Peter Greenaway et le « database cinema »
Les dessous de l’avant-gardisme néo-médiatique
Pour ceux qui s’en souviennent peut-être, le réalisateur Peter Greenaway, avec sa proverbiale folie des grandeurs, proposait en 2003 sa version multimédia du gesamtkunstwerk wagnérien sous la forme de l’œuvre The Tulse Luper suitcases. Projet d’art total faisant le grand écart entre cinéma et installations muséales, le cinéaste britannique visait à rendre de manière protéiforme les pérégrinations d’un protagoniste globe-trotter (le Tulse Luper du titre) en y invitant le spectateur à retracer les méandres de son odyssée au moyen d’installations Flash exposant le contenu de quatre-vingt-douze pseudo valises (lesdites «suitcases») que Luper aurait dispersées dans le sillage de ses aventures. Originellement voué à une exploitation web qui privilégiait une contextualisation prolixe des récits du héros-bourlingueur sous la forme d’un journal de bord et auquel le volet cinématographique (constitué de trois long-métrages) n’aurait servi que de faire-valoir, The Tulse (…) se devait de favoriser l’interaction avec un public qui, au début des années 2000, vibrait déjà au rythme du web 2.0.
Aux yeux de bien des observateurs, le génie visionnaire de Peter Greenaway semblait finalement trouver chaussure à son pied en embrassant l’étendue des possibilités offertes par les nouveaux médias. Cela dit, si le caractère novateur de l’entreprise semble difficilement réfutable même après dix ans de recul, nous nous questionnerons ici à savoir si, malgré ses apparences, le projet ne dissimulerait pas en son sein des propriétés plus conservatrices qui pourraient mettre à mal l’unilatéralité d’un avant-gardisme quasi unanimement célébré et expliquer par le fait même son oubli relatif. En effet, mis à part quelques irréductibles, rares sont ceux qui semblent avoir gardé un souvenir impérissable de cette proposition de cinéma certes insolite.
Greenaway et la déliquescence du cinéma : la genèse de Tulse Luper
En 2003, las de la sous-exploitation d’un art cinématographique qu’il juge moribond, Peter Greenaway souhaite embrasser la déferlante des nouveaux médias dont le foisonnement de possibilités devait lui permettre de s’affranchir d’une conception beaucoup plus prudente (lire frileuse) que ses contemporains se font du septième art. Les propos qu’il a accordés à la télévision néerlandaise viennent d’ailleurs confirmer les intentions de Greenaway :
We have a huge project […] It is really encapsulated by the idea that «cinema is dead, long live the cinema», the old-fashioned idea of a narrative «sit in the dark» hollywood-centered cinema is finished, is dead. There is no life in it anymore. […] Cinema has to be non-narrative […] I don’t think the cinema is there to tell stories, that’s what the bookshop does, not the cinema. [Cinema] has to be related to multimedia and it has to be related to interactivy, so you, the viewer, have to have choice in the matter. (l’entretien est accessible [ici-> [url=http://youtu.be/-t-9qxqdVm4 ]]http://youtu.be/-t-9qxqdVm4][/url]) 1
En d’autres termes, le cinéma, contrairement à la croyance populaire, ne devrait donc pas servir des fins narratives, mais proposer des alternatives novatrices à une pratique engoncée dans un modus operandi conservateur qui bride l’expression d’une nature non-narrative.
La boîte-en-valise de Marcel Duchamp
L’œuvre La boîte en valise de Marcel Duchamp permet de mieux appréhender les intentions de Greenaway. Duchamp y propose une miniaturisation de son portfolio inséré dans une valise qui constitue une œuvre confédératrice. On pourrait parler d’une macro-œuvre faite de micro-œuvres ou encore d’un amalgame d’espaces hétéroclites réunis en un seul lieu. Cette fonction « emmagasineuse » (digne d’une base de données) ne va pas sans rappeler, à notre avis, l’un des mandats du concept d’hétérotopie tel que posé par Michel Foucault, soit celui de réconcilier en un seul lieu plusieurs « espaces » hétéroclites a priori irréconciliables : « L’hétérotopie a le pouvoir de juxtaposer en un seul lieu réel plusieurs espaces, plusieurs emplacements qui sont en eux-mêmes incompatibles. » (1984, p. 43). L’hétérotopie appareille en un seul lieu réel plusieurs espaces et/ou emplacements irréconciliables 2 . On retrouve chez Greenaway cette même réconciliation de l’a priori irréconciliable. Le cinéaste nous tend un pot-pourri d’éléments hétéroclites qui coexistent en un seul espace cinématographique que l’on pourrait qualifier d’« espace feuilleté », marque de commerce d’un cinéma à la Greenaway. Calligraphie, images, un amalgame de couches stratifiées d’objets singuliers valsent avec une caméra aux trajectoires plus souvent qu’autrement lancinantes. Le cinéma de Greenaway stocke en un seul espace une quantité d’informations bigarrée; c’est un cinéma de la « base de données », soit un « database cinema » au sens littéral et figuré pour reprendre l’expression de Lev Manovich :
We can think of all the material accumulated during shooting forming a database […] During editing the editor constructs a film narrative out of this database, creating a unique trajectory through the conceptual space of all possible films which could have been constructed. From this perspective, every filmmaker engages with the database-narrative problem in every film, although only a few have done this self-consciously. One exception is Greenaway himself. (1999, p. 290)
