Ce qu’il reste
Collection d’images
Au cinéma
les corps sont tenus à distance
ne se touchent
ni l’écran ni les peaux
l’image est tout juste
choc
spasme électrique
de l’épiderme au celluloïd
à la rétine
et la chair comme une cornée épaisse
brûle sans douleur
couleur sang
il y a le visage
que la lumière balaie
les traits au bord de la disparition
capturés par le noir
qui les fige
en une égratignure
sous la paupière
Une larme sur le film
efface les pores
un portrait sans visage devient
l’oeil fixé sur l’objectif
une mémoire tremblante
un défilé d’autres
sur pupille opaque
au sein du cadre tout est si contrasté que l’on oserait presque si éteindre
laisser un peu de cet incendie se répandre dans l’appartement vide
se réfugier et offrir refuge
se remémorer et se faire mémoire
être habité par le vague souvenir d’avoir habité
puis ramasser
le dernier pleur
qui n’a pas su ralentir la jeunesse
il n’y a plus de chemin pour y retourner
mais nous continuerons chaque soir de visiter l’impression d’un lieu
contre les espaces et les corps d’oubli
on aperçoit la maison familiale dans le vieil album
peut-être a-t-elle déjà pris feu
sinon elle s’embrasera demain
personne ne survit aux images
qui retiennent et effacent
pas même les flammes
mais la photographie fourbe
convainc son auditoire que jamais rien
ne meurt
ni les violences ni les fleurs
fissures de peinture
rassemblent ce qu’il reste de l’été
ce qu’il reste de l’être
ce qu’il reste
Au cinéma
l’image affleure surface de l’écran
ne se touchent les corps s’effleurent mémoires d’enfant
pour jouer encore une fois
enfiler la cape
se faire héroïne