Boule à Neige
Une voix pose le décor, elle complète sans le décrire pour autant celui que la caméra présente comme on balaie du regard un espace : scène de café-concert, deux musiciens qui pratiquent, salle tamisée, mais bariolée, rouge et bleue, une boule à facette pour les spots lumineux.
Elle dit :
Il y a ce bleu, ce bleu qui fait tout basculer bleu comme les veines que Bobby remplit d’un liquide blanc blanc et vide comme un regard fixé sur ce môme que j’ai élevé et qui continue à me filer entre les doigts, ses yeux rivés sur une île lointaine… Loulou vient de faire embaucher ses copains musiciens par monsieur le chat, ça change des ringards…
La caméra recule pour quitter l’arrière-salle et découvrir l’espace courbe du café, organisé autour d’un long comptoir et l’étroit territoire animé qui lui fait face, avant le trottoir et la rue.
La voix reprend :
Sur le boulevard les forains se sont installés, c’est la fête.
C’est la voix de Juliet Berto qu’on reconnait au moment où elle passe le relais au personnage qu’elle incarne, Anita, debout derrière son comptoir. Maternelle et souriante, elle discute avec un client avachi sur le bar et qui nous tourne le dos ; on distingue mal ce qu’elle lui dit dans le brouhaha des bruits du café bondé « Voilà ta chope ! Ça va ? Mieux que t’t’à l’heure ? Ça fait deux demis, hein ? Un coca maintenant ?! ».
C’est commencé. On plonge dans Barbès sur les pas de cette drôlesse, le quartier qu’elle parcourt, les réseaux qu’elle mobilise pour aider une amie accro à mettre la main sur de l’héroïne dont l’approvisionnement est bouleversé (pas autant qu’elle, Anita qui l’a élevé) par la mort du jeune dealer Bobby.
Au-delà de la trame qui doit beaucoup au polar, ce qui frappe, c’est le caractère composite du film, déployant ce théâtre noir et coloré au milieu d’un quartier dont il n’arrête pas le flot. Une caméra sur le terreplein du boulevard, une équipe restreinte 1 , quelques complices essaimés dans les cafés au milieu des clients, et ça suffit pour fonctionner. Économie légère, mais sans désinvolture d’un film tendu entre une forme de réalisme poétique (ou poétisé) et sa prise directe avec l’ordre des choses. Si les couleurs des décors et des habits sont vives, les ambiances baroques, riches et musicales, ça n’empêche pas le manque, le tapin et ses violences, le racisme ordinaire, la brutalité policière, l’anomie de la prison. Ce film refuse le naturalisme sans se détourner du réel. C’est justement dans son rapport au réel entre immersion et théâtre — je le prendrai par cette voie — que Neige résonne avec les films de Rivette qui le précèdent, en particulier ceux auxquels Juliet Berto a pris part : Out 1 Noli me Tangere (1971), Céline et Julie vont en bateau (1974) et Duelle (1976), de même que Le pont du nord (1981), sans elle, mais sorti la même année que son Neige.
Difficile de savoir par où commencer et comment décrire ces échos et ramifications quand, justement, il n’y a pas tant de fils à tirer qu’une filiation immanente nous baignant de son évidence, mais qui résiste à la saisie : tout respire l’univers de Rivette ou y renvoie, en même temps que tout y est très différent. Des éléments sont là en commun : des corps, des lieux, des couleurs, quelques ambiances, le jeu, c’est tout. Peut-être que tout ça ne tient qu’à Juliet, éternelle magicienne.
Dix ans séparent ce premier long-métrage qu’elle réalise avec Jean-Henri Roger et la grande aventure de Out 1 (prononcer « un » et non pas « one », Rivette y tenait) 2 , film-fleuve en 8 parties de douze heures trente pour sa version originale de 1971, ramenée à quatre heures et treize minutes pour la version Out 1 : Spectre (1974), que Juliet traverse en Frédérique, drôle de fille un peu paumée, mais curieuse, chapardeuse de première, qui veut comprendre, apprendre, même, et au passage, trouver un peu de liberté.
Dix ans qui font passer de l’immédiat après-68 au début des années 1980, passer d’une fluidité chaleureuse du fond de l’air à sa chape désenchantée et froide, c’est toute une descente. Mais quelque chose résiste de Rivette ou de ses manières de faire qui se dépose dans celles de Juliet ou les nourrit, que ce soit devant ou derrière la caméra, quelque chose d’obstiné qui franchit ce gouffre creusé entre le monde mouvant, rebattant ses coordonnées dans une indistinction assumée du jeu et du réel (Out 1) et celui où le réel est rabattu sans appel sur des positions sociales fixées où ça joue toujours, oui, mais tragiquement dur (Neige). C’est sans doute justement dans ce rapport à la représentation que l’écart social incommensurable qui disjoint les années 1970 des années 1980 peut se lire, plaçant de part et d’autre de cet écart Out 1 et Neige, séparés malgré les échos formels ou éthiques qui les relient.
