Le travail de solidarité : le rôle des institutions culturelles en temps de crise / The Work of Solidarity. the Role of Cultural Institutions in Time of Crisis
Avec l’accord de tous les participants et participantes 1 , nous présentons sous une forme écrite la discussion intitulée « Le travail de la solidarité : le rôle des institutions culturelles en temps de crise », qui a eu lieu lors de l’édition 2023 des RIDM. Cette discussion a été suscitée par l’annulation forcée/la censure du programme consacré à la Palestine et aux films de Jocelyne Saab qui devait avoir lieu le 6 novembre au Cinéma du parc en présence de Mathilde Rouxel, directrice de l’Association Jocelyne Saab et responsable de la restauration des films de la cinéaste. Soutenu par le collectif Regards Palestiniens et un ensemble d’organismes à l’origine d’une série d’activités de solidarité et de collecte de fonds destinée à la Palestine 2 , l’événement a été annulé par le CA du Cinéma du Parc le matin même de sa tenue sous motif d’enjeux de sécurité.
Un an plus tard, le génocide du peuple palestinien par Israël se poursuit et s’intensifie chaque jour dans l’horreur et la violence, tandis que se multiplient les actes de censure institutionnelle visant à faire taire les voix palestiniennes et à réprimer la solidarité avec la Palestine partout en Amérique du Nord, y compris au Canada et à Montréal, tel que l’a révélé très récemment l’annulation de la projection du film Resistance, Why? de Christian Ghazi (1971), un cinéaste dont l’œuvre fut dans sa quasi-totalité détruite (un seul film jusqu’ici restait parmi les 41 documentaires du réalisateur). Vendredi le 11 octobre, le film de Ghazi, un document historique inouï dont une copie a été retrouvée en Suède et restaurée en 2021 par le collectif beyrouthin Nadi Lekos Nas, devait être montré à la Galerie Leonard et Bina Ellen sous les soins de Regards palestiniens, mais l’événement a été annulé quelques heures avant sa tenue par l’Université Concordia sous prétexte qu’il était « one-sided ». À la lumière de cet autre acte de censure institutionnelle et de l’intensification sous le mode de l’escalade des attaques meurtrières menées par Israël, non seulement en Palestine, mais aussi au Liban, en Syrie, au Yémen et en Iran après un an d’anéantissement à Gaza, nous pensons que l’échange qui suit — conservé dans sa version bilingue — contient des éléments de réflexions et des ouvertures de pensée toujours pertinents.
Participant·e·s : Muhammad El Khairy et Farah Atoui (Regards palestiniens), Aude Renaud-Lorrain et Philippe Bouchard-Cholette (Cinéma Public), Krista Lynes (Feminist Media Studio à Concordia University), Sharlene Bamboat (travailleuse culturelle et cinéaste indépendante), Chantal Partamian (cinéaste et archiviste), Nour Ouayda (cinéaste et programmatrice)
Modératrice : Monique Simard
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Présentation de la discussion affichée sur le site web des RIDM
Les institutions culturelles jouent un rôle significatif dans la formation des récits en influençant la création, la diffusion et l’interprétation des œuvres culturelles. Leurs choix en matière de conservation, leurs mandats de représentation, leurs initiatives éducatives et leurs engagements avec le public peuvent renforcer les discours oppressifs et contribuer à la censure et au silence des voix marginalisées. À l’inverse, ces décisions peuvent élever les voix marginalisées et amplifier les contre-perspectives afin de remettre en question les récits hégémoniques et, surtout, d’encourager la pensée critique et l’engagement. L’équité, la diversité et l’inclusion ne sont pas seulement des principes à mettre en œuvre en offrant un programme multiculturel ou en créant des espaces de réflexions et de compilations. Ils impliquent un véritable engagement envers la justice sociale, et la solidarité avec les mouvements qui s’efforcent d’y parvenir. En temps de crise, et dans un climat de polarisation politique extrême, cette solidarité ne peut plus être simplement performative. Elle implique un engagement authentique qui vient souvent avec un coût pour les artistes, les travailleurs culturels, ainsi que les organisations culturelles.
Les institutions culturelles sont-elles prêtes à faire le travail de solidarité en soutenant les voix marginalisées et en adoptant une position politique ferme en temps de crise ? Comment l’engagement des institutions envers l’équité, la diversité et l’inclusion, et leur investissement dans la décolonisation — en réponse aux appels de mouvements tels que BLM, #MeToo et Land Back — se manifestent-ils en temps de crise et en relation avec d’autres mouvements sociaux dédiés à la justice et à la libération ? Comment les stratégies employées par les institutions pour relever ces défis sont-elles intrinsèquement liées à l’échelle, à la structure de gouvernance, aux sources de financement et aux démographies du public ? À quoi ressemble la véritable solidarité pour les institutions culturelles lorsqu’elles soutiennent réellement les communautés sous-représentées et opprimées, plutôt que de les instrumentaliser pour remplir les mandats EDI ? Et quelles nouvelles possibilités entre différents artistes, organismes, institutions, communautés et mouvements, le travail de solidarité ouvre-t-il ?
Cette table ronde réunit des travailleur·euse·s culturel·le·s, des chercheur·se·s et des artistes qui discuteront de la manière dont iels naviguent dans les différents espaces institutionnels et s’engagent dans ces questions urgentes.
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Cultural institutions play a significant role in shaping narratives by influencing the creation, dissemination and interpretation of cultural works. Their curatorial choices, representational mandates, educational initiatives and engagements with the public can reinforce oppressive discourses and contribute to the censorship and silencing of marginalized voices. Conversely, these decisions can elevate marginalized voices and amplify counter-perspectives in order to challenge hegemonic narratives and, above all, encourage critical thinking and engagement. Equity, diversity and inclusion are not just principles to be implemented by offering a multicultural program or creating spaces for reflection and compilation. They imply a genuine commitment to social justice, and solidarity with movements striving to achieve it. In times of crisis, and in a climate of extreme political polarization, this solidarity can no longer be merely performative. It implies a genuine commitment that often comes at a cost to artists, cultural workers and cultural organizations alike.
Are cultural institutions prepared to do the work of solidarity by supporting marginalized voices and taking a firm political stance in times of crisis? How do institutions’ commitment to equity, diversity and inclusion, and their investment in decolonization—in response to calls from movements such as BLM, #MeToo and Land Back—play out in times of crisis and in relation to other social movements dedicated to justice and liberation? How are the strategies employed by institutions to address these challenges intrinsically linked to scale, governance structure, funding sources and audience demographics? What does true solidarity look like for cultural institutions when they genuinely support underrepresented and oppressed communities, rather than instrumentalizing them to fulfill EDI mandates? And what new possibilities between different artists, organizations, institutions, communities and movements does solidarity work open up?
This round table brings together cultural workers, researchers and artists to discuss how they navigate different institutional spaces and engage with these pressing questions.
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Discussion
Marc Gauthier : J’aimerais remercier nos panélistes aujourd’hui : Muhammad El Khairy, Farah Atoui, Aude Renaud-Lorrain, Philippe Bouchard-Cholette, Krista Lynes, Sharlene Bamboat, Chantal Partamian et Nour Ouayda. Nous avons l’honneur de recevoir Monique Simard comme modératrice, aujourd’hui. Monique Simard est une ancienne présidente de la SODEC et la directrice générale du Programme français de l’Office national du film du Canada. Elle a également marqué le secteur en tant que productrice et vice-présidente des Productions Virage. Membre fondatrice des RIDM et de l’Observatoire du documentaire, elle a présidé plusieurs conseils d’administration importants, dont le Partenariat du Quartier des spectacles et le Fonds Québecor. Je vous remercie tous de votre participation et je lui cède maintenant la parole.