Ce faisant, ces deux démarches créatrices métonymisent en partie ce que l’on entend par hétérotopie. Remarquons d’ailleurs que le choix de la valise ne saurait être anodin de la part de Duchamp. La valise réconcilie elle-même deux lieux irréconciliables ; elle est l’objet d’une tension entre sédentarité et nomadisme ; la valise, c’est le chez-soi que l’on transporte ailleurs. Projet polymorphe (un site web, un jeu vidéo, trois films. etc.) The Tulse Luper (…) consolide l’idée d’« espace feuilleté », déjà caractéristique des films de Peter Greenaway, réputés pour leur pluridisciplinarité. En se fiant au volet ponctuel de la définition du concept d’hétérotopie que nous avons soulevé, les films de Greenaway constituent une œuvre éminemment « hétérotopienne » où The Tulse Luper (…) représenterait l’aboutissement d’une réconciliation d’espaces en un seul. Non seulement la dynamique de l’hétérotopie est-elle à l’œuvre dans les films du projet qui émule celle des long-métrages qui lui ont pavé la voie, mais elle est cristallisée dans l’éventail de pratiques que le projet englobe. Si Anthony Purdy, universitaire spécialisé en études littéraires comparées, remarquait cette dynamique hétéropienne essentiellement dans les films (« […] but it is at the level of the film itself that the heterotopia manifests itself most fully, for it is there that all the levels and media intersect and interact »), celle-ci nous semble plutôt trouver sa forme paroxystique dans la qualité confédératrice du projet. (Purdy 2005, s.p.)
Lutter contre l’obsolescence en devenir
Remarquons que la filiation qu’entretient Greenaway avec Duchamp ne saurait se limiter à l’appareillage hétéroclite d’éléments et de pratiques irréconciliables. Il s’agit du lien qui les unit en surface. Une contextualisation de la démarche de Duchamp suffit à en témoigner. La boîte-en-valise ne se limite pas à un pot-pourri d’œuvres miniaturisées. La démarche est plus concrète. Au crépuscule de sa vie, constatant son inéluctable trépas, Duchamp sent la nécessité de mettre de l’eau dans le vin de son avant-gardisme. Là où l’artiste ne faisait naguère de cas et s’enorgueillissait presque de l’incompréhension que suscitait son œuvre (et de la discrimination académique qui s’ensuivait), il sent désormais le besoin d’en assurer la conservation. En créant un musée portatif où ses œuvres se trouvent intégralement rassemblées en miniature, Duchamp parvient à habiliter son portfolio à une conservation future. Faute de pouvoir voir son œuvre adoubée par une intronisation muséale, Duchamp, dans un geste s’inscrivant en faux contre son iconoclasme, décide d’assumer lui-même ce mandat et prend à bras le corps son nouveau rôle de conservateur. Si La Boîte-en-valise « […] address[es] museums’ ever-increasing traffic in reproductions and question the relative importance of the “original” work of art », ce qui constituerait le volet avant-gardiste de l’œuvre, elle répond en filigrane à une logique d’auto-conservation (de « self-conservation ») qui compromet en partie la réflexion novatrice suggérée par le questionnement de l’artiste. (Purdy 2005) Anthony Purdy confirme d’ailleurs notre intuition :The point of [this] venture was to ensure that his newly reconstituted œuvre would be sufficiently appreciated, albeit belatedly, especially since many of his Readymades had initially been seen as one-off jokes […] (Purdy 2005, s.p.)Jared Gardner, professeur en études cinématographiques à l’Université d’Ohio, nous rappelle quant à lui ce qui serait à l’origine des préoccupations de Duchamp : « His growing despair about the future of his work had to do with both growing doubts about the art world and the world in general as he found himself a refugee from the war. » (2008, p. 143) Bien entendu, cette inquiétude, nous rappelle encore Gardner, est toute aussi susceptible de ronger Peter Greenaway qui, malgré son statut privilégié, peine à voir son œuvre distribuée convenablement en format DVD 3 :
Despite being routinely acknowledge as one of the great auteurs of the contemporary cinema, Greenaway certainly has reason to wonder about the future reception of his work. In the digital age only a small percentage of his major works are currently in print on DVD in the USA ; the situation is only moderately better in the United Kingdom. (2008, p. 146)
En ce qui concerne The Tulse Luper suitcases, la dispersion spatiale du projet suggèrerait une dynamique muséale plus éclatée. Si la dimension totalisante du projet cristallise peut-être de manière moins explicite la logique qui nous interpelle, celle-ci nous semble on ne peut plus prégnante dans les films de l’œuvre. Non seulement la forme desdits films semble par endroits émuler une galerie d’art spatialisée, mais les «Luper’s authorities», véritables guides de ce nouvel espace muséal, se chargent de commenter et de rassurer le spectateur sur la potentielle étrangeté d’un objet filmique insolite par le biais d’une narration paternaliste. La filiation avec le travail de Duchamp ne se limite donc pas au rassemblement d’espaces hétéroclites en un seul, mais, de surcroît, à la présence lénifiante des ces instances narratrices à la science infuse ; les films du projet de Greenaway sont un « […] a multi-layered frame with super-imposed narrators and animated exerpts from other films. » (Dragan 2005, sp) Par ailleurs, si la présence des « Luper’s authorities » contribue au rapprochement du travail de Greenaway à la proposition de Duchamp, ce sont justement ces « animated exerpts from other films » qui tissent un réseau complexe de références à l’intégralité des œuvres de Greenaway en une seule qui consolident ce parallèle. Rappelons que le cinéaste britannique référait à The Tulse Luper’s suitcases tel un « apparatus to make a review of all of my work […] » où l’on se devait de retrouver des références à « […] practically everything I’ve ever made » (Gardner 2008, p. 147) Peter Greenaway intègre une quantité d’extraits, de fragments issus de la totalité de son œuvre passée 4 qui permettent de la revoir à l’aune d’une nouvelle perspective. Bien sûr, le fait que ceux-ci soient passés au crible par les « Luper’s authorites » participent aussi à l’effet.
