DOC-COMMENTER L’HISTOIRE
Chris Marker vient de disparaître. Entre autres choses, il nous laissera le souvenir d’une voix. Une voix qui seule nous laissait deviner cet homme si secret et effacé, une voix rare, que les cinéphiles espéraient ou s’imaginaient parfois reconnaître dans ses films. « Il a commencé à exister pour moi en 1954, par sa voix. Il téléphonait à Resnais, qui montait mon premier film », se souvient Agnès Varda en lui rendant hommage. Une voix sans visage qu’elle a enregistrée une dernière fois en filmant l’atelier de son ami dans Agnès de ci de là Varda (1/5). Dans les films de Marker, que ce soit la sienne ou non, il y a bien une voix qui résonne sur les images, une voix indissociable de son cinéma. Nous publions donc ce texte, sur l’usage du commentaire en voix off (ou parfois écrit) dans les cinémas de Chris Marker et de Harun Farocki.
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Harun Farocki et Chris Marker : cinéastes, mais aussi écrivains, et vidéaste pour Farocki, photographe pour Marker. Cette multiplicité et cette convergence de regards est peut-être ce qui donne envie de les confronter, de les lire en parallèle : deux cinéastes chez lesquels la parole, le commentaire, le mot, sont indissociables des images, et de leur montage/collage ; deux cinéastes qui isolent des instants, des visages, et les analysent, ou les font parler, en les confrontant à la voix. Voilà ce qui, confusément, nous amène à les rapprocher : chez Marker ou Farocki, nous avons affaire à un cinéma documentaire « fragmentaire », qui se construit sous nos yeux ; les plans s’y assemblent dans le mouvement de la pensée, formant un réseau d’images, déjà archives ou sur le point de l’être, enregistrées par la caméra du cinéaste ou non, quelles que soient leur source et leur fonction originelle. C’est en cela que leurs films sont à la fois d’une grande cohérence, avec rigueur et précision, et en même temps en suspens, ouverts, parce que toujours dans l’expectative, dans l’hypothèse, inscrits dans le temps de la formulation d’un questionnement. Leur écriture cinématographique est peut-être celle qui porte le mieux le nom d’ « écriture » : nous sommes en plein assemblage, des mots et des images, à la quête d’un sens, imprévu, inconnu, qui ne peut naître que de la confrontation des deux ; « écriture » des images, avec la ponctuation, les pauses, les retours en arrière, les résonances que cela permet : un rythme poétique, tantôt mélancolique, tantôt clinique, mené par la parole qui contemple ou dissèque, parfois les deux en même temps : c’est la démarche documentaire même que l’on voit se dérouler à l’écran, tâtonnement et fermeté de point de vue mêlés, le doute dans le processus filmique au service de la certitude du regard porté, de l’angle choisi.
Il ne s’agit pas ici de comparer Farocki et Marker, mais, en les traitant de front, d’aborder la façon que chacun a de doc-commenter le réel, ou une certaine réalité, à saisir par bribes, par des choix, à partir du fourmillement contemporain des images. Quelques œuvres (Images du monde et inscriptions de la guerre, Vidéogrammes d’une révolution, Respite de Farocki, Sans soleil, Le tombeau d’Alexandre, Si j’avais quatre dromadaires, et La Jetée de Marker), et quelques axes, qui se croisent, permettent de provoquer cette rencontre et d’interroger ces démarches documentaires libres, qui frisent parfois la fiction ou l’expérimental. Où comment le commentaire est un outil pour révéler l’image, l’effeuiller, la creuser ; le visage et son regard comme point limite du documentaire, l’obligeant à se questionner, à être réflexif, avec la constatation de la dualité destruction / préservation. Enfin, n’y a-t-il pas une certaine mélancolie dans ce doute permanent que jettent l’un sur l’autre langage et image ?
André Bazin disait que pour Chris Marker, « le commentaire d’un film n’est pas ce qu’on ajoute aux images préalablement choisies et montées, mais presque l’élément premier, fondamental 1 » . Ce constat est valable en tout point pour Harun Farocki, dont le cinéma nous permet même de supprimer le « presque » : sans le commentaire, les images chez Farocki, de toute provenance, de tout bord, de tout type, ne sont rien qu’une accumulation informe et illisible. En effet, loin du commentaire prévu de certains films, actualités, reportages, qui imposent un discours rôdé et apparemment « objectif », quelles que soient les images qu’il illustre, le commentaire chez Farocki et chez Marker a pour fonction, et point commun, de véritablement « commenter » les images, c’est-à-dire de nous les faire voir à nouveau (ou de nous les faire voir, tout simplement), en les accompagnant ; et il s’agit bien d’un commentaire accompagnant, c’est-à-dire agissant sur les images, et non pas d’un commentaire d’accompagnement, soit convenu et conventionnel, apparemment passif, mais pourtant souvent insidieux. Une image n’est pas une évidence, elle a plusieurs couches de sens, c’est pourquoi il faut la confronter à un contexte, à une lecture, ou à une autre image : par des « cartels » donnés par la voix propre du cinéaste, celle d’un narrateur, ou encore des cartons.
