOCUMENTAIRE AU CANADA
Communiqué de presse
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Lancement de la campagne SAUVONSLEDOCUMENTAIRE.CA
Montréal, le 18 juin 2009 – Le regroupement « sauvonsledocumentaire.ca » s’inquiète de la situation de la production documentaire au Québec et au Canada. Il lance aujourd’hui un clip vidéo et un site internet afin d’inviter les citoyens et les citoyennes à se mobiliser pour assurer la survie du documentaire. Sous l’impulsion de réalisateurs, de producteurs et de sympathisants du documentaire, et avec l’appui de l’Association des réalisateurs et réalisatrices du Québec (ARRQ), le regroupement réclame notamment du nouveau Fonds des médias du Canada de reconnaître de manière concrète l’importance du documentaire dans le paysage médiatique, en lui réservant une enveloppe budgétaire spécifique et en appliquant à l’étude des projets documentaires des critères de pertinence plutôt que de simples cotes d’écoute.
Le documentaire, une espèce en voie d’extinction?
Au cours des derniers mois, un train de mesures du gouvernement canadien est venu mettre à mal les ressources disponibles à la production documentaire. La disparition du Fonds canadien du film et de la vidéo indépendants a ainsi privé le documentaire indépendant d’une source importante de financement. Les coupures récentes à la Société Radio-Canada, qui est un des acteurs privilégiés dans le démarrage de plusieurs productions documentaires, se traduisent déjà par une réduction du nombre et de la diversité des documentaires produits au cours de l’année à venir. À cela s’ajoute l’annonce d’un nouvel examen des allocations budgétaires à l’Office national du film du Canada et la menace de nouvelles compressions. Enfin, la création récente du Fonds des médias du Canada, issu de la fusion du Fonds canadien de télévision et du Fonds des nouveaux médias, laisse présager le pire. L’enveloppe réservée au documentaire dans le Fonds canadien de la télévision est ainsi abolie. De plus, les principes édictés pour le nouveau Fonds des médias entraînent l’élimination des budgets réservés aux projets de la télévision publique tout en favorisant les projets générateurs de fortes cotes d’écoute. Non seulement la production documentaire n’est plus privilégiée par le Fonds, mais elle fait face à de nouvelles exigences. Les producteurs devront en effet faire la preuve que leurs projets ne peuvent pas être soutenus par le marché pour avoir accès au Fonds.
Pour le regroupement, l’ensemble de ces mesures menacent la survie même du documentaire. La situation doit être corrigée de façon urgente.
Le documentaire, au cœur de la vie sociale
Chaque semaine, le long métrage documentaire canadien génère plus de 15 millions de cotes d’écoute à travers le Canada. Le documentaire canadien est regardé et apprécié. Mais pour le regroupement et ses porte-paroles, son importance va bien au-delà de la cote d’écoute télévisuelle : il est essentiel à la santé de la vie démocratique et culturelle de toute société.
Selon Serge Bouchard, anthropologue et animateur radio, « les histoires fabuleuses qui font que nous sommes qui nous sommes, c’est maintenant le documentaire qui nous les raconte. Il est au cœur de notre identité collective, il est notre mémoire. Et une société sans mémoire et sans identité perd ses repères. C’est non seulement triste, mais c’est dangereux. »
Pour Louise Vandelac, professeure-chercheure au département de sociologie et à l’Institut des sciences de l’environnement de l’UQAM, le documentaire constitue un véhicule privilégié d’analyse critique dans une société démocratique. « Au cours des dernières années, le documentaire a joué un rôle clé sur de grands enjeux de société, comme en témoignent L’erreur boréale, Le monde selon Monsanto, La bataille de Rabaska et tant d’autres… Le fait qu’au Québec, des dizaines de milliers de personnes fréquentent tous les ans la vingtaine de festivals québécois qui programment du documentaire, démontrent d’ailleurs le vif intérêt de la population pour le documentaire, cet oeil ouvert sur le monde….»
Patricio Henriquez, lauréat du prix Jutra 2009 pour son documentaire Sous la cagoule, un voyage au bout de la torture, ajoute : « le grand cinéaste chilien Patricio Guzman disait qu’un pays sans documentaire, c’est comme une famille sans album photos : une mémoire vide. Les politiques fédérales sont carrément en train d’étouffer notre mémoire collective. Il faut réagir. »
Selon le cinéaste Philippe Falardeau, « ce qui est ironique là-dedans, c’est que le Québec et le Canada sont les chefs de file d’une grande tradition documentaire. Les documentaristes d’ici ont renouvelé le genre, ont fait école, ont été reconnus à l’échelle internationale, et ils continuent d’innover. Si on ne corrige pas rapidement la situation, c’est un pan très dynamique de notre cinématographie nationale qui risque de disparaître. »
À la fois instrument de notre mémoire collective, outil de transmission de culture et regard critique sur le monde, le documentaire doit être soutenu par les pouvoirs publics.
Pour des mesures concrètes et urgentes
Afin de redonner au documentaire la place qui lui revient, le regroupement réclame d’abord du conseil d’administration du Fonds des médias du Canada, chargé d’en élaborer les lignes directrices, de faire du soutien à la production documentaire une priorité. Le budget que le Fonds canadien de la télévision réservait au documentaire devrait être reconduit et bonifié dans le Fonds des médias. De plus, le critère du potentiel de cote d’écoute appliqué à l’étude des projets devrait être pondéré par un critère de pertinence dans le cas du documentaire.
Le regroupement réclame également l’énoncé d’une véritable politique du documentaire, qui en assure non seulement la survie mais également le développement, afin qu’il puisse de mieux en mieux remplir son rôle de ferment culturel et social.
Un site internet et un clip vidéo
Le regroupement invite donc les citoyens et les citoyennes à appuyer son action en visitant le site www.sauvonsledocumentaire.ca. Il lance également son clip vidéo, réalisé par Jean Roy, qui appelle à la mobilisation pour sauver le documentaire au Québec et au Canada. Nathalie Trépanier, documentariste et porte-parole du regroupement, invite les gens à diffuser ce clip dans leurs réseaux sur le Web. « Le public apprécie le documentaire, mais ignore qu’il est menacé. Notre objectif avec la diffusion de ce clip est de sensibiliser les gens à ce qu’ils risquent de perdre si les politiques fédérales actuelles ne sont pas révisées. »
En plus de l’Association des réalisateurs et réalisatrices du Québec (ARRQ), l’action du regroupement est appuyée par les organismes suivants : Société des auteurs de radio, télévision et cinéma (SARTEC), L’Alliance québécoise des techniciens de l’image et du son (AQTIS), Documentaristes du Canada (DOC), Les réalisatrices équitables, Rencontres internationales du documentaire de Montréal (RIDM), Rendez-vous du cinéma québécois (RVCQ), Je suis, nous sommes pour un service public de qualité, SOS Radio-Canada.
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Source :
Nathalie Trépanier, sauvonsledocumentaire.ca