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Fin octobre (quelques jours avant mon anniversaire à vrai dire) Nicole Brenez me propose de produire un petit film pour un grand homme, un film bref, un film comme une chanson d’anniversaire, un cadeau commun.
Bien sûr, je me lance, même si je me demande comment je pourrais faire quelque chose comme ça. Que JLG voit un de mes films, qu’il le trafique et l’utilise est une bénédiction, un immense honneur, mais c’est tout autre chose de lui adresser des images, de faire un petit film pour lui, aussi humble le geste soit-il…
Nicole Brenez m’envoie de nombreux portraits qu’elle aime beaucoup, certains sont des documents historiques, d’autres des images faites par JLG lui-même. Elle m’envoie aussi des documents, des films, des enregistrements. Une somme incroyable de choses pour un mois d’immersion. L’anniversaire est le 3 décembre.
Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai tout de suite eu envie de prendre ma caméra et d’emmener JLG sur un écran en bateau, faire une balade dans le port de Rotterdam (où je vis). J’ai essayé à plusieurs reprises d’exprimer cette intuition. J’avais envie de filmer. Peut-être que je n’imagine pas faire un film sans tournage. Peut-être que j’avais envie de repartir avec ma nouvelle caméra, filmer ce port qui sera le sujet de prochains projets. Je ne sais pas, je ne cherche pas. Je file, je filme. Je trie.
Alors je me suis lancé en cuisine après ce tournage. J’ai essayé, j’ai essayé pas mal de choses pour arriver à cette première chanson d’anniversaire. Nous avons pas mal échangé, et Nicole Brenez m’envoyait images, musiques, extraits en magique historienne qu’elle est.
Et de cette première ébauche, ensemble nous avons taillé et composé la forme pour que je puisse formuler la seconde version, celle que nous allions envoyer à Jean-Luc Godard, avec toute notre admiration et notre affection.
Mon carnet de travail ne sert pas de plan, ce sont des notes prises au fur et à mesure, sans réel ordre. Je ne le relis pas. Je pense, je calcule, je pose des choses qui servent sur le moment. Je dessine de temps en temps, des fois des choses sans importance, des fois une seule annotation est fondamentale. Des fois je pose « le scénario », et j’efface tout sur mon ordinateur…
Seules traces intelligibles de la fabrication de ce film, nos échanges mail avec Nicole Brenez :
« Ton génial “moment des sillages” m’a fait penser à ce texte d’Albert Gleizes que je concentre :
“Un geste de l’artisan et le mouvement dirigé qu’il imprime opère une métamorphose, un changement se produit, la matière brute s’anime par le temps, elle devient formelle. La mémoire artisane vole vers ce qui est en attente. L’artisan n’a pas failli, il est demeuré fidèle à la vie et il a fait de la vie.” »
(Albert Gleizes, « L’arc-en-ciel, clef de l’art roman », décembre 1943)