Monique Simard : Merci d’être ici en ce samedi matin glacial. J’ai donc accepté d’animer cet atelier de discussion intitulé « Le travail de solidarité. Le rôle des organismes culturels en temps de crise ». On ne peut pas se disputer sur le fait que nous sommes en temps de crise, tout le monde pourra en convenir, et cette crise n'a évidemment pas seulement lieu ici, mais elle sévit partout sur la planète. Nous avons aujourd'hui un panel composé de huit personnes que je vais rapidement présenter, pour ensuite les laisser elles-mêmes se présenter. J’invite toutes les personnes présentes à s’exprimer dans la langue de son choix. Étant donné que les sujets abordés suscitent des réactions passionnelles, nous tenterons aussi de garder un ton respectueux et de ne pas tomber dans l’accusation envers les organismes ou envers certaines personnes. La communauté des documentaristes est une communauté unie, progressiste, pour la justice sociale, c’est un peu l'une de ses « marques de commerce », et c’est certainement le cas de la communauté des RIDM ; ce dont je peux attester en tant que l’une de ses membres fondatrices.
Dans l’ordre, Muhammad El Khairy, assis juste à côté de moi, et Farah Atoui de Regards palestiniens vont ouvrir la discussion, étant donné qu’ils sont à l'origine de ce panel. Suivront : Sharlene Bamboat, travailleuse culturelle ; Aude Renaud-Lorrain et Philippe Bouchard-Cholette du Cinéma public ; Nour Ouayda, cinéaste et programmatrice ; Kristal Lynes du studio Feminist Media Studio de l’Université Concordia ; et Chantal Partamian, cinéaste et archiviste. Sans plus tarder, je passe la parole à Muhammad.
Muhammad El Khairy : Merci tout le monde. First of all, my French is horrible [rires]. So. Thank you, everyone, for being here this morning. So, I’m just going to read a couple of things from the description of the event and introduce some of the questions we’ve been thinking about. My name is Muhammad El Khairy and I am from Regards palestiniens. So, the role cultural institutions play is significant in shaping narratives and influencing the creation, dissemination, and interpretation of cultural works. The curatorial choices, representational mandate, educational initiatives and engagements with the public reinforce oppressive discourses or contribute to censoring and silencing marginalized forces. Equity, diversity and inclusion are not just principles to be performed, but actions. In times of crisis and with a climate of extreme political polarization, the solidarity can no longer be merely performative. It entails a genuine commitment that often comes at a cost for artists, cultural workers, as well as cultural organizations. Are cultural institutions willing to do this work of solidarity as they lend support to marginalized voices and take a firm political stance during times of crisis? How do institutional commitments to equity, equality, diversity and inclusion, and their investment in decolonization as responses to the calls by movements like Black Lives Matter, MeToo and Landback manifest in times of crisis, and in relation to other social movements dedicated to justice and liberation? How are the strategies employed by institutions to tackle these challenges intrinsically linked to scale, governance structure, funding resources and audience demographics? What does true solidarity look like for cultural institutions as they genuinely support underrepresented and oppressed communities, rather than tokenizing them and fulfilling EDI mandates? Just thought it would be good to bring up some of these ideas.
Monique Simard : Est-ce que tu pourrais expliquer ce qu’est Regards palestiniens ?
Muhammad El Khairy : Sure. Regards palestiniens is a collective of artists, academics and activists who are passionate about Palestinian cinema and organized events around Montreal to screen Palestinian films and engage audiences in conversations around Palestinian issues, obviously, on a political level, but form and aesthetics as well. This year is the 16th year, so we’ve had 16 editions, but it started in 2008.
Monique Simard : Merci, Muhammad. Je laisse la parole à Farah.
Farah Atoui : Merci, Monique. I’ll just build on what Muhammad has said. Muhammad provided the broader context and shared the questions that we’re all thinking about, and so I’ll zoom in to explain that the idea of this panel came into being as a direct response to the censorship and cancelling of the screening that was planned for November 6th. Following October 7, we, the collective Regards palestiniens, felt thrust into a crisis asking ourselves: what is the meaning and the point of the screenings that we’re organizing, in light of the genocide that was unfolding in Gaza? Many other cultural workers were grappling with the same question, and wondering what could be done that would be meaningful in this specific moment. We had been in informal conversations with various friends and collaborators, which led to the formation of a coalition of art collectives, organizations, and institutions dedicated to organizing Palestine-centred screenings, not only to maintain the solidarity momentum, but also to create an intervention that’s more long-term oriented, that goes beyond punctual event that is based on a communal effort. We came together as a coalition under the slogan “From the River to the Sea,” and planned a series of screenings, one of which was the November 6th event that got cancelled by Cinéma du Parc. And we highlight this incident because we want to situate this panel and the specific questions it raises within the context of censorship specifically, and also highlight why these questions feel very urgent at this moment. What I also want to add is that while the title of this panel centers on the notion of “crisis”, one interesting outcome of this censorship is the opportunity to think about this coalition’s work in the long term, not just as a reaction to a crisis. It prompted us to think about how we can come together both to respond to this moment because it’s urgent and to build momentum for work that is sustained and that supports Palestinian solidarity, and Palestinians’ struggle for justice, equality and freedom. So, I’ll leave it there for now, and can talk about all of these points later.
Monique Simard : Merci. Sharlene ?
Sharlene Bamboat : Thank you. I’m here speaking in many roles. I’m a filmmaker. I also work in the arts. I live in Montreal, but I work in Toronto, and I’ve worked in many different arts organizations, and I currently work at a film festival called the Toronto Queer Film Festival. I have a film screening at RIDM alongside my collaborators Terra Long and Kaija Siirala, who are also here among the audience. So our film that’s screening here is called Feet in Water, Head on Fire was also screened at the International Documentary Film Festival in Amsterdam. And just to give people context and jumping off what was happening here in Montreal, the IDFA, the Documentary Film Festival in Amsterdam, two weeks ago, at their opening night ceremony, as the Artistic Director was giving a speech, a bunch of activists walked on stage with a banner that said, “From the River to the Sea.” There was a lot pushback from people and from the organization saying they don’t support this “anti-Semitic” statement. They really called out the artistic director, who seemingly clapped at the moment. And so a bunch of different artists, including the Palestine Film Institute that are housed at IDFA, requested that all the filmmakers do a series of things in solidarity. They either pull their film or they use their talks, their panels, their discussions to speak about what is happening, and also very specifically, censorship that is happening within the arts. At the exact same time this was happening, the Cinéma du Parc censorship of the screening series “From the River to the Sea” was happening here in Montreal. And it was the exact same phrase that was the issue that was seen as “anti-Semitic.” So, me playing in two roles, and also knowing that my film was screening at Cinéma du Parc in the coming weeks at RIDM, I was asking myself: “how do you navigate these situations as a filmmaker, but also as a human in the world who is strongly opposed to genocide, occupation and Israeli apartheid”? All of these questions are being asked of us, as well as how to stand in solidarity with friends of mine, with other filmmakers, with people. We decided to pull the film from IDFA. We really thought about who at the time was pulling. It was mostly Palestinian, and it was mostly Arab filmmakers. And both of us as non-Palestinian, non-Arab, we were like, how do we stand in solidarity with people who always have to bear the burden of representation? So this was our main point.