La scène s’est rétrécie
Out 1 dure 12 h 30 et aurait pu durer toute une vie tant il lui fait de la place ou qu’elle s’y confond dans l’utopie de son indistinction avec le travail de ses représentations. Le jeu se déploie sans décor sur les plateaux où deux troupes répètent chacune en parallèle une pièce d’Eschyle. Ici la seule société qu’on reconnait est secrète, le groupe des 13, inspiré du roman de Balzac, groupe éclaté qui n’existe plus qu’à l’état de souvenir, mais que l’enquête maladroite et obstinée de Frédérique (Juliet Berto) et Colin (Jean-Pierre Léaud) vient réactiver. La scène s’élargit à l’échelle du réel comme dans une représentation au 1 pour 1, une utopie sans bord, transpercée ici et là de ses rappels à l’ordre : un homme en par-dessus vient agiter sa menace ; une jeune femme est aux abois ; on mange tristement un repas de pauvre ; on se demande si les enfants au-dessus desquels on joue comprennent ou non ce qu’on raconte et s’il ne vaudrait pas mieux aller les coucher. Comme partout, on doit du fric, on en manque ou on en vole et cette nécessité est matière première de ce grand théâtre, ressort dramatique placé au même rang que la question de savoir s’il faut ou non faire disparaître Prométhée de la pièce que l’on travaille.
L’espace de Neige est lui aussi troué de scènes — la scène du café-concert ; celles du strip-tease forain et du cabaret trans ; celle du temple de la Sainte Trinité où se réunit une communauté afro-antillaise venue écouter ses pasteurs ; celle de la boîte de nuit La main bleue à Montreuil ou encore celle du cinéma Moulin Rouge qu’on aperçoit du haut de la cabine de Pierrot le projectionniste — mais ces scènes restent des espaces de spectacle bien balisés, aux usages codés et aux publics différenciés. Les bords qui les découpent sont nets, sans ambiguïté, souvent même protégés : pour les plus anodins, on y accède par une volée de marches qu’on dévale aussi (le Trianon) ou en passant dans une arrière-salle ; mais la plupart du temps, on doit montrer patte blanche et passer par un contrôle à l’entrée (la videuse du cabaret dévisage le potentiel visiteur au travers de sa lucarne qu’elle peut lui refermer au nez sans appel) ; certains ont des fonctions qui leur permettent d’en surveiller l’ambiance par une ouverture découpée dans une cloison (le projectionniste au-dessus de sa salle de cinéma) quand ça n’est pas un hygiaphone, mais là, on est en prison, et ça n’est plus du jeu.
Ces scènes sont ici clairement hors de la vie courante et s’en détournent en petites enclaves mystérieuses, plateaux isolés entre lesquels le film orchestre la circulation : on passe de l’un à l’autre en arpentant les trottoirs ou les contre-allées des boulevards, sautillant nez en l’air 3 , ou chancelant de manque, souvent à la course. Le flux qui les borde au-dehors est vivant, plein d’imprévus et de dangers ; on doit s’y inscrire en calculant bien sa vitesse au risque du blocage ou de la chute : ce sont les Africains qui se font contrôler par les flics à l’entrée de la station du métro Anvers ; c’est Betty, le personnage de femme trans accro à l’héro vivotant de prestations au cabaret, qui se fait embarquer dans une autre voiture de flic sur le boulevard Rochechouart alors même qu’elle se croit sauvée ; c’est Anita filant son protégé et qu’un inconnu bloque dans sa course pour l’embrasser sur la bouche, les portes du métro se refermant sur son impuissance à protéger Bobby ; c’est Bobby justement, ce jeune dealer qui cavale le long du boulevard Barbès, écouteurs aux oreilles, poursuivi par les deux flics furtifs de la brigade des stups. Course folle le long du boulevard, le jeune s’engouffrant par une porte de magasin, sortant par une autre, longeant les vitrines du grand Tati, s’y ruant pour emprunter la passerelle vitrée entre les deux bâtisses occupées par le populaire fripier, fuite éperdue qui s’achève par sa chute une balle dans le front, écroulé sur un stand de fête foraine. La sortie de route est sans appel.