Chez Harun Farocki, le commentaire est souvent assumé dans ce qu’il a de plus littéral et de plus « basique »; il s’agit de revenir à l’essence même du commentaire, à son but originel : décrire une image. Mais la décrire vraiment : et cela nous surprend, paradoxalement, car notre époque prend rarement le temps d’observer les images avec rigueur ; c’est ce que nous ré-apprend Farocki : lire un document et tenter de le comprendre, de l’interpréter ; le documentaire se fait alors analyse de documents, archéologie de l’image. Archéologie, c’est-à-dire décrypter les différentes couches de lecture qu’on peut faire de l’image, dans son espace même. C’est tout le travail de Vidéogrammes d’une révolution. Où est véritablement l’événement, dans le champ, hors-champ, au fond du champ : où regarder ? Sur un plan tremblotant filmé par un amateur d’une fenêtre, où l’on voit au premier plan, à gauche et à droite, des immeubles aux allures soviétiques, et dans le centre de l’image, à l’arrière plan, une foule aux contours floues, à la rumeur lointaine, la voix off nous dit froidement : « The image is unequally divided. The major portion is occupied by the foreground, which is not the focus of the attention. The event has been shifted to the background. The camera gets as closed to the event as the lands allows. » En une phrase, toute la situation de la Roumanie à la veille de la révolution est condensée : les murs de béton du régime font obstruction à la vue, tentent encore d’étouffer la révolte et de dissimuler les corps abattus. Mais déjà, les yeux et les caméras, même encore extérieurs aux événements et aux manifestations, se focalisent sur la révolution en germe, et ne voient plus que ça. La caméra est en danger, mais continue à filmer, fixant cette trouée d’espoir comme s’il n’y avait plus rien à perdre, comme s’il était déjà essentiel d’enregistrer le peu d’événement visible, frémissant au fond du paysage roumain et de l’image.
Cette précision presque clinique de la voix et de l’analyse des images chez Farocki semble répondre à la séquence des Lettres de Sibérie de Marker, où trois commentaires différents sont énoncés sur une même séquence de quelques plans d’archives de Iakoutsk : un commentaire enthousiaste et pro-soviétique, un commentaire sinistre et alarmiste, un commentaire soi-disant objectif. Les bruitages plutôt que la musique confère au dernier plus de neutralité, mais sa « vérité » n’en est pas moins à relativiser : les mots peuvent faire dire ce que l’on veut aux images. La rigueur extrême du commentaire chez Farocki va à l’encontre de ce danger et le dénonce, car il nargue également la version « objectiviste » : l’énonciation des faits et des détails ne sert qu’à amener, d’autant plus implacable, un jugement, une remise en question de l’image. L’exemple le plus troublant est peut-être le film Respite : le commentaire des cartons dérange au départ par sa quasi-neutralité face aux archives nazies du camp de transition de Westerbrook (images « anodines » donc, de prisonniers maintenus dans l’illusion d’un traitement encore humain, avant d’être envoyés à Auschwitz) ; mais cela n’est que pour mieux les détourner par la suite : les mêmes images reviennent parfois, toujours aussi banales, mais cette fois, par le ton du commentaire et les analogies qu’il souligne, rappellent et appellent d’autres images de notre mémoire, celles des corps dans les camps de la mort.
Marker ne répond pas au danger du commentaire par une minutie chirurgicale, mais par une utilisation du langage comme outil d’interrogation, de questionnement de l’image. La distance, la sobriété, le refus de déformer l’image est cependant du même ordre que chez Farocki, si l’on constate avec Olivier Kohn la« quasi-absence de verbes désignant des affects, des sentiments, ou des états d’âme, au profit de ceux qui disent l’action ou la pensée 2 » dans le commentaire markerien. Pas de trahison des images donc, mais bien sûr une façon de les influencer, et le travail de les faire lire, qui est nécessaire. Marker porte pour cela un regard sur les images souvent hypothétique / poétique : la parole fait bouger l’image, lui donne la possibilité d’un sens, et littéralement, la fait parler. Qu’est-ce qu’on peut voir, là, maintenant ?