Il semble donc aller sans dire que Greenaway instrumentalise les nouveaux médias pour remanier son œuvre passée, pour en offrir une version remixée qui saurait en renouveler l’expérience auprès des spectateurs. C’est ce lien qui nous semble associer le projet de Greenaway à celui de Duchamp et ce beaucoup plus que la construction respective d’un « espace feuilleté ». À cet effet, Peter Greenaway exploite beaucoup plus la facette conservatrice des nouveaux médias qu’un volet avant-gardiste qu’il semble à peine embrasser : c’est-à-dire qu’il exploite beaucoup moins les nouveaux médias dans une optique novatrice que dans une volonté de démystifier une œuvre passée incomprise question d’en pérenniser l’héritage aux yeux des générations futures. « Greenaway, is in a sense turning to New Media not to leave film behind, but to repack it, redistribute it, make it newly playable for audiences » (Gardner 2008, p. 147) La filiation avec Duchamp est donc encore plus explicite que l’on aurait pu le croire en premier lieu, non seulement les films imitent un espace muséal (et/ou présente un « espace feuilleté »), mais le projet vise à accueillir l’intégralité des œuvres de Peter Greenaway par un réseau complexe de multiples références. Si l’infiltration muséale de Duchamp rationnalise son œuvre, il en va de même de Peter Greenaway dont le travail est toujours marqué par la réflexivité, comme nous le rappelle derechef Anthony Purdy :
Greenaway […] to the annoyance of many film critics, is a tireless collector of and commentator on his own work. Endlessly quoting reprising, and recycling, Greenaway turns film stills and props into gallery exhibits and illustrations for his published filmscripts […] (Purdy 2005, s.p.)
Greenaway marche sur les traces de Duchamp par une approche qui nous semble au diapason de celle du père des Ready-mades.
Duchamp et Greenaway : l’institutionnalisation du non institutionnalisable
En introduisant une forme institutionnalisée (le musée) dans des œuvres qui ne le sont fondamentalement pas aux yeux de l’« intelligentsia muséale », Peter Greenaway et Duchamp réalisent essentiellement deux mandats : d’une part, réalisant qu’ils n’échappent pas à une volonté de perpétuer leur héritage, ils décident d’assurer eux-mêmes la « conservation » de leur œuvre dont ils veillent à l’archivage personnalisé question de pallier l’incompréhension généralisée qu’elle suscite. D’autre part, ce faisant, les deux artistes réhabilitent leurs œuvres aux yeux de l’institution (et du public) en venant témoigner de leur potentialité institutionnalisable ; jadis inclassables, leurs œuvres respectives s’en trouvent rationnalisées. L’institutionnalisation de l’œuvre insérée au sein même de l’œuvre constitue un commentaire qui la verbalise et la domestique. En somme, l’institutionnalisation intra-filmique, en tant que commentaire éclairant et réflexif sur l’œuvre, prend en charge sa propre conservation, et concrétise la possibilité d’une éventuelle institutionnalisation officielle.