Then we spent a lot of time writing statements, doing social media posts. So while our film was pulled at IDFA, we decided that at RIDM, we did not pull the film from Cinéma du Parc. It screened on Thursday, and this was a multifaceted choice that we made. For us, RIDM in this case was not the enemy. RIDM has shown—you know we’re sitting in this panel today that they did it very last minute. And I think also working at a festival and knowing how structured everything is, to pull something off last minute is quite impressive given the very little pay that people in the cultural sector get and the amount of planning that goes into it. So that was one thing that we wanted to note. And also thinking about Cinéma du Parc, this organization that is very lefty and shows great films all the time that we all often go to, this was not about punishing them, but to use the screening that we had on Thursday night to talk about this. Not to be silent about the issue, but to address the issue directly. I also really believe in the fact that organizations can change and should change. And so, if we don’t discuss things like right now, how is anybody going to move? So that’s one side as a filmmaker.
In the role that I play at Toronto Queer Film Festival—I have worked there for about five years—and as the film festival supports the cultural boycott, we’ve made statements, we also screened a series called Queer Cinema for Palestine. The festival started because one filmmaker, Kami Chisholm, who is the founder of the festival, a film that they made in 2015, called Pride Denied didn’t screen at any queer film festival because it was about homonationalism. So Kami and a bunch of other people—I wasn’t working there at that time—, but they started this festival sort of in reaction to that. Now the festival is more experimental, documentary-ish. I think as someone who works in a cultural institution, it was also really important to reassert our commitment to BDS now. And especially in a place like Toronto, which I understand the cultural landscape a little more because I grew up there and I also work and have worked at many different organizations there. I think for us, it was really important to stand in solidarity with all the other organizations that were also being blacklisted. And a lot of the arts councils are coming down on organizations who sign letters, and we see this over and over again. And right now, there’s been so many instances of censorship in the arts, especially for independent people. The most obvious one is at the Art Gallery of Ontario. Wanda Nanibush, an indigenous curator who has been there for many years, was recently removed from her position because she posted about Palestine on her Instagram. They’re doing such a bad job of masking this, but it really goes to show that even someone who is quite high up in that position, tis not safe. I think these are important things to think about here in this moment now. How can we also all support each other as artists and organizations to do this work collectively, because this is not an individual issue and it’s not going away.
Monique Simard : Merci, Sharlene. Je passe maintenant la parole à Aude et Philippe.
Aude Renaud-Lorrain : Je suis Aude Renaud, directrice du Cinéma Public, organisme qui fait partie de la coalition. À la base, le Cinéma Public avait été approché par Regards palestiniens et Regards syriens au printemps parce que ces organismes cherchaient un lieu pour diffuser deux festivals près de nos valeurs. On a, sans hésiter, confirmé avec eux cette collaboration. L’idée d’organiser des séances avec Regards palestiniens s’est faite pour nous bien avant tous les événements catastrophiques qui se passent présentement. Ce qui m’intéresse à travers cette discussion, ce sont les questions soulevées dans la prémisse de la table ronde, à propos des institutions — comment elles sont créées, qui est, et quelle est la structure aussi de gouvernance, derrière. Chez Cinéma Public, on est une toute petite organisation et on sent qu’on a une très grande liberté. Une liberté qu’on veut bien sûr préserver, mais il faut dire que nous avons la possibilité de relativement et facilement défendre. Dans les moments de crise, dans les moments de débat, il faut être capable de réagir rapidement, mais il faut aussi se rappeler que la discussion est importante, que la recherche d’informations sur les sujets qu’on traite et qu’on accueille dans nos institutions artistiques est fondamentale. Par rapport à ce qui s’est passé avec le Cinéma du Parc, je me souviens d’avoir eu à quelques reprises, à ce sujet (et je remercie d’ailleurs beaucoup Regards palestiniens), ressenti le besoin de discuter simplement en acceptant ma propre ignorance en termes d’utilisation d’un certain terme ou d’un slogan. Et il y a eu vraiment une ouverture dans le dialogue, j’ai beaucoup aimé la réponse de Regards palestiniens et de Farah, qui a souvent consisté à m’envoyer des articles, de la documentation. On nous donnait des devoirs, en quelque sorte, et dans l’élan, j’allais plus loin, je lisais davantage, et c’est de cette façon que notre relation s’est poursuivie, puis s’est bâtie. Et je pense qu’on a eu la chance, finalement, de complètement embrasser la mission de cette coalition-là, justement grâce à cette recherche d’information. De ne pas s’arrêter à un scandale ou à un mot qui fait scandale, mais de plutôt engager le dialogue. Je suis préoccupée par un terme que j’ai entendu dernièrement, soit une « javellisation » de l’art et des milieux de la culture, ou la volonté de vouloir exclure le débat, celui qui vient finalement brasser la cage et peut-être créer des dissensions. C’est là où je trouve que le thème de l’autocensure peut être important et intéressant à aborder, parce qu’il faut aussi lutter contre cette espèce de blanchiment de la culture qui consiste à ne pas vouloir aborder les sujets qui sont difficiles. Il faut faire en sorte que la salle de cinéma, que le musée, deviennent des lieux de discussion et de débat, ne pas avoir peur lorsqu’une personne prend position. Puis de se rappeler qu’on est en effet une communauté relativement unie. Il faut que ce milieu-là dans lequel on travaille puisse être capable de débattre et d’avoir des débats de fond, et se rappeler que nous faisons partie d’une communauté qui travaille quand même pour la liberté d’expression. Qu’on se rappelle aussi quels sont — c’est peut-être un peu trop dichotomique — nos réels ennemis. De dire un peu avec qui on veut vraiment investir notre énergie et contre quel discours on veut lutter.
Monique Simard : Philippe, voudrais-tu ajouter un mot ?
Philippe Bouchard-Cholette : Brièvement, je trouve que c’est un privilège d’avoir ce moment de réflexion, ce matin. Et je précise que je suis responsable des communications pour le Cinéma Public. C’est sûr que dans un petit organisme comme le nôtre, où tout le monde est débordé, nos espaces de discussion et de réflexion sont limités et se résument souvent à parler des films qu’on a aimés ou qu’on n’a pas aimés. Donc, il y a quelque chose qui se produit avec cette crise qui nous a obligés à nous remettre en question en tant qu’organisme sur la position qu’on prend, ou sur le besoin de prendre position. Les films de Jocelyne Saab, c’est quelque chose qui m’avait vraiment marqué, lorsque Mathilde Rouxel était venue les présenter pour une première fois à la Cinémathèque québécoise. Plus spécifiquement, c’était la manière dont Mathilde parlait de comment Jocelyne avait réagi au siège de Beyrouth dans les années 70-80. Il y a cette espèce de paradoxe-là qui est très étrange où, dans une situation de catastrophe, Mathilde rappelait aussi que ça avait été, pour Jocelyne Saab, parmi les années les plus stimulantes de sa vie, et que son œuvre devient, à ce moment-là, fascinante. Je pense qu’il y a ce dynamisme-là sur lequel il faut se pencher.
Aude Renaud-Lorrain : Tu m’avais dit quelque chose, alors qu’on discutait de ces questions-là et qu’on essayait de se préparer à d’éventuelles menaces liées au fait que l’on programmait Regards palestiniens chez nous. Philippe m’a dit : « Aude, rappelle-toi, il faut que les œuvres soient au centre de tout ça, puis il faut arrêter de tout centrer sur un mot ou un slogan, puis se rappeler que les œuvres doivent être montrées et qu’elles sont au cœur de la discussion ». Je trouve que c’est un beau message.