L’image devient autre, car elle est tirée de son rang d’ « image de ». À la lumière des mots, qui la relient à d’autres images, à d’autres moments, à d’autres idées que celles qu’elle se contente de montrer, elle devient « image sur », « image pour », « image dans » etc… C’est-à-dire une image + une pensée (on pourrait dire : une pensée de l’image quand il s’agit d’une archive, où une image pensée quand il s’agit d’un plan tourné). On peut citer, entres autres exemples de cette parole qui nous dit une vérité parce qu’elle ose l’imaginer, l’inoubliable plan du Tombeau d’Alexandre, qui surprend pour nous le vieil Ivan Kozlovsky, ancien chanteur du Bolshoï, priant de profil au fond d’une église lors de la cérémonie de Pâques. La voix off nous identifie le vieil homme et, s’adressant toujours au fantôme d’Alexandre, commence : « Il a exactement ton âge. Comment aviez-vous fait pour traverser tout ça ? Sa solution à lui était-elle Dieu, ou la musique, ou que c’est la même chose ? Est-ce qu’il entendait à ce moment là une autre musique que la litanie de cette église orthodoxe, où les icônes ne sont pas seulement sur les murs ? » Ce plan très court, pris à bout de zoom, nous montre les mains de Kozlovsky se crisper sur sa canne avant de remonter sur son visage, immobile, si ce n’est son œil, qui semble au bout de quelques temps regarder en coin, en direction de la caméra, une fraction de seconde (ce n’est sûrement qu’un geste incontrôlé, mais on le remarque car nous sommes mis « en contact » avec l’image : je l’observe elle m’observe). Cette figure fantomatique, pilier du siècle, chanteur préféré de Staline, devient sous la voix figure de l’Histoire : l’Histoire russe qui laisse comme témoin ce vieillard à l’air triste, visiblement ailleurs, devant le spectacle immuable de l’église orthodoxe, la seule scène peut-être à avoir survécu au siècle, où l’on chuchote sur ceux qui auraient collaboré avec le KGB. Mais ce qui fait la force de ce plan c’est qu’il va revenir, plus tard dans le film ; le commentaire nous précise que l’on chuchote toujours sur ceux qui auraient collaboré avec le KGB, puis nous dit : « Je m’étais demandé quelle musique le vieil homme de Moscou écoutait, au-delà de la liturgie ; je crois qu’il entendait les mots qu’il avait chanté si souvent lui-même, dans Boris Godounov, quand il interprétait comme personne ne l’interpréterait jamais le rôle de l’innocent ». Une archive de l’opéra remplace alors le plan sur le vieil homme, donnant un visage au chant que nous entendions déjà sur les plans précédents, mais que cette fois nous écoutons : « Malheur, malheur à la Russie, pleure, pleure, peuple russe, peuple qui a faim… ». Marker n’hésite pas à interpréter cette image, pour lui rendre toute sa portée, toute sa beauté, qui sont bien là mais qui sans le commentaire passeraient inaperçues. En la lisant puis la relisant, en prêtant une pensée à ce visage de vieillard assis au chevet de la Russie, en refusant de croire qu’il n’y ait que ce que l’on voit dans l’image, et en inventant une « musique (image) mentale », Marker fait de cet instant une clé de la mémoire russe : ces quelques secondes de mélancolie, vues au présent, puis racontées au passé la seconde fois, et enfin « rajeunies » par l’image d’archive, où l’on retrouve le même visage, la même expression, nous donnent l’étrange impression que le vieil homme observe « du seuil de l’avenir », et non pas du passé de son âge, une Russie qui ne change jamais, qui n’a jamais changé, malgré ses révolutions. L’image d’un vieil homme devient donc, par le commentaire, une image sur la Russie, dans l’Histoire, pour une mémoire ; et en rien on ne peut accuser ce commentaire de trahir l’image, de la sur-interpréter : comme si l’innocence du rôle de l’innocent rendait toujours incontestable la vérité du chant, mais aussi la justesse du commentaire qui appelle ce chant à l’image, sur l’image du vieil homme. Ainsi, c’est par innocence que ces quelques photogrammes brouillés déclenchent la méditation, et par là deviennent immenses et acquièrent une temporalité multiple, transversale.
Pour revenir à Farocki après ce long exemple, on peut noter qu’il y a là une même préoccupation : redonner une place aux images, dans le temps de l’histoire et dans l’espace du film. Et leur donner un sens, une lecture possible, quitte à extrapoler : dans les deux cas donner une lecture sensible est le moyen d’éviter l’objectivisme, la neutralité, et de trahir l’image en la laissant dans le flou, dans l’illisibilité. Et cette spécificité se donne en créant un lien par le commentaire entre toutes les images: Farocki construit une vision d’un événement historique en se réappropriant les vues éparses qui en existent, et au moyen du commentaire il les met en relation, les situe les unes par rapport aux autres, dans le contexte, par leur nature etc… Marker échafaude un réseau d’images, avec ses couches de sens, ses échos, ses incertitudes. C’est en cela qu’on peut parler dans les deux cas d’une archéologie documentaire : avec à la fois une précision extrême et une grande part d’hypothèse, d’interprétation ; tout à la fois un travail de géographie (les images entre elles), de géologie (dans l’image elle-même), d’historiographie (la nature des images), et enfin d’anthropologie : à travers les images-visages – dont le chanteur du Tombeau d’Alexandre était un avant-goût – et sur lesquelles il est nécessaire de s’attarder, car ce sont elles qui appellent la parole.
Les images qui restent le plus profondément gravées dans la mémoire, par Marker et Farocki et par les spectateurs, sont celles des regards, celles des visages, le plus souvent de femmes, qui nous regardent. En documentaire, on est toujours au bord de la fiction : les gens jouent, mettent en scène, censurent. Le travail du cinéaste est de produire un regard juste à partir de tout ça, de savoir aussi provoquer la justesse, enfin de faire surgir une vérité de sa fiction même. Mais est-il possible de filmer un instant de vérité documentaire, d’en être sûr ?
