Un des bonheurs de ce film est d’avoir laissé en nous des impressions aussi fortes, et d’une nature si particulière, que chaque image en évoque d’autres, que chaque piste en ouvre de nouvelles…
Le bonheur, c’est de replonger dans sa mémoire aussitôt que l’on se plaît à y repenser, c’est en faire défiler un moment, tenter de recomposer un segment, s’imprégner de ses évocations et suivre au hasard les voies du ressouvenir, à la rencontre à chaque fois différente d’un nouveau contour, d’un nouveau détail, d’un angle encore inaperçu, et assister, à chaque fois et pour soi, à la naissance de quelque chose de neuf, de nouveau, à nouveau.
Nombreux sont les cinéastes qui, dans un même élan, éveillent les rêves des spectateurs et donnent des cauchemars aux commentateurs. Rares sont en revanche ceux qui provoquent un tel phénomène en ne sombrant jamais dans les abîmes de la trivialité. Terrence Malick appartient à cette lignée d’artistes. Sa singulière propension à engendrer simultanément le réconfort du Cœur et l’inconfort de la Raison a des origines aussi multiples que difficiles à cerner. Comme s’il avait voulu dresser des remparts infranchissables autour de la citadelle de sa pensée, l’auteur de ces oscillations énigmatiques a fait de son ouvrage une longue série de questions, dont la principale caractéristique est de n’accorder aucune place aux réponses explicites. Ce choix a certes allégé ses œuvres des désastreuses pesanteurs de la démonstration ; mais en faisant prévaloir la sensation sur l’intelligibilité, il a rendu plus difficile encore le travail des amateurs d’herméneutique.
« Comment un homme peut-il captiver le regard des hommes, éveiller l’angoisse et la sympathie, comment peut-il devenir visible ? Badlands de Terrence Malick appartient à ce type d’œuvres qui semble répondre à cette seule question. »
« Terrence Malick nous fait la démonstration que le cinéma peut encore nous redonner le monde à voir, à ressentir, à éprouver. C’est l’événement que représente cette œuvre immense, et qui ne peut que nous amener à vouloir sans cesse retrouver cette sensation du monde que le cinéma, tel qu’il le pratique, est seul en mesure de faire advenir. »