Le modèle de la tactique et de la stratégie chez Michel de Certeau
Les théories posées par Michel de Certeau dans son ouvrage L’invention du quotidien, I- Arts de faire facilitent l’illustration d’une dialectique innovation/conservatisme à l’action chez Greenaway et Duchamp. De Certeau revalorise le quotidien en en révélant les potentialités cachées. Il définit la tactique par opposition à la stratégie. En mettant de l’avant cette distinction, le philosophe veut faire comprendre que tout système, si imperméable soit-il en surface, comporte des failles : la tactique étant cette pratique qui capitalise sur les déficiences d’une stratégie (ou système) a priori hégémonique et s’y invente des marges de manœuvre en se les réappropriant ingénieusement. (De Certeau 1980, p. 18) Dans les termes de De Certeau, nous pourrions donc avancer qu’à la stratégie de l’institution muséale hétérotopienne académique (de même qu’à la stratégie hégémonique hollywoodienne) Greenaway vient opposer la tactique d’une institution muséale atypique intégrée à même son film. Ceci dit, l’originalité de l’œuvre de Greenaway (et Duchamp) ne se réduit pas à la simple mise en application des préceptes de De Certeau, mais sinon à leur réappropriation, plus exactement à la logique inversée qu’il en propose. La tactique utilisée par Greenaway a pour singularité d’avoir pour visée ultime l’intégration de la stratégie qu’il détourne : c’est à cet effet que sous les allures visionnaires d’une œuvre « inclassable » se dissimule une œuvre éminemment conservatrice. Greenaway/Duchamp nous propose donc une subversion de l’usage habituel que l’on aurait pu attendre de la dialectique tactique/stratégie. Greenaway fait usage quelque peu perverti de la tactique où cette œuvre visionnaire en recèle une autre qui nous semble éminemment plus conservatrice.
Un rendez-vous manqué avec le cinématographe
Si Peter Greenaway semble à plusieurs égards échouer dans la concrétisation de ses ambitions progressistes, notons que sa volonté (utopique ?) d’affranchir le cinéma d’une « tyrannie narrative » indiquait déjà un désir de restituer au cinéma la quintessence perdue de ses premiers balbutiements. Sous son mandat « révolutionnaire » contemporain, se dissimule donc un esprit « rétrograde », réfractaire au changement, mais qui se devait d’être paradoxalement progressiste (selon Peter Greenaway). Comme l’indique Jared Gardner dans son article Greenaway’s suitcase cinema and new media archaeology, l’émergence d’un cinéma 2.0 serait moins une innovation qu’à proprement parler un retour aux sources du cinéma :
For many film scholars today, […] the emergence of digital filmmaking is ultimately less about the developpment of a radically new (or post-) cinema than it is about the recovery of the lost potential of the earliest cinema, a « pure cinema » which […] was forced « underground » by the rise of narrative after 1907. (2008, p.151)
Ce caractère perdu, c’est bien sûr la composante « base de données » d’un cinéma qui embrasse le réel dans sa complexité à défaut de prétendre l’apprivoiser avec la même présomption que le fera le cinéma classique. De par un montage minimaliste – primitif ou inexistant –, le cinéma des premiers temps favorise un parcours visuel exhaustif à travers les éléments constitutifs d’une image cinématographique (a « mobilized virtual gaze » (Friedberg 1993, p. 89)) que tend à brimer l’univocité du montage, fragmentation prompte à séparer le bon grain de l’ivraie. C’est cette dimension qui amènera certains à affirmer que le cinéma des premiers temps était déjà moderne. Comme nous l’avons vu de toute façon avec l’exemple de Duchamp, cette qualité moderne est sous-exploitée chez Greenaway compte tenu de l’instrumentalisation conservatrice qu’il en fait. Les signes avant-coureurs, qui pouvaient laissez présager ce rendez-vous manqué avec le passé, parsèment d’ailleurs la carrière de Greenaway
Lumière et compagnie (1995) : un court-métrage mélancolique
Remarquons que si Greenaway vise à retrouver l’essence perdue du cinéma des premiers temps, sa complexité stratifiée de l’espace qui explicitait le paradigme des choix du cinéaste (et ce faisant de l’infini complexité du monde), il est jusqu’à un certain point surprenant que lors de la réalisation de son court-métrage pour le projet Lumière et compagnie 5 , celui-ci ne se soit pas étendu outre mesure sur ce potentiel perdu. On peut effectivement s’étonner que Greenaway ne se soit pas adonné à une célébration et/ou à une réhabilitation de la complexité d’un cinéma primitif perverti par le classicisme. Plutôt que d’insister sur une mise en évidence des vertus regrettées du cinéma des premiers temps, Greenaway préfère instrumentaliser la commande qu’on lui a faite pour montrer comment ce cinéma a lui-même succombé à cette déliquescence. Si Greenaway n’affranchit pas à rebours le cinéma des Lumière de sa perversion, il montre toutefois comment celui-ci a été lui aussi contaminé. Il nous présente l’invention des Lumière comme étant elle-même moribonde sous la forme d’un film qui pourrait être interprétée tel un bilan, un constat mélancolique de l’état des choses :