Oui, en le regardant « en face ». C’est ce que fait Marker dans Sans Soleil, sur le marché de Bissau où les femmes fuient la caméra et la puissance du regard, en dialoguant avec l’une de ces femmes, qu’il fixe : « Je la vois, elle me voit, elle sait que je la vois… » égrène la voix off, jusqu’au vrai regard, droit, direct dans l’objectif, qui clôt le jeu d’évitement et qui dure « le temps d’une image ». La seule chose certaine dans la prise de vue documentaire, c’est peut-être cet instant où le regard de la caméra est soutenu par un autre regard: instant où filmeur et filmé partagent le même temps, ensemble, en connaissance l’un de l’autre ; il y a une caméra, qui ne peut plus se cacher parce qu’elle est regardée, « le médium, en même temps que ce qu’il montre, se montre lui-même 3 », nous dit André Habib, et ce, peut-on ajouter, parce qu’il est montré par ce qu’il montre. L’instant est donc purement documentaire parce qu’il documente le documentaire en train de se faire. Mais il ne s’agit pas seulement de la relation filmeur/filmé : c’est par le regard caméra que le spectateur est invité à assumer sa place dans le film, c’est-à-dire prendre conscience de la caméra et se confronter à ceux, qu’à travers elle, il observe. Comme le souligne François Niney, à l’occasion de cette séquence: « le regard du spectateur croise celui du filmé à travers temps, comme s’il y était, dans une sorte de (co)présent différé, et réitéré à chaque projection 4 ». Comme il le développe ensuite, c’est bien le rapport au temps qui est modifié : le moment saisi sur le vif peut être reproduit, déplacé dans le temps ; ce passé devient mon présent, et moi je suis renvoyé à lui. Il est intéressant de considérer la place de la voix off dans ce rapport : la voix est ce qui nous rappelle au présent, face aux images qui nous regardent du passé. D’où cette impression étrange d’être pris à parti : le commentaire occupe la troisième place, c’est-à-dire la nôtre, celle de spectateur, à côté de la relation filmeur/filmé. La rencontre a eu lieu au passé, mais par notre présence, et par la voix, elle a lieu sans cesse : si ce n’est que cette fois c’est notre regard qui est interpellé et non plus celui de la caméra. Le processus documentaire est donc représenté au complet, mais c’est la voix qui en lie les différentes parties. En effet le commentaire se retrouve à commenter une image qui se commente elle-même, qui est déjà commentée par le regard qu’elle contient ; mais c’est justement pour cela qu’il est nécessaire : il permet de sortir cette image de sa réflexivité sans fin, et de nous l’amener, au présent. C’est pour cela peut-être que cette image doit être commentée, par tous les moyens : la voix, mais aussi le montage (quatre autres regards caméras de femmes se succèdent rapidement à la suite de celui-ci), ou une autre image (l’effet du synthétiseur transformant l’image, à la fin du film). On voit dans cette séquence que la notion de « commentaire » pourrait ailleurs être discutée, élargie : le commentaire passe par bien d’autres choses que la voix off : montage, effets, autres images… et les regards sont les premiers à commenter la démarche documentaire, à la rendre telle en la mettant en doute.
Cette suspicion est l’un des sujets constants de Farocki : comment le regard caméra nous interroge, comment il remet en question l’éthique de la prise de vue ? Des visages de femmes, qui suspendent le temps du film, il y en a dans Images du monde et inscriptions de la guerre. À la différence de Sans Soleil, mais comme dans Si j’avais quatre dromadaires de Marker, Farocki ne commente pas des images tournées, mais des photographies, et plus précisément des images d’archive. Une photographie précise et une série de photographies reviennent plusieurs fois, en vis-à-vis : la photographie d’une jeune femme juive, au moment de son arrivée à Auschwitz, prise par un S.S. ; et les photographies d’identité de femmes algériennes, prises de force sans leur voile par l’armée française. C’est le commentaire qui « problématise » ces photographies, les interroge éthiquement, et redonne ainsi une dignité à ces femmes qui nous regardent ; il s’agit de mettre en question la défaillance de ces photographies, de remettre en cause leur raison d’être : « How to describe a face ? The police does not know what it is a picture of man. » Comment croire que l’on peut enregistrer la réalité d’un visage en un instant, alors que sa subjectivité est insaisissable, ou que son expression actuelle est celle de la terreur ? Il y a là une réflexion sur ce que c’est « documenter ». Jusqu’où peut-on documenter le réel ? Jusqu’où une photographie ou un film peuvent-ils témoigner d’une réalité, jusqu’où ce que l’on voit est ce qui se passe ?