Philippe Bouchard-Cholette : Aujourd’hui, personnellement, je voudrais ajouter que je suis principalement là pour écouter, j’ai plus de questions que de réponses.
Monique Simard : Très bien, Philippe, très bien. Je passe le micro à Nour.
Nour Ouayda : So I’m going to speak in English. I am a bit afraid of saying contradictory things. Not afraid, but I’m tired also, so my thoughts might be a bit scattered. So if there’s anything that you feel needs clarification, please, don’t hesitate to ask me for it. I’m a filmmaker and a film programmer. I live in Beirut. I lived in Montreal for a few years, back from between 2015 and 2018. And so, I feel that I am linked to a lot of people in the community of people here in various ways. I guess I’m speaking a little bit like Chantal also, as being part of something here, but also outside of it and far from it. Because the realities are so different. I left Beirut on the 11th of October, and went to Europe to show my film and then came here. And in the span of a month and a half, I think I traveled to five different cities with five different ways of engaging with everything that’s happening. Different festivals, different institutions, and I think my question, the question that I keep asking myself is: which one of these fights are mine to fight. Where do I want to put my energy? With whom? And against whom? Is it in Paris, when I went down to a demonstration on the 12th of October at Place de la République? As we were getting tear-gassed by the French riot police, I thought: “This is not my fight, my fight is not with Macron.” Maybe my fight is on Martyrs’ Square in Beirut? And then I come here, and these are all my peers and my friends and people that I love. So my fight becomes to be next to them, to support them in their actions here. I had a film also showing at the festival, and one of the two screenings was meant to be at Cinéma du Parc. I thought a lot about what to do, what space to open up. Is it enough to just cancel the second screening at Parc? Or do I want to engage in a conversation in lieu of the planned screening? And if so, who will this conversation be with? It is very difficult to be constantly initiating conversations, it can be very draining.
But this sentiment is quite contradictory because I also think there are a lot of beautiful things that do happen in moments like this, when we get together in a coalition and are thrown into such conversations. I think these moments kind of bring us together in different ways. And that gives some kind of strength. This is also the case with the screening of my film at Cinéma du Parc. So my film was part of a program with two other filmmakers, Matthew Wolkow and Deborah Stratman. And actually, what happened is that we started emailing and talking to each other. I knew Matthew a little bit, from Montreal, but I hadn’t met Deborah, and so we kind of just reached out to her saying, okay, these are the possibilities. And this three-day conversation that ended up in us deciding to cancel our screening at Cinéma du Parc, it kind of catapults you in this intense energy and interaction with someone that you don’t know. This is the same feeling that you get when you are part of a movement, big protests, or an uprising. This is a feeling that is greater than love, to borrow the title of Mary Jirmanus Saba’s film. What is happening here is somewhat similar, feeling that we are working together towards something… and, you know, for us, the conversation we had with RIDM, when we decided to pull our films was also a very important conversation. How do we announce it, when do we announce it? And because of that I feel I even got close to the RIDM team. As a filmmaker, generally you would engage with one of the curators that’s doing the Q&A and with a member of the technical team and the guest coordinator, but now I feel like I know all these people in different ways. And I also want to add just one thing about everything that happened in Cinéma du Parc: I think it’s important to talk about it, but I also find it very hard to see how much space it takes. Talking about this takes so much more space than sometimes talking about what is happening in Gaza. And we get in a whirlwind about what is happening here, right?
Monique Simard : Je laisse cette fois la parole à Krista.
Krista Lynes : Merci. Je vais me présenter en français et je vais ensuite parler en anglais. Je suis professeure à l’Université Concordia et je dirige un labo de recherche à Concordia qui s’appelle Feminist Media Studio, je ne fais donc pas partie d’une « institution culturelle », mais je suis à cheval entre les institutions culturelles et les universités, qui sont aussi un lieu de censure, je parle de cette position. My name is Krista Lynes and I’m a professor at Concordia University and I’m also director of Feminist Media Studio which is a research lab at Concordia so we’re not really a “cultural institution”, we’re sort of partway between working with cultural institutions and a research lab at the university, which is also a site of censure and policing as well. The way it happens in the university is maybe different than how it happens in cultural institutions. But there’s the same kind of policing of language and censoring of the voices of faculty. I think an important thing to bring into this conversation is the ways in which all institutions are complicit, and when we’re asked to build networks of solidarity, we come up against the limits of the institution’s capacity to really be in solidarity. And one of the things that we’ve been doing at the Feminist Media Studio is a project called “Necessary Feminisms. Resisting Displacement and Displacing Resistance.” And one of the key things that I’ve been working with Razan AlSalah on has been resisting the temporality of crisis and resisting being in a responsive modality. And so, of course, the thing that comes to mind when I’m thinking about this is that, of course, the crisis was already existent and ongoing, and the violence has been long-standing and ongoing, and the genocide has been long-standing and ongoing. What’s changed is the cost of solidarity, right? And so, institutions are now in a space where the cost of solidarity is much higher than it had been previously, when one could make big gestures and performative gestures and weren’t subject to different forms of censorship. And so, then the question is: “what’s the role of cultural institutions in preparing for times of higher cost of solidarity?” And that means building groundwork and coalition in the way that I think is really importantly being built here, through the coalition of cultural institutions that have been supporting Regards palestiniens. And to think about it as a long-term project that is tied not only to cultural programming and to a particular festival or to kind of fundraising in the moment, but to a long-standing lifting up of voices of different forms of activism and justice, and the kind of cultural work that’s happening all over the place, and how institutions can lend their support and amplify those voices as well. I think we need to move out of a kind of modality of thinking about this is as a crisis that puts institutions on edge, and think about what the long-standing commitments are and how we can stop being performative in our territorial acknowledgements and calling out genocide, and instead have long-standing mechanisms to work in and through times of acute violence and times of long-standing civil violence. And I think that’s a role that research labs within universities can prepare themselves for, because we have certain resources to do that kind of work and to prepare for supporting other institutions and being in coalition then.
Monique Simard : Merci. Chantal, c’est à toi. Chantal est également cinéaste et archiviste… de films, je présume ?
Chantal Partamian : Oui ! Good evening. I’m also going to speak in English and I also have a lot of scattered thoughts. It’s been a long, long, three months. So I’m an archivist and filmmaker and a member of the editorial committee of Hors champ. I’m also an activist, relatively newcomer here and in these spaces. I’m also Armenian and Arab, which hasn’t been easy the past few months. But I’m grateful for these spaces of solidarity, and I’m grateful for this invitation to speak, as a filmmaker and as just me. Because I believe that these spaces need to also be spaces of friction and of intersectionality and internationalization of struggle, as we can see with the ethnic cleansing of Armenians since September in Artsakh by Azerbaijan. But at the same time, a struggle reflected with what’s happening in the Armenian quarter of Jerusalem, where 1600 years of Armenian presence in Palestine is being basically also erased, as everyone, of course, is looking towards what’s happening in Gaza. So, with the invisibilization also of the ethnic cleansing of Armenians of Artsakh, I find immense gratitude for these spaces. And I feel that these spaces and the role of the institutions are spaces of mobilization and engagement. And perhaps the big discussion should be around the agency of how these spaces or what we want to say in these spaces, and whose agenda it is. We maybe need to talk about the agency that we might have to express ourselves within our modalities, our languages, and per our needs. Which I think is also something that needs to be brought up. But what are the limitations of doing so? Because of course, we are doing it in structures that have certain reports and are under certain hegemonic structures that might limit also what they can offer us. And I think that what has happened since has also allowed us as newcomers to understand local contexts and be part of local contexts and bring our struggles into a local context and also learn from local contexts. And I think that it’s also the role of cultural institutions to allow that, to allow us to engage with other struggles.