The subject of his contribution to Lumiere et compagnie (1995), far from representing an alternative to this mortal exhaustion, is itself unable to even stand. There is no new life, new energy to be found in the Lumiere brothers’ suitcase apparatus : what there is instead is the mortal body – human and cinema itself and an apparatus that can easily serve for coffin as for a craddle. (Gardner 2008, p. 148)
Plus exactement, Greenaway s’y contentait de présenter sur fond noir l’inertie d’un corps humain pendant cinquante-deux secondes. Par son parti pris minimaliste et contemplatif qui a beau refuser l’esbroufe narrative, Greenaway allégorise la mort du cinéma par la poésie de l’image à défaut de la démontrer par l’absurde 6 . Le cinéaste s’y montre plus défaitiste qu’optimiste : le cinéma y est dépeint comme étant saturé, inerte : depuis que la narration a corrompu la pureté du cinématographe Lumière, il fait du surplace. Par le fait même, Greenaway annonce implicitement une certaine désaffection de sa croisade contre le cinéma narratif. Tel que nous l’avons déjà souligné, si Greenaway embrasse sans ambages la logique de la base de données proposée par les nouveaux médias, il en fait une exploitation autrement moins novatrice que celle qu’il revendique, mais que l’on aurait donc néanmoins pu prédire à l’aune du ton pessimiste de ce court-métrage. C’est à la lumière de ce constat qu’il nous apparaît encore moins surprenant que Greenaway finisse lui-aussi par succomber à un certain réflexe narratif. Même si ce dernier concevait le cinéma tel un piètre instrument narratif, force est de constater que The Tulse Luper suitcases est tout autant tributaire (sinon même plus) d’un héritage narratif contre lequel son volet cinématographique pouvait d’ailleurs difficilement résister (Metz ne nous disait-il pas que cinéma a la « narrativité chevillée au corps » 7 ?) que d’une esthétique « néo-médiatique » de base de données remarquable dans le regard totalisant du cinéma de premiers temps 8 . À ce sujet, si le projet ajoute d’autres cordes à son arc narratif, toutes les entreprises annexes (site web, installations muséales et cie) tiennent de l’épiphénomène vis-à-vis l’attention médiatique dont ont bénéficié les longs-métrages 9 . Ainsi donc, malgré la polyvalence de l’artiste, le nom de Greenaway est inextricablement lié au cinéma dans l’imaginaire collectif : la manière dont l’éclectisme des expertises sollicitées par The Tulse Luper suitcases contribue toutes ultimement à l’élaboration d’un récit (les tribulations de Tulse Luper) ne venant que nous le rappeler de manière éloquente. Dès lors, Greenaway doit non seulement lutter contre une réputation de « conteur » qui le précède (même s’il le fait de manière atypique) mais aussi contre la propension « narrativisante » du médium cinématographique. L’itinéraire des pérégrinations de Tulse Luper, aussi éclatée sa forme soit-elle, n’en demeure pas moins une entreprise narrative qui allégorise d’ailleurs un autre récit peut-être encore plus éclatée : l’histoire du XXe siècle. Sans ce volet plus narratif, il nous semble aller sans dire que l’objet néo-médiatique de Peter Greenaway perdrait toute intelligibilité et verserait dans la mosaïque confuse.
Le projet de Peter Greenaway témoigne ici de ses limites, mais remarquons qu’il n’y a peut-être là rien de si surprenant. Tout comme le constat défaitiste du projet Lumière et Compagnie, les films les plus classiquement narratifs de Peter Greenaway (tous tournés dans les années quatre-vingt) annonçaient ce retournement de veste. « Over and again, these films of the 1980s tell the story of the inevitable failures of all non-narrative systems to win out over the narratives of others », nous rappelle Gardner. (2008, p. 150) En représentant les inéluctables échecs de toute alternative narrative à triompher de la rationalité du monde – et, par extension, de la narration – ces films corroborent notre intuition : Drowning by numbers (1988) présente les tentatives infructueuses d’un coroner d’imposer des méthodes de travail plus « ludiques » et Zed and Two naughts (1985) voit des scientifiques sombrer dans la folie lorsqu’ils mettent en application une nouvelle approche d’étude de la décomposition du corps humain. A posteriori, ces insuccès des personnages à trouver des alternatives viables au triomphe du cartésianisme ne fait téléologiquement qu’annoncer l’inexorable échec de l’entreprise même du cinéaste. Plus que jamais, les projets ayant précédé The Tulse Luper suitcases paraissent anticiper l’usage somme toute conservateur que Greenaway allait finalement faire des possibilités que lui tendaient les nouveaux médias. Peter Greenaway est doublement régressif. D’une part, au sens figuré, par la manière dont il opère un « voyage dans le temps » et, d’autre part, au sens propre, en escamotant une exploitation progressive des possibilités offertes par la stratification de l’espace propre au cinéma des premiers temps, une esthétique « proto base de données » d’ailleurs trop souvent péjorativement qualifiée de cinéma primitif.