On retrouve bien ces interrogations avec la question de l’image dans la Shoah, et chez Farocki avec la photographie de la jeune femme juive, floue car elle se retourne et lance un regard au S.S. qui la saisit dans son objectif. La voix off nous fait remarquer que la photo est prise comme dans un mouvement, comme s’il lui lançait une œillade, « glance at her because she is beautiful » ; et que son regard de côté à elle, qui réagit au regard qu’on lui porte, rappelle « a world of boulevards, men, and shop windows, far from hère ». En nous décrivant la fiction qu’inspire naturellement cette « belle image », Farocki nous ramène à l’horreur de l’instant, au contexte que l’on ne voit pas, à la réalité que la photographie ne documente pas ; en quelque sorte il l’oblige à devenir, au sein de son film et par son analyse, une image « juste » (et non pas « juste une image » dirait Godard, à l’opposé de la « belle image » dirait Daney). Pallier les trous de mémoire des images et remettre à sa place leur part de fiction est une façon de faire du documentaire et de constituer une mémoire.
Ce travail autour de cette photographie rappelle et questionne la première phrase énoncée par la principale voix off de Si j’avais quatre dromadaires de Marker : « La photographie c’est la chasse. C’est l’instinct de la chasse sans l’envie de tuer. C’est la chasse des anges. On traque, on vise, on tire ; et puis clac, au lieu d’un mort, on fait un éternel ». Que penser face à la photo d’Auschwitz ? Loin de contredire la phrase de Marker, elle l’illustre. Ce n’est pas l’envie de tuer qui domine chez le S.S. au moment où il prend cette photo, c’est le désir, morbide certes, mais il a peut-être même oublié que l’appareil fait partie de l’équipement et de la bureaucratie nazis. Cette inconséquence est celle de la fiction justement, fiction de la « banalité », à laquelle même un S.S. finit par croire, car elle fait partie de la schizophrénie nécessaire au génocide. Seul le regard de la femme, dans l’objectif, nous rappelle à l’instant photographique : dernier regard, quelques instants avant celui de la mort. Et c’est là qu’il faut revoir un peu la phrase de Marker : et clac, on fait un mort et on fait un éternel. C’est-à-dire un ange, effectivement. Destruction et préservation est le point sur lequel s’interroge sans cesse Farocki dans son commentaire: le S.S. fixe la beauté de cette femme au moment qui précède celui où il va la détruire ; le nazi préserve, le temps d’une image, dans un processus de destruction. À l’inverse, et en même temps de la même façon, l’image documentaire ne prend-elle pas le risque de détruire dans un effort de préservation ? Elle fige le visage dans sa situation, et l’enterre dans sa condition, dont elle veut pourtant témoigner. Farocki écrit à ce sujet dans un texte sur Respite : « Il en va ici d’une politique de l’image. On veut apprendre quelque chose aux hommes et on écorche avec cette représentation une seconde fois les victimes 5 » . Ainsi revendique-t-il dans Images du monde et inscriptions de la guerre l’anonymat des déportés dans le grain zoomé de la photographie. Et peut-être est-ce pour cela aussi qu’il dissimule de sa main le visage de la femme d’Auschwitz, ou les yeux des femmes algériennes, dans les « albums d’images » qui les exhibent. Le geste de pudeur se fait ici le meilleur des commentaires.
Le regard de la femme d’Auschwitz, ou celui de la fillette Settela qui fixe de la fenêtre du train qui l’emmène dans les camps de la mort l’opérateur juif qui la filme (plan repris dans Respite), nous interrogent en effet sur la charge éthique de la prise de vue, et nous rappellent là encore une phrase du commentaire de Marker, qui s’interroge lui aussi dans Si j’avais quatre dromadaires, sur fond de visages d’enfants de la misère, parfois hébétés, parfois souriants : « Il y a pire que la tyrannie, il y a le silence. La distance entre ceux qui ont le pouvoir et ceux qui ne l’ont pas. L’impossibilité de communiquer ». Ce qui nous gêne en effet, c’est le silence de tous ces visages, leur regard qui dérange par son mutisme (la voix continue : « Quand [les pauvres] ouvrent les yeux comment les leur refermer ? »). Silence qui nous rappelle qu’avoir une caméra entre les mains, c’est aussi une forme de pouvoir, et qu’en tant que spectateur, nous sommes complices de ce pouvoir et devons nous positionner. Pouvoir aussi, parce que l’image est toujours là, « à disposition », alors que les visages ont disparu. Ainsi le formule André Habib : « Le temps a beau être préservé sur la pellicule, ces visages, captés par la caméra, exposent l’œuvre du temps, même s’ils le suspendent ». Ces visages semblent arrêter le temps et devenir éternels du fait même qu’ils sont placés hors du temps de la vie par la caméra : préservation et destruction, là encore ; c’est là que le cinéma est intimement lié avec la mort, souligne Habib, et que Marker, « comme plusieurs grands cinéastes, a su filmer la mort en captant la vie ». Marker fait de telles images, Farocki regardent de telles images, mais la préoccupation est la même, celle de ce paradoxe : le visage du filmé est l’interlocuteur du cinéaste, le médium par lequel le documentaire atteint le monde, entre en fusion avec lui ; d’où le besoin de parole, de commentaire, de la part du filmeur (Marker) ou du re-filmeur (Farocki avec les archives) pour combler le silence des visages ; et pourtant c’est là aussi qu’a lieu une forme de rupture : entre le temps du film et le temps du réel, qui fait que l’on a toujours affaire à des fantômes, à la fois dans la fugacité et dans la persistance, dans un 24ème de seconde et dans une «impression de mémoire 6 » ; la parole, en tentant de retenir l’instant, l’inscrit déjà dans un sentiment rétrospectif, une impression. L’unique image en mouvement de La Jetée semble répondre à cela, à rebours : le battement de cils de la femme devant l’objectif (instant du clignement d’un œil ou d’un obturateur, lorsque l’image s’imprime) apparaît paradoxalement comme un arrêt, une pause, dans la mouvance elle aussi paradoxale des photographies figées ; et par là, elle prend le temps à rebours, y compris celui du cinéma, et seule, fait taire le commentaire (ce qui en est un) : le pur présent cinématographique n’a pas besoin d’être commenté. Ce à quoi réagit le commentaire le reste du temps, c’est au regard qui commente la prise de vue, du fond d’un temps à la fois apparu et disparu du propre fait de celle-ci.
