ÉPOQUE ACIDULÉE
1967 1
VISA DE CENSURE
Rencontre de l’image et des pulsions psychédéliques colorées de cette époque acidulée… Désir de retrouver le chant des origines, images qui s’inscrivent jusqu’à nous comme un double et qui nous font signe.
À tâtons, à tatoum… dans la chambre noire aux idées multinationales, je frémis et je balbutie. Cinéma du dedans et du dehors, du derrière et du dedans…
Face au miroir magique aux multiples visions, je retrouve le fil de ma mémoire et entrouvre en un instant l’album de famille, de naissance et de mort.
Devant ce déferlement d’impressions multicolores, dessins animés, réanimés par la passion et l’amour de l’Homme à la valise en carton, j’agitais mes énormes ciseaux et taillais et retaillais tel un sculpteur inspiré devant sa première œuvre. Cascades d’images émergées du creuset de l’âge l’instant où tout chavire, salle de montage de bateau ivre… Nouveaux signes inscrits à même la chair de la pellicule.
La jeunesse de ce film (1967) fut les émotions, les événements, les réflexions, le déroulement du temps… Pour le montage, une sélection de scènes sur plusieurs années, comme le vieux vin, fragmentée de nouvelles inventions, de découvertes, de rythmes nouveaux donna à ce premier film toute l’innocence et la joie de redécouvrir intact le mystère du cinématographe.
Nice. 4-4-99
1978
NEW OLD
Chronique de cette fin de siècle… Témoignage de ma vie, forme de journal sur mes activités d’acteur avant et après 1973. Documents sur la création ; le quotidien, suite d’ébauches et de croquis chaotiques qui allaient donner naissance avec le temps à ma première fiction politique À l’ombre de la Canaille bleue.
Mes activités d’acteur me permirent de m’acheter une caméra Beaulieu 16 mm et de commencer cette fabuleuse aventure vivante : FILMER…
C’est ainsi que dans New OLD je faisais pour la première fois intervenir l’écriture sous forme de confession et de journal intime.
Balbutiements, fulgurances, illuminations, intimité révélée qui entrouvre la fente radieuse de la conscience, long serpent multicolore, ruban se frayant un passage à l’appel des signes.
Le feu excise le point de non-retour. Les ailes me sont poussées pour m’envoler, te chercher, te prendre…
Comme les premières projections de Visa de Censure, New OLD fut présenté plusieurs fois en public accompagné par différents groupes de musique, chaque groupe choisissait la partie qu’il préférait.
Toutes ces musiques d’horizons différents donnaient une dimension exacte et un dépassement à ces projections vivantes… que le public secrètement attendait…
cinémathographiquement
Nice. 05-4-99
1985
À L’OMBRE DE LA CANAILLE BLEUE
Ayant réussi à maîtriser la technique et découvert toutes les subtilités de cette caméra géniale, je me lançais caméra à la main dans ma première fiction politique : À l’ombre de la Canaille Bleue, adaptant une nouvelle d’un ami poète tunisien Achmi Gahcem qui correspondait parfaitement au monde dans lequel nous vivions et qui fut mon acteur pour ce film.
Un peu plus d’un an pour le tournage, un peu plus pour le montage… Quant à la sonorisation et le mixage tant d’années ont passé. Film achevé, inachevé, suspendu dans l’air du temps, frappé au cœur par l’image réelle de la transfiguration.
La première projection de la Canaille Bleue eut lieu au musée d’Art moderne de Beaubourg.
Le film fut montré avec une vingtaine de musiciens. Y participaient également les acteurs du film en un vaste happening pour sa sonorisation en direct.
L’effet du direct dépassa mes espérances. Le public se fondit en une rumeur et un chant si puissants, émotionnellement et vocalement, que la sécurité jugea qu’il y avait danger et arrêta la projection. Le public prit parti mais ne partit pas… Et, c’est dans la fièvre d’un certain samedi soir que l’on put continuer heureux la projection… Ce film commencé en 1980 fut terminé en 1988.
Il fut montré un bon nombre de fois en live concerts et, dès qu’il fut sonorisé, passa de nombreuses années dans sa boîte en fer blanc… Il retrouve à nouveau sa liberté en cette fin et début de siècle.
Nice 07-4-99.
1988
SOLEIL
Chant d’amour, chant de mort… Graffiti sur la chaux vive du Cœur…
Soleil est né d’un spectacle théâtral… Il accompagna la mémoire visuelle d’un moribond qui durant trois jours de veillée funéraire revoit certains épisodes de sa vie.
Après avoir joué plusieurs fois avec succès Chronique d’une mort retardée, j’ai trouvé dommage qu’une fois les représentations terminées ce film se retrouve à nouveau sans voix dans la corbeille à papiers du magasin des accessoires. J’ai donc écrit un texte et demandé à mon ami John Livinggood de me composer une musique, ce qui fut fait.
Ce dernier film est celui que je préfère… peut-être le plus abouti…
J’ai laissé ma plume au vestiaire le jour où les mots se sont envolés, le jour où les mots ont perdu leur sens. Dès lors pour certains l’image l’a remplacée.
J’ai toujours aimé avec passion le montage que ce soit sur mon frigidaire ou dans la petite salle de montage que le Musée d’Art Moderne de Beaubourg avait mise à ma disposition.
Quant à l’enregistrement des groupes de musique ainsi que lors du mixage, j’ai toujours eu la sensation que nous étions vraiment au cœur de la création.
Nice 6-4-99.
Notes
- Ce texte avait été rédigé pour et publié dans l’anthologie de textes, parue sous le direction de Nicole Brenez et Christian Lebrat, Jeune, dure et pure. Une histoire du cinéma expérimental en France, Paris, Milan, Cinémathèque française, Mazzotta, 2001. Nous remercions chaleureusement Nicole Brenez qui nous a autorisé à reproduire ce texte dans le cadre de ce dossier spécial. ↩