Le paradigme cinématographique explicité
Notons que l’avènement des nouveaux médias est en soi souvent perçu à tort comme une révolution. Ce malentendu généralisé quant à leur réelle portée excuse peut-être en partie la mégalomanie de Greenaway et la surestimation qu’il semble avoir accordée à leur potentiel. À ce sujet, le philosophe Jean-Marie Schaeffer exprime dans son ouvrage Pourquoi la fiction ? certains dessous dudit malentendu. De son avis, si la plupart des observateurs s’entendait pour dire que l’avènement des nouveaux médias allait faire entrer l’humanité dans une ère nouvelle, cette « révolution » n’en aurait pas moins engendré dans son sillage deux idéologies aux antipodes : d’une part, celle de ceux qui l’ont embrassé au point d’en faire une apologie aveugle et « euphorique » et qui y ont vu « […] la naissance d’une nouvelle modalité d’être, la réalité virtuelle» (tel Greenaway) et, d’autre part, celle des tenants d’une vision « dysphorique » qui y voient un imminent triomphe des simulacres sur le réel où réalité et fiction se retrouveraient imbriquées. L’ère numérique a donc ses adeptes et ses détracteurs ou, pour reprendre les propos de l’auteur, ses « chantres » et ses « Cassandres ». (1999, p.7) Bien sûr, Schaeffer trouve la polarisation du débat complètement infondée.
Attardons-nous donc plus exactement à ceux qui embrassent les vertus de cette nouvelle ère, club auquel appartient évidemment Greenaway. En considérant les arguments de Schaeffer, ce que nous proposent ces adeptes serait en fait une vision utopique d’une réalité de surcroît difficilement envisageable. L’idée revendiquée selon laquelle la révolution numérique coïnciderait avec l’avènement d’une nouvelle forme d’imaginaire humain (la réalité virtuelle) tient de la méprise : il n’y aurait en fait pas de réelle distinction à opérer entre la fiction traditionnelle (le cinéma hollywoodien contre lequel se débat Greenaway) et celle entraînée par cette révolution (modèle fictionnel dont The Tulse Luper suitcases devait être l’exemple). Pour Schaeffer, la virtualisation n’est aucunement l’apanage de cette nouvelle pseudo « réalité virtuelle » et précèderait même l’avènement de la révolution numérique. Cet argument rend donc caduque aussi bien le discours eschatologique qu’apologétique sur les nouveaux médias : la virtualisation ne peut être opposée à la réalité, mais à l’actuel. La problématisation de Schaeffer vient mettre en exergue le profond malentendu auquel souscrivent les détracteurs et les partisans de l’ère numérique qui mettent sur un pied d’égalité fiction et réalité, pourfendant ou célébrant la virtualisation comme si elle était assimilable à une fiction.
[…] la révolution numérique n’a strictement rien à voir avec une quelconque victoire des simulacres sur la réalité ou sur la représentation véridique. Les techniques numériques donnent certes naissance à des « réalité virtuelles », mais la «virtualisation» du monde n’est pas la même chose que sa fictionnalisation : le virtuel comme tel s’oppose à l’actuel et non pas à la réalité. (1999, p.11)
Schaeffer pose l’hypothèse selon laquelle la révolution numérique a donc des implications sur la fiction qui sont à relativiser : moins qu’une révolution au sens propre, elle nous offre des formes alternatives de « fabriquer et de consommer des fictions » (1999, p. 10). Cette théorie de pseudo réalité virtuelle à laquelle souscrit Greenaway ne serait en fait autre chose qu’une fiction numérisée, une nouvelle façon de raconter qui n’a pas virtualisé une fiction déjà virtuelle. L’ère numérique, malgré la révolution technologique qu’elle présente en surface, nous en dit en fait beaucoup plus long sur un débat sur les enjeux fictionnels qui remonte à des temps immémoriaux. Or, sous les accusations extrémistes des tenants d’une vision « dysphorique » et/ou « euphorique » se dissimulent les arguments de ceux qui louent et/ou stigmatisent la fiction depuis la nuit des temps. Cette manière qu’a Schaeffer de relativiser la portée de la révolution numérique fait bien sûr écho au retour au cinéma des premiers temps impliqué au-delà des prétentions novatrices du « database cinema », mais, qui plus est, elle rejoint les propos de Lev Manovich qui, dans son célébrissime article Database as a symbolic form 10 , relativisait lui-même les attentes démesurées de certains quant à l’avènement des nouveaux médias. Si Manovich avance certes que les « objets » engendrés par les nouveaux médias n’ont plus pour visée prioritaire de raconter, et qu’ils obéissent plutôt à une logique d’accumulation, soit une logique de « base de données » (constat plus ou moins valable en ce qui a trait à l’entreprise de Greenaway), la manière dont il dépeint l’inversion hiérarchique de la narration classique que proposent ces mêmes nouveaux médias nous semble représenter l’une des seules innovations de ce cinéma à l’espace feuilleté. (1999, p. 83)