Le commentaire est donc rétrospectif. Tout en menant d’une image à une autre, il réagit au présent aux images en tant qu’elles sont déjà passé(es). C’est ce qu’évoque Éric Trudel en parlant de l’ « après-coup » du commentaire markerien : « [Il] creuse la disjonction entre textes et images du film commenté comme s’il ne pouvait toujours s’écrire que d’un ‘pays lointain’ 7 » . Il y a le temps de la prise de vue, celui du montage, celui de la projection, et le commentaire se fait passeur entre ces différents moments comme entre les différents lieux, images, mondes. Mais « mots et images se dépaysent et non s’appuient » nous dit Trudel. Cela est valable pour Farocki, et même dans une autre mesure : les images qu’il utilise ne sont souvent pas des images qu’il a tournées, elles lui sont étrangères, antérieures. Le caractère rétrospectif, lointain, du commentaire est d’autant plus fort qu’il n’y a pas d’affect.
On rejoint ici les propos d’un de ses contemporains et complice allemand, Hartmut Bitomsky : il s’agit de « traiter ces documents comme des choses concrètes, des matériaux, afin de les extraire de leur représentation idéologique historique, et de rendre explicite mon scepticisme par rapport à ces images. Que fait-on quand on travaille à une compilation de films d’archives ? On fait violence à ces films 8 » . Et entre autres éléments, c’est le commentaire, allié au montage, qui est le premier outil pour faire violence aux archives. Dans Respite ou dans Images du monde et inscriptions de la guerre, Farocki revient sur les images, les recadre, les agrandit, met en valeur un détail : il travaille au scalpel l’archive, et c’est la voix off qui permet de comprendre sa démarche en analysant chaque geste, en dévoilant ce que, à présent, on peut voir. Il ne s’agit pas de dire ce qu’il n’y a pas dans l’image, de décréter par-dessus elle une vérité due à la connaissance qui existe en dehors d’elle, mais de dire ce qu’il y a dans l’image que l’on n’a pas su ou voulu voir, ce qu’elle contient en filigrane. Le commentaire ne sert pas seul de « révélateur » mais il permet d’éclairer le processus de révélation : le travail sur le film donne à celui-ci une nouvelle lisibilité, le commentaire permet d’accéder à cette lisibilité en éclairant le processus qui y a mené. Si Bitomsky parle de compilation, il faut qu’il y ait un déploiement préalable de chaque élément d’archive dans sa nature même, et alors le commentaire peut compiler l’ensemble.
L’exemple le plus flagrant de cette violence du commentaire sur l’archive est peut-être le plan matrice d’Images du monde et inscriptions de la guerre : une photographie aérienne prise par un avion allié, qui comporte dans son champ et la zone industrielle qu’ils recherchaient, et plus loin le camp d’Auschwitz 9 . On rejoint ce que nous abordions plus haut.. Seuls les blocs de la zone industrielle avait été répertoriés à l’époque, identifiés, ceux d’Auschwitz avaient été ignorés, tus. Farocki isole les zones, puis balaie la distance qui les sépare, avant de redonner un nom aux blocs d’Auschwitz, de mettre un mot sur les lieux et en quelque sorte de rendre un lieu aux morts. Des étiquettes s’ajoutent sur la photo, tandis que le commentaire énumère : « Ce n’est que trente-trois ans après que les mots furent écrits, les mots : mirador et maison du commandant et bureau d’enregistrement et quartier général et administration et mur d’exécution et bloc n°11 et que le mot chambre à gaz fut inscrit ». Cependant, il ne faut pas voir là une croyance dans la toute puissance des mots, dans la toute vérité proférée par la parole, bien au contraire : les mots, qui nécessiteraient de n’avoir qu’un sens lorsqu’il s’agit de politique ou d’histoire, trahissent, par leur ambivalence ; c’est dans cette méfiance que Farocki souligne le double sens d’Auflklärung : « Lumières », mais aussi « reconnaissance », militaire ou policière.