Des corps, des lieux, des couleurs
La mise en mouvement et la traversée de la ville sont l’affaire de connaisseuses bien aguerries, habituées à ses dangers et à ses chutes, comme on les trouve aussi chez Rivette (Le pont du Nord, notamment). Elles sont aussi le lot d’un vif argent circulant, « petit peuple » de Paris, de Barbès, à la fois cliché et réel : des forains et ses badauds, des bistrotiers et leurs clients, des camés, des prostituées, des gardiens de la paix, des rastas, des immigrés ; au milieu de ce monde bigarré, Berto et Roger glissent leurs personnages aussi stéréotypés qu’atypiques, empruntant plus à Chester Himes 4 et au roman noir qu’à une enquête sociologique : la rebelle au grand cœur, le paumé repenti incarné par le couple Juliet Berto et Jean-François Stévenin.
Jean-Henri Roger, co-réalisateur de Neige et compagnon de celle qu’il surnomme Juju, rappelle elliptiquement 5 que c’est sur le tournage de Out 1, que Juliet a rencontré Stévenin alors assistant-réalisateur de Jacques Rivette (et co-maniganceur de ce grand film improvisé). Juliet l’avait tiré de derrière la caméra pour l’embringuer dans le jeu, l’obligeant à une scène avec elle. Stévenin fait donc une apparition de quelques minutes dans le flux des douze heures : il joue Marlon (prononcer [on] à la française), sorte de marlou malcommode avec lequel Frédérique — le personnage qu’incarne Juliet — va se bagarrer dans une scène mémorable 6 .
Neige place à nouveau face à face Berto et Stévenin. Et si cette fois leurs personnages sont amoureux, cela n’empêche pas la bagarre. Juliet incarne, nous l’avons dit, Anita, vif oiseau frileux alourdie d’une veste de poils synthétiques orange brûlé ; femme entre deux eaux, mère improvisée d’un petit dealer inconscient et amoureuse tendue et indomptable d’un bum, boxeur rangé des bécanes, Stévenin. Anita est le personnage stéréotype de la titi gouailleuse et généreuse, prête à en découdre à main nue ou à l’arme blanche pour aider les plus mal malmenés : camée et « travelo » (comme on disait alors) du boulevard Barbès où elle vivote, entre son boulot de serveuse et ses amitiés atypiques.
Stévenin joue ce boxeur de deuxième catégorie qui essaie de reprendre du métier après un arrêt (prison ?). C’est dans un miteux petit gymnase où il s’entraine qu’Anita vient l’agacer, le titillant jusqu’à l’affrontement. Bam, il lui en colle une. Deuxième bagarre : cette fois-ci, Anita reste estomaquée et ne rend pas coup pour coup comme la Frédérique de Out 1, mais se contente d’un doigt d’honneur dégouté.
Le jeu des deux acteurs échappe subtilement aux stéréotypes qu’ils incarnent par une sorte de léger excès qui les déplace en les exagérant. Comme s’il s’agissait d’assumer de jouer en modulant un peu la vitesse, l’ampleur des gestes et des voix, ou encore la durée des silences, pour dénaturaliser l’expression du jeu, en droite ligne avec les filles Ogier dans Le pont du nord ou de la Berto même dans Out 1 ou Céline et Julie vont en bateau, film à qui, au passage, on doit le personnage de Bobby : Jean-Henri Roger raconte que c’est pendant la préparation de son tournage, que Juliet a rencontré dans un magasin de magie un jeune homme 7 détourné pour une apparition sur le plateau de Céline et Julie et qui lui a inspiré cette figure du très jeune dealer.
Les corps ne sont pas seuls à passer d’un film à l’autre, les lieux suivent, ici semblances familières, là formelles équivalences. Le hall vitré du cinéma Le Trianon, sa lumière oblique et ses hommes arrimés aux flippeurs, offre un rappel discret du grand hall du champ de courses de Duelle peuplé d’hommes affairés aux prévisions du jeu ; la terrasse où Anita rejoint son vieil ami Pierrot pour fumer des cigarettes et qui donne sur l’arrière du Moulin Rouge est exactement la même que celle où Frédérique (incarnée par la même Juliet), dans Out 1, donne rendez-vous à l’une des membres du groupe des 13 pour lui monnayer maladroitement les lettres qu’elle a chapardées.