So, just a note about what’s happening, for example, when your friend said in Beirut, everyone knows kind of what is happening, so there is no need for words there. But in Beirut there is silence around Artsakh. So it’s always this, it’s always something versus the other. And I don’t think that there needs to be a hierarchy of struggles. It does not make sense. Like this is insane. They are creating hierarchies of victimhood. And I find that horrible. I mean, just not human for me. But I’ve learned a lot the past month and this has been like this unravelling about: okay, who do we work with? How do we work? Who do we hold around us accountable, and how do we do it? And what kind of methodologies even of organizing do we create? So that, again, these coalitions go past just urgency so that we can just come together beyond. Because, I mean, we are getting to a point, I think, where everything is going to be constantly urgent. I don’t think the Earth is getting better by the day. So I feel like these coalitions need to be able to give example about how even a broader, bigger internationalist organizing could in some kind of utopia, actually function. But yeah, I find that these spaces are spaces of hope, and I’m grateful for that.
Vers l’audience
Monique Simard : Merci. Je pense qu’il y a des choses extrêmement importantes qui ont été abordées jusqu’ici, sous différentes perspectives, notamment à propos du privilège que représentent les lieux de découvertes et d’échanges, des réalités que l’on ne pourrait ou pouvait jamais découvrir à la télévision traditionnelle. Ce sont dans les festivals de films entre autres, que l'on peut en effet faire des découvertes, ou à travers la programmation de cinémas qu’on dit « d’art et d’essai ». L’état du monde se détériore, malheureusement, il y a une multitude de crises et, comme le rappelle Chantal, il ne s’agit pas de hiérarchiser non plus ces crises. On parle beaucoup de la situation des Palestiniens en ce moment à Gaza, mais il y a, comme le dit aussi Chantal, les Arméniens à Jérusalem, il y a le conflit au Yémen. Ce qui se passe en Ukraine aussi, ce qui se passe en Birmanie. Personnellement, ce sont les documentaires qui m’ont amenée à découvrir ces réalités. Quand arrive une situation conflictuelle, et qui donne l’impression qu’il y a de la censure qui s’exerce, comment réagir ? Quelles sont les conséquences qui viennent avec le fait de retirer un film d’une programmation ? À qui sert de retirer un film ? Ce ne sont pas des questions simples.
Nous allons maintenant ouvrir la parole vers l’audience. Je demanderais aux personnes qui prennent la parole de se présenter.
Natalie Kouri-Towe : Bonjour. Mon nom est Natalie Kouri-Towe, je suis professeure agréée à Concordia, à l’Institut Simone de Beauvoir. I’m at the Simone de Beauvoir Institute, where I’m an associate professor. Thank you to all the panellists. I think your words and insights into this current moment, and the larger picture that we’re grappling with right now, is incredibly meaningful and significant. And it’s really powerful to be here on a Saturday morning together, with so many people in this conversation. I’m very grateful for that. I think one of the things that this moment has really illustrated is that none of our institutions are neutral. We’ve already known that in an abstract way for a long time, but it has become very poignant in this moment of heightened censorship. And I want to say censorship in particular. That is both explicit censorship, like when a film is pulled from a screening room by an institution, and implicit censorship, which happens when people self-censor, when language is couched around being careful about what you say and a sense of being surveilled and monitored, which causes people to remain silent. That silence, I think, speaks quite loudly in this moment as institutions grapple with the fact that they don’t have the capacity or skills for engaging meaningfully in the political circumstances in which they’re complicit. So, I think this is a good moment to think about how to build the capacity and resilience for cultural institutions to remain steadfast in the face of external pressure that are calling for censorship. What happened with Cinéma du Parc is happening at the universities and in cultural institutions and sectors. While censorship may not be the directive of people running those institutions and organizations, they are nonetheless responding to pressures coming from concerted lobby efforts that mobilize to censor and silence the voice of Palestinians, and also to silence criticism of the State of Israel. This lobbying is a well-funded and well-organized machine that has been organizing for over 20 years now, which uses cultural institutions, academic institutions, and the arts, sciences, and technology as a public and international relations front to war and occupation. This is an aspect of state violence that uses civil society to leverage international support for militarization. Being able to equip our institutions, and equipping each other, with the skills to withstand and to identify how we’re being brought into complicity within structures of violence, is very important. Seeing how institutions are responding across a wide array of responses, RIDM stands out as a good illustration of how the arts sector should respond to state violence. When festivals are confronted with something that is outside of the scope of what the people who are running those festivals maybe see and understand, the best thing they can do is to reach out and try to build bridges to better understand what is happening and to be able to equip themselves with skills and tools to respond to external lobbying. The same can be said for Cinéma Public, who are doing the work, looking into it, reading into it, to understand what is happening when language is manipulated. For example, when we see the circulation of the phrase “From the river to the sea” being described as anti-Semitic, we must be able to respond and say: “I understand that you see that as anti-Semitism, but that is not what the meaning of this phrase is. And we refuse the use of this as a political strategy to silence and censor speaking about Palestine.” This is more of a comment than it is a question, but it’s something that I think that all of you who are on this panel are really grappling with in material ways. And I just want to thank you so much for doing that in the cultural sector, because it is very hard in the academic sector, so I can imagine how much work it has been for those of you in the cultural sector.
Monique Simard : Merci.
Farah Atoui : Thank you for saying that. I’m specifically thinking of this in relation to Cinéma du Parc’s censorship. It was communicated to us that one reason for the screening’s cancellation was a petition organized by a group identifying itself as “representing the Jewish community in Montreal and Canada” which gathered around a thousand signatures. This petition claimed that the screening series “From the River to the Sea” contains “anti-Semitic and hate-inciting” elements. Had this reason been openly communicated to us as a collective and as a coalition, we would have welcomed the opportunity for dialogue. Also, it is important to note that in response to the cinema’s decision to censor the screening, Independent Jewish Voices created a counter-petition that denounced the cancellation and that gathered 6500 signatures. So, if the Cinéma du Parc’s decision to cancel the screening was about responding to the community’s demand, then there was an even larger community urging these films to be screened. As Sharlene said before, we are not interested in punishing institutions, and I agree with that. Everyone should be given an opportunity to change their position. There has been significant back-and-forth between the collective and the Cinéma du Parc. For us at Regards palestiniens, this was never about punitive measures against Cinéma du Parc, but rather, a response to the harmful statements that they issued, and most importantly, the lack of any space for discussion before the decision to cancel the event was made. As Aude mentioned, Cinéma Public had voiced some concerns to the collective, but the fact that we were able to discuss them openly, honestly, and transparently made all the difference, and is what really mattered to us.
Monique Simard : J’aimerais préciser que le Cinéma du Parc n’est pas ici aujourd’hui pour donner leur point de vue. Ne tombons pas dans l’accusation.
Farah Atoui : Ce ne sont pas des accusations, plutôt une description de ce qui est arrivé.
Chantal Partamian : I just also want to add one point. I think what is very dangerous also is when these institutions come and tell us that they’re censoring us for our protection from whoever, like. Thank you. But what?
