Un texte présenté dans le cadre de la série CRITIQUES organisé et présenté par VISIONS, en collaboration avec Hors champ.
Être ou ne pas être ? Étienne le connaît par coeur. Il peut même le réciter à l’envers, de la dernière à la première phrase. Il a d’ailleurs réussi cet exploit intoxiqué à la bière noire et, bien que ce facteur soit moins susceptible d’avoir influencé son interprétation, par un soir de pleine lune. Par un autre soir, celui de grands vents cité plus haut, Étienne et moi avons visionné les interprétations de ce monologue dans huit adaptations différentes de la pièce de Shakespeare.
Il est manifeste qu’une des choses que l’homme ne fait naturellement pas en public, c’est bien de copuler ou de faire l’amour et que cette activité privée est bien, par contre, le garant que l’homme acquiert le statut de civilisé, qu’il a un réel plaisir personnel sans la complaisance d’un public-miroir. Le jour où l’on sera parvenu à montrer un phallus et un vagin communiquant ardemment en gros plan sans être au moins troublé, on pourra se féliciter d’avoir éradiqué la sexualité humaine.
Dogville traite du sens du lien social pensé à partir de l’économie : économie communautaire, économie du travail, économie du désir sexuel et du désir de vengeance. Ou plutôt, la communauté, le travail, les pulsions sexuelles et les instincts de vengeance procèdent d’enjeux économiques, et qui vont au-delà de la pauvreté et de la richesse. Dogville est une fable économique, et dont l’économie de moyen n’empêche pas une folle dépense d’idées, qui compte sur des mécanismes soignés, des leviers et des rouages bien huilés, et sur une série de calculs pervers.