Qu’entend-on par inversion hiérarchique ? La narration classique est un agencement syntagmatique (explicite) d’éléments hétérogènes puisés dans une base données paradigmatique (implicite) dont la partie submergée de l’iceberg n’est donc que suggérée par un choix d’éléments qui s’est fait au sacrifice d’une pléthore d’autres (par exemple un décor X à la place d’un décor Z). Les relations syntagmatiques opèrent in praesentia, les relations paradigmatiques, quant à elles, in absentia. Rien de nouveau sous le soleil jusqu’ici. Mais le propre du surgissement des nouveaux médias tient justement d’avoir pu inverser cette tendance. Plus exactement, les nouveaux médias mettent à l’avant plan le paradigme de la base de données (leur dénominateur commun) qui prend forme là où le syntagme de la narration (traditionnellement matérialisée) se retrouve dématérialisé. La singularité d’un objet néo-médiatique consiste à privilégier la mise en évidence du paradigme au détriment du syntagme. En effet, on assiste à l’inversion de la hiérarchisation des deux paramètres de même qu’à celle de leurs qualités respectives : le paradigme se matérialise, le syntagme de la narration se virtualise. Dans une sphère d’ordre plus exclusivement cinématographique, à la lumière de ces informations, il apparaît on ne peut plus claire que la seule singularité d’un « database cinema » tient de ce qu’il permet d’expliciter les limites dissimulées (soit le paradigme) par le cinéma traditionnel sans toutefois réellement s’affranchir de la narration : « Database cinema is only different from narrative cinema insofar as it foregrounds the losses and limits traditional cinema would obscure », confirme d’ailleurs Gardner qui cite abondamment Manovich. (2008, p. 153) Le seul mérite d’une narration cinématographique néo-médiatique à la Greenaway est d’avoir simplement su mêler les cartes, soit d’avoir rendu manifeste un paradigme qui était jadis confiné à l’implicite par le règne de la narration classique ; cette inversion déstabilisante au premier abord n’a donc au fil d’arrivée rien de si grandiose et son apprivoisement (imminent ?) ne fera qu’en témoigner. Même si Greenaway s’insurge contre le caractère contraignant de la pratique cinématographique dominante (et ce qu’il appelle ses quatre tyrannies : histoire, cadrage, acteur et caméra), la manière dont il embrasse les nouveaux médias n’a donc rien de réellement émancipateur. Croyant s’affranchir du carcan de la narrativité, Greenaway se soumet à une servitude néo-médiatique dont le volet narratif est dissimulée par la luxuriance paradigmatique de son projet.
For even if Greenaway has been railing against cinema’s four tyrannies – story frame, actor and camera – he does not share with many of his followers the faith that new media will set us free [en pratique]. But he returns, again and again, to cinema and to narrative, never expressing any overwhelming desire to be free. (Gardner 2008, p.149)
Greenaway ne pratiquerait donc pas totalement ce qu’il prêche. Comme son personnage alter ego Tulse Luper, Greenaway a fait de la condition de prisonnier un art de vivre. Si la dimension « base de données » du cinéma qui vibre au rythme des nouveaux médias devrait libérer le cinéma de l’hégémonie narrative, au bout du compte, il en va tout autrement, la base de données flirte avec la narrativité et se limite à la mise en perspective d’un paradigme cinématographique généralement camouflé. Comme le souligne Heidi Peeters, chercheuse à l’Université catholique de Louvain : « Instead of a prophet of new media liberation, therefore, we might reconceive Greenaway as closer to Jane Eyre, pleading to be released into a new servitude » (Peeters 2005, s.p.)
Un « cinéma valise »
Le motif de la valise semble à lui seul condenser toute l’ambivalence et les paradoxes que l’on serait tenter d’associer au projet de Greenaway. Comme nous l’avons d’ailleurs déjà souligné, la valise revêt un caractère profondément ambivalent, à cheval entre sédentarité et nomadisme. Ceci dit, la valise ne se limite à pas cette dichotomie et renvoie aussi bien à l’ambiguïté (et/ou ambivalence) du rôle qu’elle vient jouer dans la quête du protagoniste. Si la valise y cristallise encore une tension entre le surplace et la fuite, elle devient un motif aussi bien synonyme de bonne que de mauvaise fortune. Par exemple, cette dualité est on ne peut plus manifeste dans le contexte historique de l’Holocauste, épisode historique maintes fois évoqué dans le parcours de Tulse Luper :
The suitcases come to represent the missed chances, the road not taken […] as well as the ties that bind the sedentarity bourgeois to home, family and material possessions, rendering him in the process a rich and easy prey to the new barbarian [nazis]. (Purdy 2005, s.p.)
La valise, aussi compacte soit-elle, encombre et freine la progression du personnage de même qu’elle est la source de la convoitise matérialiste des SS et des autres ennemis de Luper. Si la valise permet de stocker des vivres qui assurent la subsistance du héros de même que d’imposer des atermoiements à des ennemis qui s’affaireront à la tâche herculéenne de la retranscription des écrits qu’elle recèle (tâche à laquelle ils affecteront une armada de secrétaires), elle peut, à l’opposé, aussi bien mener à la perte de son propriétaire.
While one suitcase can make a fitting symbol of flight or of nomadism, the sheer concentration implied by […] suitcases points in the opposite direction to a life weighed down by possessions and the bourgeois attachment to home. (Purdy 2005, s.p.)