Razan Al Salah : I think Cinéma du Parc in their statement and an email—so we’re not accusing anyone of anything, we’re literally using direct quotes and to directly quote them—they used the words “security concerns.” And I think it’s deeply racist for them to consider that a Palestine event is always a “security concern”. And in fact, there’s someone who’s calling the police on Regards palestiniens events every single time we are organizing an event.
Monique Simard : J’aimerais que l’on en revienne à la salle.
Lamia Chraibi : Bonjour, moi, c’est Lamia. Je suis cinéaste, réalisatrice de documentaires, j’ai aussi été co-présidente du Conseil d’administration de Main Film. Ça me rejoint beaucoup ce dont on discute et me fait un bien fou. J’ai démissionné du Conseil d’administration de Main Film avant-hier pour les raisons qui sont énumérées aujourd’hui. Parce que depuis le 18 octobre, j’ai essayé de mettre en place une série d’événements en solidarité avec la Palestine, de façon à donner la voix à des cinéastes palestiniens, mais aussi à des cinéastes en général qui se sentent très affectés par ce qui se passe. Ça a été difficile parce que je suis, enfin, j’étais la seule cinéaste de communauté sous-représentée au sein du Conseil d’administration. J’ai été mandatée pour développer cette EDI (Équité Diversité Inclusion) sans reconnaissance pour ces propositions dans le cadre de l’EDI. Il y avait une confusion totale entre solidarité et politique, parce que justement, de la part de personnes qui ne se sentent pas impliquées dans cette crise qui implique tout le monde d’après moi, il y avait une peur, mais aussi une volonté de ne pas s’impliquer parce que précisément, c’est politique, et que Main Film est un organisme culturel et non politique. C’est une confusion d’après moi importante à souligner. La raison pour laquelle je me suis retirée c’est aussi pour pouvoir en parler. C’est important de faire confiance aux personnes qui sont de communautés sous-représentées et qui sont là pour parler des besoins des personnes, issues de la culture en particulier, qui ressentent une responsabilité en tant que cinéastes de s’exprimer, un besoin d’ouvrir des espaces comme celui-ci. Je suis partie avec beaucoup de peine, parce que c’est un organisme qui m’est très cher et qui est pour moi un espace parfait pour ces initiatives. C’est souvent au sein des conseils d’administration que ce genre d’initiative bloque. Je pense qu’à long terme, pour apprendre de tout cela, c’est important que dans tous les organismes culturels il y ait des membres de communautés sous-représentées qui se fassent entendre.
Anne Lardeux : Mon nom est Anne Lardeux. Je voulais juste appuyer ce que l’on venait d’entendre et aussi, si les institutions ne sont pas neutres, elles évoluent dans un contexte de pression intense. Il y a un lobby sioniste qui est très fort et la définition de l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste qui s’impose un peu partout, qui a été votée par l’Assemblée nationale du Québec en 2021. L’administration Plante a refusé, a rejeté la motion de Lionel Perez en 2020 en arguant, avec l’appui de Voix juives indépendantes, que c’était une définition qui faisait un amalgame entre l’antisémitisme et la critique d’Israël, donc je pense que ce contexte-là, il est ultra brutal, ultra violent, ultra puissant, et que comme institution culturelle et artistique, il faut absolument s’armer pour faire face à ça et vraiment faire circuler des informations très précises. Et très localement ici, au Québec, on est pris dans… je veux dire quand le Parlement du Québec adopte cette définition-là, ça constitue un milieu pour toutes les institutions ici qui est très orienté. Donc comment on s’organise pour faire face à ça ?
Monique Simard : Merci. Plusieurs panélistes veulent répondre ou intervenir sur certains aspects.
Muhammad El Khairy : I think it’s really important to talk about the distinction between, allowing people to express and voice their opinions, versus giving false justifications to acts of attack. And it’s important to think about “what does it mean to hold someone accountable versus attacking them.” Language really gets weaponized against us in terms of how we are allowed to speak about attacks on us. On a local level, whether culturally, personally or on a larger political level, when it comes to talking about Israel. So, it is important to think through, what does it mean to really talk about these things. I understand that Cinéma du Parc is not here to express their perspective, but actually that was a very conscious choice on our part because after meeting with Cinéma du Parc, their main concern was to justify censorship, not to explain, not to really have any kind of meaningful dialogue. Trying to justify acts of violence and giving space to justify acts of violence is dangerous. We can think about these liberal ideas of freedom of speech and giving everyone a voice, but then it’s always interesting, why does it not apply in reverse? Why is it just one-sided? So I think that’s something that I wanted to bring up. Also about this idea of it falling on us to always do the work and hold these big institutions accountable, why are they not also opening up the space or doing the work themselves? One of the things that has been happening a lot for Regards palestiniens is that a lot of people have been approaching us recently to work with us, but then expect us to do all the work. And it is really great to get these spaces. But honestly, we’re tired. A lot of us are really exhausted. So I think it’s also about not just opening the space for dialogue, it’s that you stand in solidarity with us. Like we said in the description, solidarity is an action. It has a price, and there’s something to be done in return. It’s not just saying you’re in solidarity.
Monique Simard : Chantal ?
Chantal Partamian : I also want to open the conversation on following the money. Where is the money coming from? When we have oil money … and I know this has been like a conversation that’s happening a lot in arts circles. But for example, in the case of Azerbaijan, the money from BP petroleum, funding bribery in UNESCO so that they can shut an eye. And I’m talking on a very big level because it trickles down, right? Like these are patterns and then they can have different shapes, but it trickles down. UNESCO covers the fact that cultural heritage is being erased or being silenced or reports or newspapers or even academic research is being funded by oil money. In the middle of Israel bombing Gaza, they were sending planes to Azerbaijan to ethnically cleanse. And in the middle of a genocide, Israel is making oil deals in the Mediterranean. There is—in French—des enjeux that are much broader following the money. And I think that if we’re doing it on a large scale, you should also do it on a small scale. Who’s funding what in these institutions?
Monique Simard : À mon avis, Chantal, tu touches un point extrêmement important, qui a un grand impact sur les conseils d’administration. Toutes les universités au Canada sont financées par de l’argent « sale », il n’y a pas d’autres mots. C’est, oui le pétrole, mais ce sont aussi les banques. Proche de nous, à Rouyn-Noranda, il y a une fonderie qui empoisonne les gens. Or, cette fonderie subventionne les trois grands festivals : celui du cinéma, celui de la musique, celui des guitares. Ça place donc ces festivals dans une situation extrêmement inconfortable, parce que s’ils perdent le financement— c’est la seule usine dans le coin qui a beaucoup d’argent —, leur événement va tomber ou, du moins, être diminué. Ça revient à assumer profondément des contradictions. Déjà, dans les années 60, on dénonçait le financement des universités, le financement du monde culturel, et puis… Regardez qui sont les philanthropes. Vous allez voir que, souvent, ces philanthropes, c’est parce qu’ils sont des héritiers d’entreprises, qui au fond, ont des actions, des activités tout à fait destructrices, ensuite blanchies. Mais le conseil d’administration d’une petite OBNL — parce qu’on parle ici de mini organisation, dans notre monde du documentaire à Montréal, a peur de perdre son financement. On sait à quel point c’est difficile d’en trouver d’autres. Alors il faut que ces organisations se parlent entre elles, pour ne pas se retrouver seules devant ce problème. Sans quoi elles vont disparaître.