Plus généralement, le bistrot est incontournable. Dans Out 1, il est autant lieu d’introspection (le personnage s’y pose pour souffler, pour réfléchir) que de rencontres, de discussions et de filatures ; en terrasse ou au comptoir, on s’observe à quelques tables de distance ou on s’aborde ; Frédérique passe même carrément à l’abordage : elle pique ici des croissants au jeune homme laconique et imperturbable qu’elle s’était promis d’emballer ; là elle endort littéralement le type qui la draguait et au passage aussi les biftons qu’il lui faisait miroiter. Le café est ici accessoirisé en théâtre quand dans Neige il est le théâtre quotidien de la faune qui l’occupe.
Jean-Henri Roger raconte qu’ils avaient voulu, Juliet et lui, faire un film où les personnes qui peuplent ces lieux publics de la ville, « les personnages de fond de cadre », passent « sur le devant de la scène ». Il n’y a ainsi aucun figurant dans le film, tourné à même la vie qui se déploie sur le boulevard Barbès et ses environs et dans le bistrot où se déroule une partie du film. Le café où travaille Anita (et sur lequel le film s’ouvre) est ainsi resté ouvert pendant le tournage, les actrices et acteurs se mélangeant à la clientèle habituelle. Il est aussi un des rares lieux de tournage hors 18e arrondissement bien qu’il soit inclus dans le continuum diégétique des environs du métro Anvers, s’élargissant du Moulin Rouge au Trianon. C’est en effet un café du boulevard de Belleville, La vielleuse 8 , café en partie détruit peu de temps après le tournage (en février 1982) et que l’on reconnait grâce à son mythique miroir portant encore les traces de l’obus qui vint le briser le 9 juin 1918.
Neige, un film de couleur
Out 1 et Neige ont aussi en commun leur directeur photo, William Lubchtansky. Le traitement de l’image et de sa couleur est particulièrement remarquable dans le film de Berto et Roger où se déploie une palette à la fois très colorée, très contrastée et dans des ambiances souvent nocturnes, peu éclairées ou par des sources vives qui tranchent sur la nuit urbaine : néons des stands forains et leurs manèges, vitrines de Tati, phares de voitures, lumières jaunes de la salle arrière du café, etc. Cette riche palette de couleurs magnifie les lieux publics qu’investit le film et réfute la piste naturaliste. Plusieurs scènes échappent radicalement à cette palette, notamment celles des visites à la maison d’arrêt de femmes (qui pourrait bien être la blafarde Fleury-Mérogis en banlieue parisienne) : scènes lavées de beige et de grisaille, jusqu’au teint blême et aux cheveux décolorés de Wanda que son mari vient visiter au parloir, qui contrastent avec les images saturées de couleur des autres séquences.
Le rapport à la couleur de Neige se déploie aussi sur un registre sociologique : le film, et c’est suffisamment rare dans le cinéma français que ça frappe immédiatement, n’est pas uniformément blanc.
Jokko (Robert Liensol), un des trois personnages principaux, acteur guadeloupéen, est un pasteur « marron » autour duquel gravite toute une communauté antillaise. Il prêche dans une salle aux allures de salle communautaire/théâtre de quartier 9 , le Temple de la Sainte Trinité, aux côtés d’une autre pasteure qui pourrait être sortie tout droit d’un film de Rivette avec ses allures de grande prêtresse. Jokko entraine un soir Anita à La main bleue 10 , une boite de nuit à Montreuil montée par des blancs dans les sous-sols d’un centre commercial désaffecté et rendu célèbre pas sa clientèle de sapeurs africains de l’Est parisien. De La main bleue, on ne voit guère plus que la montée et la descente des marches d’Anita au bras de Jokko et le vif éclat d’un néon bleu zébrant une profondeur obscure.
Cette échappée vers la banlieue rouge, c’est finalement tout le mouvement du film, sa tension vers un monde réchappé des centralités mortifères. Rejoindre cette boite de nuit à Montreuil n’a d’autre nécessité que celle de nous déplacer là où la ville rejette alors Africains et Arabes (quand elles ne les balancent pas dans la Seine). Invisibilisés et assujettis aux gestes de son entretien et de son nettoyage, ils se trouvent à flamboyer sur des scènes mythiques. Les travailleurs africains qu’on entasse dans des foyers sonacotra insalubres ou qui vivent à soixante dans de mauvais pavillons de banlieue, inversent la vapeur pour devenir sapeurs, vêtus magnifiquement aux bons soins du boulevard Sébastopol, ils sont rois et reines de scènes que les blancs leur envient, La main bleue en est une des plus médiatisées.