Chez Marker aussi les mots s’égarent parfois, comme en témoigne la parole instable, rêveuse, contradictoire, des trois « commentateurs » de Si j’avais quatre dromadaires, « dans l’espèce de jeu de balance entre le réel et l’imaginaire, complètement brouillé 10 » . Devant le flot des photographies, tout le monde y va de son impression, et on ne sait plus où c’est, quand c’est, ce que c’est. On passe de Moscou à Berlin, et New-York peut très bien devenir Bruxelles, les passants passent d’une image à une autre, et la même eau coule de toutes les fontaines : cette divagation poétique naît de la résonance entre les voix, qui construisent un monde à partir de toutes les images ; mais elle est véritablement mise en mots par une voix principale qui domine seule par moments : c’est notamment le passage « il est six heures sur toute la terre » ; nous sortons ici de la discussion pour rentrer dans un discours poétique, qui tente d’unifier ces photographies éparses : peut-être même est-il six heures au moment où elles sont regardées, et en ce cas-là, oui, il est bien six heures sur toute la terre, six heures comme instant qui englobe tous les instantanés, le temps d’un regard, ou d’un film.
Les réflexions de la deuxième partie sur le regard caméra évoquaient évidemment le « ça a été » de Barthes : le rapport à la mort dans l’instant de la prise de vue est très palpable, mais Marker et Farocki en utilisant justement des photographies dans leur films, dépassent leur caractère d’instantané et leur redonnent un temps, les ramènent au temps. Par la voix, par le commentaire, il s’agit de redonner du sens aux images qui l’avaient perdu, de réintégrer dans un mouvement, dans une réflexion en mouvement, des images figées / oubliées : donner une seconde vie à l’image, au sein d’un film, c’est-à-dire l’arracher à son mutisme d’image isolée (absence de signification, de contexte, de discours), qu’il s’agisse d’un plan perdu (les trois enfants islandais de Sans soleil), d’un photogramme de vieux film, d’un document industriel, ou d’une archive historique ; cette façon de procéder est finalement proche dans sa portée du cinéma expérimental (du found footage par exemple).
Pour que ce mouvement ait lieu, la distance vis-à-vis des archives, des photographies, et même d’autres images qui chez Marker et Farocki deviennent parfois des sortes d’archives en tant qu’images « appelées » par le cours du film, cette distance est évidemment nécessaire pour voir les images au-delà d’elles, et surtout pour les voir entre elles, pour les mettre en relation. Tout fonctionne chez Farocki et Marker par confrontation, par assonances, par téléscopages. Ainsi ont-ils par exemple la même habitude de reprendre des images plusieurs fois, différemment. C’est le commentaire qui se charge de souligner les analogies, ou de faire voir puis revoir la même image sous différents angles. Montrer et monter vont ensemble, et le commentaire exprime la pensée qui dirige cette mise en mouvement. Barthes, cité par Éric Trudel pour traiter de la mélancolie chez Marker, considère que l’image qui isole violemment l’instant risque d’ « étouffer le ‘jeu du désir’ qui est le mouvement même de la graphie mélancolique ». Il y a bien une fugacité de l’instant, mais cette intensité ne vaut que pour son éclat ponctuel si elle n’est pas attisée, réveillée, c’est-à-dire mise en rapport avec d’autres instants, d’autres images, d’autres mondes, comme une prise d’élan, une respiration pour mieux relancer le mouvement du film. Il y a alchimie, il y a pensée, s’il y a rencontre : entre un temple japonais et un marché du Cap Vert, entre une gravure de Dürer et une vue aérienne de la seconde guerre mondiale. On pense à la phrase de Godard, un autre grand monteur/montreur d’images, dans les Histoire(s) du cinéma : « une image n’est jamais seule, elle est le rapprochement de deux images. Et plus ces deux images sont éloignées, plus l’image est forte et belle ». Par le choc des images, en faire apparaître une nouvelle : une image mentale, une image pensée. C’est le commentaire qui a ce rôle, et les images où le temps se suspend ne sont là que pour mieux relancer le mouvement mélancolique : il ne s’agit pas tant de conserver ce dont témoignent les images que de créer une mémoire à partir de toutes ces images, une mémoire qui se dérobe sans cesse, et que le commentaire tente déjà de retenir au moment même où il l’énonce.
La mélancolie chez Marker nous dit Trudel, c’est le commentaire tiraillé entre témoignage et fiction, c’est « le deuil du deuil, une poétique de mémoire, d’accompagnement et d’interrogation d’une Histoire reprise pour être fidèlement réinventée, un labeur, peut-être, ‘aussi vain qu’interminable’ 11 » . Réinventer l’Histoire : il y a là une démarche documentaire paradoxale, impossible, qui fait penser à l’emploi par certains cinéastes de la fiction pour mieux filmer le réel. Filmer une vision de l’Histoire qui n’a jamais été vue, l’Histoire d’aujourd’hui, ou parfois encore à venir (on pense à Sans soleil, Marker se plaisant à dire que le Japon est devant nous). Mais plutôt que réinventer, ça peut être aussi revoir : revoir le cours de l’Histoire à travers une de ces constantes, jamais remarquée ; c’est le travail de Farocki avec La sortie d’usine.