Philippe Bouchard-Cholette : D’abord juste, très rapidement, je sens que dans la façon dont je me suis exprimé plus tôt, j’ai pu sembler relativiser l’horreur de ce génocide comme une opportunité d’apprentissage pour les organismes culturels, donc je tenais juste à mettre ça au clair. Ensuite, je voudrais rebondir sur ce que Krista disait plus tôt sur la question du « higher cost of solidarity », au sens où la solidarité, c’est quelque chose qu’on veut tous porter, mais quand justement, ces coûts-là sont plus élevés, je pense que, en tant que petit organisme, selon mon expérience, les questions du financement, du comment la constitution d’un organisme peut avoir une influence sur la manière dont nous pouvons nous adapter puis répondre à ce genre de devoir, parce que je pense que c’en est un devoir que d’assumer ce « higher cost of solidarity ». Cette situation n’est pas parfaite ou, du moins, il y a quelque chose d’assez fondamental pour moi dans la question de l’échelle.
Nour Ouayda : What I will say is not particularly about the funding, but I would like to respond to what was being said. I think that moments of urgency can sometimes make us loose sight of things as much as they can be a reality check. I think we sometimes forget cultural workers don’t necessarily share the same values or the same political positions. To echo on what Chantal was saying, in a pro-Palestine demonstration, you could have Turkish nationalists who were also marching in solidarity with Azerbaijan two weeks earlier. There is this assumption that if you work in culture you are somehow leftist, but we know that this isn’t the case. And it can take so much energy from us to just navigate that to make everyone happy instead of forming alliances with those that are on the same political wavelength as us. So it’s also, I think, managing energies because that’s also so limited in times like this.
Tom Waugh : I am Tom Waugh. Retired from Concordia. Thank God [rires]. I’m glad so many panellists and other speakers have mentioned history. It’s very important to remember the historical context, since this is RIDM. I’m sure in the back of everyone’s mind is Of the North, and the way active programming and oblivious programming can constitute a kind of censorship and silencing. Does everyone know about Of the North? When was that? Five years ago?
Monique Simard : Quatre-cinq ans à peu près.
Tom Waugh : And even further back, some of you on the panel signed a petition in 2016 directed to Image+Nation and the Queer Film Festival, to ask them to stop accepting Israeli money the year after the last bombardment of Gaza. And they started screaming censorship at us. They were engaged at that time in a pinkwashing campaign, trying to convert all the queer film festivals on the planet to show Israeli programming. And Image+Nation was delighted to accept this money. And in the previous nine years, they had shown 20 Israeli films and not a single Palestinian film. So we need to remember this is a very complicated history, a local history around programming and festivals and money, of course, and institutional support. And I’m glad that Natalie acknowledged that universities and academia are cultural institutions. You were being a little bit ambiguous about that, Krista. Of course, educational institutions are part of this whole landscape of cultural regulation and censorship. And so I’m very glad to have been forced to get up so early this morning and meet you all.
Monique Simard : Merci. D’autres, dans la salle ?
Nayrouz Abu Hatoum : Thank you everyone. My name is Nayrouz Abu Hatoum. I’m an assistant professor at sociology-anthropology at Concordia University. This has been really interesting because I’ve been in the TikTok, Instagram spiral for the past six, seven weeks and I haven’t really, like, talked about it besides a little bit with my students. I think the struggle is multilayered and on many fronts. And I think it’s important to not exhaust all the fronts, but to keep pushing. I mean, similar to Natalie, I’m not so much involved in the art scene, but mostly in the academic institution. I see, I feel the censorship in my university, Concordia. And you know, I try to talk to what’s happening in Gaza with my students. And honestly, the response from the student was so positive. Even the simplest question, asking me about details of things I would answer, and they would be very receptive. And thankfully, I mean, God forbid I didn’t get any pushback. And that shows really that the student, they want to learn, they want to read, they want to know. I share books, they take notes. That’s kind of really hopeful. In my last class, I taught a book about Kashmir, and there’s this beautiful sentence at the end of the introduction: “Kashmir is Palestine that nobody talks about.” And then I told my students, if you feel you can’t talk about Palestine, you can’t talk about Gaza, because you’re being censored, talk about Kashmir, talk about the Armenian genocide, you know, 100 years ago, or talk about what’s happening in Azerbaijan with the Armenian community, talk about indigenous communities, talk about the black community, and this information, this knowledge, this structure, this analysis, will help us understand what is happening in Palestine.
Monique Simard : Merci.
Razan Al Salah : I wanted to bring up one point, that we talked about actually at the screening or after the screening in Sala Rossa, which is how basically the burden of solidarity is being individualized and how capitalism, colonial capitalism, functions in the same way. By fragmenting and individualizing the act of speaking, the act of being in solidarity and the many forms that takes. So going back to the title of this panel, I just want to add that the work of solidarity of cultural institutions is to collectivize this burden. And to invisibilize individuals to protect them so that they’re not targets. And that’s why the coalition is so important and in the long term. We need this coalition. And we call on as many cultural organizations present in the room today to join our coalition.
Farah Atoui : I understand that standing in solidarity, especially in the current repressive and highly polarized political climate, comes with a cost and is not necessarily an easy position to take. A cultural institution like Cinéma du Parc might face repercussions because of the stance it chooses. But I also want to emphasize that, despite any fear, once you take a political and human stance in solidarity with Palestine, you are not alone. This is why I brought up the petition initiated by the Independent Jewish Voices earlier. This petition shows that there were 6500 people in support of that screening as opposed to 1000 that were opposed to it. Taking a stance in solidarity with Palestine might feel risky and marginalizing, but in reality, there’s a large and supportive community of Palestinians, Arabs, Armenians and other anti-genocide and anti-war allies who are united by this cause. This community of solidarity is intentionally made invisible. We see this at Palestine solidarity protests—the number of people showing up is wild, yet this level of support is absent in mainstream media coverage, right? So, any organization willing to engage in this political work—the labour of solidarity—will find a great deal of backing from the community. Ultimately, all we’re saying is: don’t leave the burden of solidarity within the arts and culture scene solely on us. Take a stand and we will be here to support you.
Monique Simard : Oui, est-ce qu’il y a quelqu’un d’autre ? Oui ?
Mireille Tawfik : Bonjour. Mon nom, c’est Mireille Tawfik, je suis une artiste. Je n’arrive pas à formuler une question, mais j’ai envie de partager mon point de vue à propos toutes les tergiversations qui nous tiraillent. Je pense qu’il y a facilement du pouvoir qui est à notre portée quand on essaie de partir des mouvements plus « grassroots ». Cette semaine, j’ai décidé d’aller porter une lettre au consulat égyptien pour de mettre de la pression sur le passage de convois humanitaires vers Gaza, puis en deux jours, on était un petit groupe à aller le faire, mais quand j’entends l’expérience de Lamia sur le CA, ça résonne avec beaucoup d’expériences de plein de gens actifs dans les milieux communautaires, où des personnes se retrouvent à être la seule personne de couleur à représenter « diversité et inclusion ». C’est vraiment violent d’être la personne qui représente ça dans un organisme. Farah, tu dis : « Allez-y puis on va vous suivre », mais je me demande à qui tu parles dans la salle parce que je ne connais pas les gens, mais venant du milieu du théâtre, quand j’ai vu l’annonce de cet événement aujourd’hui, je me suis dit : « le théâtre a besoin d’entendre, de venir ici, aujourd’hui ». Sur quinze théâtres à Montréal, il y en a deux qui ont parlé de ce qui se passe en Palestine. Et aujourd’hui, aucun représentant des organismes ou du milieu du théâtre n’est présent. Je suis d’accord que le changement doit passer par les organismes. Il y a déjà beaucoup de mobilisation dans la population, on le voit dans la rue. Mais il faut s’asseoir avec les institutions pour qu’elles prennent conscience de leur pouvoir d’action, leur pouvoir de rayonnement et de leur potentielle implication via le financement qu’elles reçoivent. Et en bout de ligne, qu’elles prennent une décision si elles veulent rester silencieuses face à un génocide.