Si Neige est fille de Jacques Rivette, elle est aussi grande sœur de Claire Denis, dont la filmographie enracinée dans le Cameroun de son enfance (Chocolat, 1988), pose ses premiers regards sur les marges forcées de la France métropolitaine et sa blanchité aveuglée. S’en fout la mort (1990), tourné dans les environs de Rungis 11 , a le souci discret, mais précis de cet environnement ouvrier et marron (scènes de café où les travailleurs des abattoirs hantent l’arrière-plan) qui construit sa scène narrative sur la zone de friction entre la France et les territoires qu’elle a colonisés (ici la Martinique) : un pit de combats de coqs dans un centre commercial désaffecté réaménagé en boite de nuit tient lieu de zone d’affrontement libidinal entre noirs et blancs. J’ai pas sommeil (1994) travaille le même espace de contact entre la métropole et ses colonies. Construit à partir d’un fait divers très marquant de la fin des années 1980 (un serial killer métis d’origine martiniquaise, drag queen des nuits parisiennes, est reconnu coupable de 18 assassinats de vieilles dames dans le 18e arrondissement), le film élargit ce cadre pour en montrer l’environnement éthique et dérouler une sinueuse contre-enquête qui feuillette, par touches intimistes, le corps composite du démon gracieux et tragique, mi-insaisissable mi-familier. Juliet et Claire ont cette même intelligence toute à la fois râpeuse et empathique qui ne fait pas l’économie du réel, mais piste les circuits du désir qui le fracturent pour occuper de leurs histoires ses replis les plus troubles.
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Notes
- Jean-Henri Roger en témoigne : « trois personnes à la caméra ; deux au son ; trois à la régie ; deux électros et un machino », Laurent Laborie, « Neige à Barbès avec Jean-Henri Roger », Paris-Louzor.fr, 16 janver 2013, http://www.paris-louxor.fr/quartier-louxor/neige-a-barbes-avec-jean-henri-roger/ (consultation le 20 avril 2022). ↩
- On lira sur Out I dans Hors champ : Daniel Fairfax, « D’autres treize ont formé un étrange équipage », juillet-août 2016, https://horschamp.qc.ca/article/dautres-treize-ont-form-un-trange-quipage ; et la conversation entre Olivier Godin, Renaud Després-Larose et Mathieu Li-Goyette, « Là où le boulanger rencontre le snark », septembre-octobre 2016, https://horschamp.qc.ca/article/l-o-le-boulanger-rencontre-le-snark. ↩
- Lire aussi Jean Narboni « Le dealer sautillant », Cahiers du cinéma, n° 326 / été 1981. ↩
- Jean-Henri Roger évoque dans ses entrevues l’influence de l’auteur américain et rappelle que Neige lui doit plusieurs répliques notamment tirées de son premier roman écrit alors qu’Himes vivait à Paris, La reine des pommes (1958). ↩
- Entrevue de Jean-Henri Roger pour l’édition DVD, Épicentre distribution, 11 mai 2012. ↩
- Stévenin reprendra cette habitude de la bagarre à main nue chez Rivette : dans Le pont du Nord, il joue un Max qu’affronte Baptiste (Pascale Ogier), à qui il transmet à même leur combat les gestes de base du karaté. ↩
- Jeune homme qui répond au nom de Ras Paul I Nephtali. ↩
- Un reportage, diffusé sur une chaîne de la télévision française, visite le café La vielleuse à la veille de sa « destruction » ; les propos des journalistes trahissent bien le racisme ambiant et sans complexe en mettant dos à dos dans un antagonisme mortifère ce qui serait le bon vieux Paris populaire bien franchouillard tel qu’on le rêve et celui métissé qui en serait le dévoiement et la perte, « La “vielleuse” le plus vieux café de Paris », images d’archives INA, 2 février 1982, https://youtu.be/QQ6fg4UKToM le 20 avril 2022). ↩
- Le générique du film fait mention du Théâtre noir, créé en 1975 et établi dans une ancienne usine de machines-outils, dans le vingtième arrondissement. Reste à savoir à quel niveau s’est joué la collaboration avec ce théâtre autour du film. ↩
- La main bleue est un des lieux mythiques des nuits parisiennes fermé peu de temps aussi après la sortie de Neige ; un article paru dans le Vanity Fair détaille assez précisément l’histoire du lieu, réadaction du Vanity Fair, « Quand le Tout-Paris des années 1970 dansait à « La Main bleue », 22 jui 2016, https://www.vanityfair.fr/culture/people/articles/la-main-bleue-discotheque-legendaire-des-annees-1970/43430 (consultation le 20 avril 2022). ↩
- Rungis abrite un des plus grands marchés de produit frais au monde. En 1973, les professionnels de la viande quittent les abattoirs de la Villette (Paris, 19ème) pour rejoindre son marché. ↩