Il s’agit de créer une image de l’Histoire, celle du XXème siècle, en parcourant les images du cinéma, art du XXème siècle, à travers un fait social, un détail quotidien, une image bien connue, car elle est la « première » : la vue Lumière des ouvriers quittant l’usine nous mène à ses descendantes, dans les films politiques, les films de propagande, les films hollywoodiens, les systèmes de surveillance enfin. Avec cette idée que documenter l’Histoire, ce n’est pas forcément aller vers les grands documents, qui témoignent des grandes dates, des faits héroïques, et des événements spectaculaires, mais au contraire aller retrouver ce que l’Histoire refoule, ce dont on ne parle pas, et donc ce qui n’a presque jamais été filmé, et l’est de moins en moins du fait de sa disparition programmée (la vidéo numérique simulant l’enceinte haute sécurité de l’usine Mercedes, sorte de tract promotionnel, est un contre-document qui n’est là que pour témoigner de la disparition du modèle de l’usine au profit de celui de l’entreprise).
On pourrait avancer qu’il y a une croyance en l’Histoire commune à Marker et Farocki, deux cinéastes « modernes », en avance sur leur temps parce qu’ils observent ce qui les dépasse déjà, après l’Histoire, à laquelle eux appartiennent déjà. Cette croyance, distancée et distanciée, est aussi une croyance au cinéma et au renouvellement perpétuel de ses possibilités. Marker est un mélancolique amusé, qui passe de la photographie au synthétiseur de son « copain le maniaque », qu’il adopte volontiers (Sans soleil). Farocki lui aussi passe de la photographie aux images vidéo ou numériques, parfois avec une certaine réserve, méfiance, parfois en revendiquant leur intérêt (les vidéos amateurs de Vidéogrammes d’une Révolution). Une phrase éclairante de Christa Blümlinger sur les films de Farocki peut d’ailleurs être lue à peu de chose près sur les films de Marker : « Leur sens de l’Histoire, s’il se traduit dans des histoires, peut aussi se concevoir comme une réflexion sur et avec les moyens du cinéma et de ses précurseurs et successeurs, la photographie et les images vidéo et digitales 12 » .
Un cinéma de l’entre-deux donc : entre un ici et un ailleurs, aujourd’hui et autrefois, filmer et monter ou monter et montrer ; entre documentaire et imaginaire, entre deux plans qui s’entrechoquent, un cinéma-pensée entre la vue et la voix, surtout. Les films de Marker et Farocki sont des constellations d’images, où le matériau filmique prend toute son ampleur, toute sa sensualité même. Ce sont des œuvres en constante création, qui ouvrent de nouvelles possibilités de lecture des images, et de nouveaux possibles du documentaire, notamment en jouant sur l’autonomie des deux bandes : son et image. Le commentaire se fait écriture essayiste ou poétique pour mieux renvoyer les images les unes aux autres, les confronter, les faire dialoguer. Et nous avons là « une écriture peu réductible aux définitions, oscillant constamment entre poésie et réflexion, jeu et gravité, comme entre fiction et documentaire 13 » , une écriture cinématographique où le travail de documentation devient le sujet lui-même du film, et où dans le même esprit, les images deviennent un témoignage plus précieux par leur nature même que par ce qu’elles contiennent.
Notes
- André Bazin, cité en quatrième de couverture du premier volume des Commentaires de Chris Marker. ↩
- Olivier Kohn, « Si loin si proche », Positif n°433, mars 1997, page 79, cité par Martin Barnier dans « Chris Marker : le son une bande à part », Chris Marker ou l’imprimerie de regard, l’Harmattan, 2008. ↩
- André Habib, « le visage retourné ou retour sur le visage : remarques sur une figure de médiation dans quelques œuvres de Chris Marker », dans Chris Marker et l’imprimerie du regard, l’Harmattan, 2008. ↩
- François Niney, Le documentaire et ses faux-semblants, (Chapitre 8), Klincksieck, 2009. ↩
- Harun Farocki, « sursis-respite-aufschub », Intermédialités n°11, 2008, « Travailler (Harun Farocki) » ↩
- André Habib, ibid. ↩
- Éric Trudel, « c’est un mot affreux : ‘commentaires’. La pratique mélancolique de Chris Marker », dans Chris Marker ou l’imprimerie du regard, l’Harmattan, 2008, page 237. ↩
- Hartmut Bitomsky cité par François Niney, L’épreuve du réel à l’écran, chapitre 15 « les archives », p.255. ↩
- Christa Blüminger, dans son introduction au recueil Reconnaître et poursuivre, qualifie ce plan de « tache aveugle inhérente à la virtualité mortelle du photographique» ↩
- Chris Marker dans Commentaires 2, page 91, cité par Éric Trudel qui ajoute que ce jeu « sans cesse menace l’entreprise de reconstitution, ou au contraire la sauve ». ↩
- Éric Trudel, ibid., page 250. ↩
- Christa Blümlinger, ibid., page 14. ↩
- Christa Blümlinger, ibid., page 16. ↩