Médias et démocratie du confort

Tous et toutes sauf les autres

Le luxe

Il circule subtilement dans les médias une manipulation des catégories “riches” et “pauvres”, comme méthode de ciblage de certaines classes et comme perpétuel conditionnement aux pré-requis psychologiques du système économique.

Un commercial pour la marque d’auto Buick annonce les nouveaux modèles “Century 2001” en proclamant (en paraphrasant) qu’il n’y a “pas que les riches qui ont le droit au luxe, au confort et à la sécurité, la technologie n’est pas faite pour améliorer seulement leur vie à eux… La série 2001 de Century : le luxe accessible à tous…”. À “tous” ? On parle tout de même d’un véhicule d’au moins 25 000$ avant les taxes.

Bien sûr en publicité il n’est pas nécessaire d’être cohérent au regard de la société, le message est autonome et les mots, aussi calculés soient-ils, n’ont pas à signifier ce qu’ils signifient. Sinon il faudrait que nos dynamiques diplômés de marketing et des communications, qui remplissent ainsi nos écrans de leurs illuminations philosophiques, soient présents dans tout forum et groupe de travail sur notre système social, pour aider à développer cette nouvelle idéologie selon laquelle la classe moyenne et les classes plus riches forment le groupe “tous”, ce qui devrait mener à un système parfait, puisqu’on pourra déterminer toutes les bonnes choses auxquelles tous ont droit. Et les pauvres ? Ou disons, tous ceux qui ne peuvent s’offrir une voiture de 25 000 $ ? Eh bien, puisque la valeur d’une chose que tous possèdent risque d’être diminuée, il faudra bien que dans un autre monde existe une antithèse “au confort et à la sécurité”.

La Bourse

Sur les ondes des “radios du peuple”, le matin et aux heures de retour à la maison, le rendement de la Bourse n’est plus une nouvelle parmi d’autres, il fait desormais l’objet d’un bulletin spécial, comme la météo et la circulation, en longueur et à répétition, par le nouveau journaliste-spécialiste qui surveille et interprète pour nous la danse abstraite des capitaux flottants. C’est maintenant de l’intérêt de tous d’être impliqués, d’être dans le coup, on suit à la minute l’oscillation des + et des -, les grandes corporations sont les équipes dont on suit le rendement comme dans un sport, sauf que comparativement au hockey, nous n’avons pour la plupart qu’une connaissance sommaire des règles du jeu. Mais comme dans d’autres phénomènes des communications et des canaux d’intégration, c’est en parlant comme si on s’adressait à “ceux qui s’y connaissent” (ou qui sont concernés, ceux qui détiennent des actions dans ce cas-ci) qu’on vise à élargir le consensus et à accroître l’adhésion. C’est le sourire démocratique du capital ; jouer à la bourse, c’est pour tous.

Carburant-désir

Ces manifestations visibles parmi d’autres, de formations plus obscures et inconscientes, ne sont pas exactement l’effet, dans l’idéologie véhiculée, de l’exclusion des pauvres par les riches, mais plus directement l’entretient du désir et de la fascination des classes moyennes de pouvoir accéder à la marche suivante ; énergie d’ascension nécessaire aux moteurs des intérêts des classes les plus riches.