Hors Champ présente

Portraits canadiens

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Trois classiques oubliés du NFB
16 janvier à 19 h, Cinéma ONF, Montréal.

Les programmes spéciaux de la revue Hors Champ se poursuivent, cette fois-ci en association avec l’Office Nationale du Film. Nous proposons de découvrir ou de revoir, pour une rare occasion sur grand écran, trois œuvres exceptionnelles de l’histoire du programme anglais de l’institution (le National Film Board of Canada). Ces trois documentaires, qui adoptaient l’approche « biographique » avec des personnages singuliers, ont su mettre en images des gens à la fois ordinaires et extraordinaires, dont la ténacité dans l’épreuve les élève à des dimensions mythiques.

Nahanni (1962), Flash William (1978) et The Sword of the Lord (1976), sont des films peu connus au Québec, et bien qu’ils aient marqué la production documentaire au Canada anglais, ils ont en quelque sorte été oubliés dans les archives. C’est pour cette raison, et parce qu’ils se rejoignent dans la démarche, les thèmes et la beauté visuelle, que nous avons voulu les réunir sur l’écran pour une soirée. Les films sont présentés dans leur version originale anglaise.

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La quête

Dans Nahanni, Albert Faille, 73 ans, tente une fois de plus de remonter seul le cours de l’impétueuse rivière Nahanni, pour découvrir son légendaire filon d’or. D’autres avant lui ont trouvé la mort dans cette quête, au pied des falaises, dans le tumulte du courant, dans la splendeur hostile de cette région des Territoires du Nord-Ouest. Le périple dure pendant des semaines et ni les chutes imposantes, ni la solitude, n’ébranlent la détermination d’Albert Faille. Lors des tentatives précédentes, il a dû rebrousser chemin aux premiers signes de l’automne, ou survivre pendant l’hiver, sans atteindre son but. La caméra, discrète, accompagne Faille à bord de sa frêle embarcation, pour capter ses manœuvres dans les rapides, l’éclat de son regard et la démesure du paysage.

Flash William prend place aussi dans l’isolement des régions nordiques, dans un petit village à moitié déserté du nord de l’Alberta. Après la fermeture de la mine de charbon, William « Flash » Shewchuck a entrepris de faire des films. Réalisateur, caméraman, preneur de son, acteur, monteur, projectionniste ; il apprend par lui-même les astuces du cinéma, trouve des acteurs secondaires et s’investit patiemment dans la production de ses westerns. Chargeant quelques sous à l’entrée, il présente ses films aux gens du village et joue de l’harmonica avant la projection. Flash est un « artiste naïf » du cinéma, ses films procèdent de scénarios simples, reprennent les clichés du genre western, et en même temps font preuve d’ingéniosité, d’une grande débrouillardise, et affichent un sens certain du cadrage et une compréhension du montage. Malgré les faibles ressources, les difficultés techniques ou le départ d’une actrice pour la ville, il persévère jusqu’au bout pour compléter ses films.

Finalement, The Sword of the Lord reprend aussi le thème de la détermination, avec un autre personnage fascinant, le skieur Jim Hunter. On l’a surnommé « Jungle » pour son zèle à l’entraînement. Ayant grandi sur une ferme de l’Ouest, où la plaine s’étend à perte de vue, rien ne le destinait à devenir champion sur les sommets du monde. Mais Jungle Jim est inspiré par une profonde foi religieuse, il s’entraîne plus que quiconque, par tous les moyens, même l’été sur la ferme. Une équipe de tournage l’accompagne sur les montagnes d’Europe, alors qu’une nouvelle saison s’amorce pour l’équipe canadienne. Mais les Autrichiens dominent, et bien que Jungle Jim s’en remette aux desseins de Dieu tant pour ses succès que ses échecs, il se préoccupe sans cesse de tous les détails matériels qui pourraient être responsables de ses piètres performances : la marque de ses skis, la cire, le tissus de sa combinaison…

Une approche documentaire

D’emblée, les trois films se distinguent des courants de cinéma-vérité qui se sont développés à l’ONF, autant en français qu’en anglais, et ont inscrit l’institution dans les livres d’histoire. Il s’agit plutôt ici de films « composés », avec une narration écrite en voix off et dénotant à la fois une grande maîtrise classique du langage cinématographique et une inventivité peu commune. Il faut aussi remarquer que les cinéastes ont su respecter le mandat institutionnel de « montrer le Canada aux Canadiens », en filmant des thèmes typiques (le territoire, la persévérance, des gens « ordinaires », des nobles défaites…), mais trouvant des sujets surprenants et réalisant des œuvres accomplies.

La démarche de ces films est aussi fort différente de celle en vogue dans le documentaire d’aujourd’hui, lequel est désormais tourné en vidéo, empruntant alors d’autres voies esthétiques, et est davantage voué à l’exposition d’un sujet, d’un événement, d’un groupe social, ou à la défense d’une cause, plutôt qu’à l’approche d’un personnage.

Enfin, nous regrettons qu’il soit impossible de projeter ces films sur pellicule. Les copies 16mm que nous avons pu trouver, à l’ONF et dans d’autres collections, portent la marque du temps dans la dégradation des couleurs. Néanmoins, la projection en salle de copies betacam SP d’excellente qualité constitue un contexte unique et privilégié pour voir ces œuvres. Ce problème des films qui « tournent au rose » est caractéristique de certaines pellicules Eastman Kodak des années 60 et 70. Il y a du reste manque de ressources et peu d’utilité institutionnelle, à « l’âge du numérique », pour faire tirer de nouvelles copies sur film. Nous ne pouvions non plus réaliser le souhait de présenter des versions sous-titrées en français. Celles-ci n’existent pas, et l’un des films existe en version doublée. Bref, ces précisions visent seulement à dire un mot sur le triste état du support filmique dans notre patrimoine cinématographique, et sur le manque de considération pour l’accès bilingue aux œuvres culturelles importantes.

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Programme :

Nahanni, Donald Wilder, 1962, v.o.a.18 min.

Flash William, de Thom Burstyn et John Laing, 1978, v.o.a.19 min.

The Sword of the Lord, Giles Walker, 1976, v.o.a. 58 min.

16 janvier 2005, 19h, au Cinéma ONF, 1564 rue St-Denis, Montréal, tél. (514) 496-6887 / 5 $ étudiants et aînés – 7 $ adultes

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Ce programme est réalisé grâce au soutien du Conseil des arts de Montréal et à la collaboration de l’Office national du film du Canada.

Hors Champ remercie Danièle Aubin et Tey Cottingham de l’ONF pour leur collaboration, ainsi qu’Albert Ohayon, archiviste de la collection anglaise, pour nous avoir fait découvrir ces films.