Farah Atoui : Je pensais en particulier à Cinéma Public : leur décision de rejoindre la coalition et d’offrir un espace à Regards palestiniens peut avoir pour conséquence la perte d’une certaine partie de leur public qui s’oppose, par exemple, aux films palestiniens. Cependant, ces films ont aussi un public qui devient de plus en plus important. Ainsi, d’un côté, le Cinéma pourrait perdre certains spectateurs, mais de l’autre, il en gagnerait de nouveaux. C’est en mobilisant nos propres publics que nous exprimons notre soutien aux institutions et organisations qui collaborent avec nous. Il serait aussi pertinent de réfléchir ensemble, avec le Cinéma Public, aux questions de financement et aux répercussions potentielles financières de cette collaboration avec Regards palestiniens. Nous aussi, en tant que collectif, nous rencontrons chaque année des difficultés à trouver des financements pour nos événements. Mais comme le disait Razan, en travaillant ensemble à trouver d’autres solutions, nous pourrions également réduire cette dépendance à certains types et sources de financements.
Aude Renaud-Lorrain : En lien avec toute la question des institutions, je rappelle que de notre côté, on a une position facile, étant donné que le conseil d’administration est derrière nous au niveau de la programmation, mais la difficulté est aussi de communiquer entre nous, de se donner les moyens de finalement bâtir un argumentaire. Finalement, ce qui me paraît fondamental, justement, c’est de dépasser les simplifications du discours, de se permettre de se donner les outils. Aussi, quand il y avait le message : « les gens blancs, prenez vos responsabilités, puis prenez position », il y a toute la question de la légitimité qui se pose également, ce dont j’en pu parler avec les membres de Regards palestiniens, et puis il ne s’agit pas se donner uniquement les beaux rôles. Personnellement, j’ai eu beaucoup de questionnements par rapport au slogan « From the River to the Sea/De la Rivière à la mer », et j’ai trouvé que le débat a été élevé justement parce qu’on était dans un climat de discussion, et si c’est vrai que l’information est parfois difficile à trouver, ça m’apparaît justement fondamental d’échanger des pensées et des textes, pas seulement quelques mots ou quelques images sur Instagram. Un de mes grands défauts, c’est que je ne suis vraiment pas beaucoup sur les réseaux sociaux, je suis toujours en retard dans l’absorption des nouvelles, mais en même temps, c’est peut-être aussi quelque chose qui me permet de justement prendre mes distances dans ce type de débat, puis d’aborder les choses davantage par la discussion. Mon réflexe dans ce genre de situation, devant une prise de position, n’est pas nécessairement d’appeler Philippe, responsable des communications, et de lui dire : « il faut absolument qu’on fasse un post ». C’est plutôt de prendre le téléphone puis de parler avec les personnes concernées, pour en arriver à discours commun, un discours uni. Et j’aime aussi beaucoup ce que Nour disait par rapport au fait qu’il faut accepter que même si, oui à l’intérieur d’un objectif commun, il y a beaucoup de dissensions, d’opinions divergentes, les cinémas, les théâtres peuvent être des lieux où l’on peut aborder ces questions-là.
Krysta Lines : I just want to go back to the sense of collectivity and the discussion of cost, because I think it goes, on the one hand, to the question of the scale of institutions. These institutions are more or less protected from… In the institutions most willing, most able to absorb the cost are the ones less likely to engage in solidarity, first of all, and often the people less willing to put themselves on the line are the people who are the most protected also. And so, this question of differential risk, and both at the institutional level and at the personal level, is one that we should really highlight to say in the same way, to say what people speak up, that also, you know, we have to understand that the work of solidarity happens with the people who are the most used to being targeted and the people least able to bear the costs of solidarity. And yet, right, we still have to do that because the institutions are the most protected and the least likely to do so. So, I think just knowing that as part of the work of solidarity is understanding how one can prepare oneself as an institution, prepare oneself personally, also to take a stand when one doesn’t have familiarity with histories or discourses, to educate oneself on received histories, to be in solidarity and to be able to step up during these times. And so I think that question of how to build collectivity with a real understanding of where the work of solidarity happens, what the labour involved is, and what the obligations of the institutions and the people who need to bear that responsibility are really fundamental to creating the kind of support network that can hold filmmakers and curators and cultural institutions and activists and scholars together, during times when the kinds of assaults become more acute.
Monique Simard : On arrive à la conclusion. Merci, tout le monde, pour la profondeur des propos, la variété de perspectives, la civilité du ton des échanges. Il y a parfois des moments, comme celui-ci, qui sont des moments charnières. Il arrive toujours des moments charnières dans l’histoire, où on réalise qu’il faut mettre sur pied quelque chose de plus solide, de plus large, pour faire face, non seulement à la crise, on dit crise pour la situation actuelle, mais il y en aura d’autres. Il y en aura d’autres et donc, d’instaurer un réseau de solidarité, de compréhension mutuelle est important. Par exemple, il y avait ce festival de films du Sud-est asiatique, je sais plus s’il existe encore, qui aurait pu nous montrer des choses très éclairantes sur ce qui se passe dans ce coin du monde là, mais dont on parle peu. Et on revient à fouiller la question du problème constant du financement. Ce serait très simple si tout l’argent était public et entre guillemets « propre ». Mais non, ça ne se passe pas comme ça. Il y a toujours ces questions assez profondes de la compromission dans l’acceptation de certaines formes de financement. Ça nous mène où ? Tu vas toujours être obligé de faire un compromis. Quand, comment, on ne sait pas. Ça ne sera peut-être pas dans un an, peut-être pas dans six mois et puis peut-être dans cinq ans. Souviens-toi, on t’a subventionné ça, ça, ça. Et évidemment, tout ceci fait aussi appel au courage. Le courage, c’est de prendre position, soit individuellement ou comme organisation. Et le courage, c’est quand on fait quelque chose et qu’on risque de perdre quelque chose. Faire un live sur Facebook là, ce n’est pas très courageux. Même aller marcher 100 000 dans la rue, à la limite, tu peux te faire bagarrer un peu, mais ce n’est pas si pire. Le courage, c’est de prendre position. Et en ce moment, il va falloir à beaucoup de monde, beaucoup de courage. Parce que la fronde est assez impitoyable.
En tout cas je remercie les panélistes. Je suis contente d’avoir fait leur connaissance. Merci de m’avoir demandé d’animer ce panel, même si ne je savais pas ce que j’allais animer il y a quelques jours… mais j’ai beaucoup appris à vos côtés. Merci beaucoup.
[Applaudissements]
Transcription : Guillemette Martin
Édition : Maude Trottier
Notes
- Toutefois, nous n’avons pas réussi à entrer en contact avec deux participants de l’audience (deuxième partie de la discussion). En l’absence de consentement, les interventions de ces personnes ont été retirées. ↩
- La coalition était composée de Regards palestiniens, Hors champ, Dhakira Collective, Feminist Media Studio, Le Sémaphore, Cinema Politica, Main Film, Cinéma Public et Palestiniens et Juifs unis (PAJU). ↩