Le projet de Greenaway nous semble bien sûr à l’image de ce motif. Une œuvre à la charnière entre le désir d’innover et le besoin incœrcible de conforter les certitudes bourgeoises de la narration. The Tulse Luper suitcases est un no man’s land entre la « sédentarité » du statu quo de son agenda plus conservateur et le « nomadisme » de son avant-gardisme :
As a symbol, […], the suitcase is double-edged, ambivalent in the extreme : on one hand, it evokes travel, displacement, emigration, exile and transience ; on the other, it is […] a reminder of belonging and stability, the world of things we collect around us, the promise of continuity in the midst of change. (Garder 2008, p. 150)
Chez Greenaway (et/ou Duchamp), au-delà des apparences, il y a donc une tension manifeste entre innovation et conservatisme : les surfaces novatrices de l’entreprise créatrice sous-tendent un conservatisme latent qui remettent en question l’avant-gardisme que certains associent à leurs démarches respectives. Cet agenda plus conservateur est principalement attribuable en un premier temps à ce que l’on pourrait baptiser le conservatisme de la conservation. Sans se montrer réactionnaire à la manière d’un Sokourov qui, malgré la virtuosité d’un plan-séquence fleuve, passait sous silence le pan révolutionnaire de l’histoire de son pays dans L’Arche Russe (2002), la dynamique invertie de la tactique chez Greenaway ternit une œuvre plastiquement visionnaire qui ne va pas sans rappeler à certains égards cette crypto célébration du tsarisme. La fin ne semble pas toujours à la hauteur des moyens. The Tulse Luper suitcases nous semble, à quelques réussites près, s’inscrire dans cette lignée.
L’épithète « révolutionnaire » nous semble difficilement attribuable au projet multidisciplinaire de Greenaway où le cinéaste ne parvient pas à mettre en application un désir pourtant bien réel de faire tabula rasa du passé ou de jeter de nouvelles bases à la pratique cinématographique. Tout au plus, Greenaway vient insuffler du renouveau à un médium en perte de vitesse sans pour autant le réinventer. Pour reprendre les propos de Karine Bouchy, sémiologue, le metteur en scène n’« […] abolit pas toutes les manières classiques de faire du cinéma, mais [vient] plutôt les déranger, les remodeler afin de donner […] un nouveau souffle au septième art ». D’ailleurs, le principal intéressé déclarera lui-même : « I don’t believe that one has to tear down the cinema screen in order to renew cinema. But new input and new energy is lacking ». Le paradoxe de ces propos émis à peine deux ans avant la mise sur pied de The Tulse Luper suitcases nous paraît on ne plus surprenant. Car si bien Greenaway défendra par la suite bec et ongle la qualité révolutionnaire du projet, cette déclaration antérieure ne peut que porter atteinte à l’autocongratulation d’un génie visionnaire dont on pourrait l’accuser de s’être enorgueilli prématurément. Si le projet présente ses qualités, rien ne nous permet pour autant d’affirmer que Greenaway parvienne à se départir de l’héritage narratif si virulemment décrié. Pour paraphraser Bouchy, Greenaway n’évacue pas la narration, mais sinon il l’affecte. Ainsi, il serait présomptueux de prétendre que The Tulse Luper (…) ait expurgé la narration du cinéma : l’œuvre de Greenaway n’est pas dysnarrative ou anti-narrative, elle est tout simplement, croyons-nous, alter-narrative.
Notes
- Aucune source de cet entretien n’est fournie par YouTube, sinon que la vidéo a été mise en ligne le 29 juin 2007. Une recherche sur Internet nous permet toutefois d’avancer que l’entrevue fut accordée à la télévision néerlandaise, probablement en marge du premier festival STRP, qui a eu lieu à Eindhoven en 2006. ↩
- Bien sûr, l’hétérotopie telle que définie par Foucault recouvre un mandat beaucoup plus large ; plus exactement, elle renvoie à des « espaces autres » qui agissent tels des « contre-emplacements », des « sortes d’utopies effectivement réalisées dans lesquelles (…) tous les autres emplacements réels que l’on peut trouver à l’intérieur de la culture sont à la fois représentés, contestés et inversés (…) » (1984, p. 44) ↩
- La difficulté que nous avons eu à mettre la main sur les films du projet Tulse Luper (…) témoigne d’ailleurs de cette réalité. ↩
- Luper est lui-même un personnage s’étant manifesté au préalable dans les films de Greenaway. ↩
- Projet mis sur pied par le Festival de Cannes en 1995 pour souligner les cent ans du cinéma et qui demandait à des cinéastes de renom de tourner un court-métrage avec le cinématographe Lumière. ↩
- Par exemple à travers une narration concrète qui pourrait tout autant l’illustrer avec moins de finesse. ↩
- « Il fallait que le cinéma fut bien bon raconteur, qu’il eût la narrativité bien chevillée au corps, pour que les choses en soient venues si vite, et soient restées depuis, là où nous les voyons: c’est un trait vraiment frappant et singulier que cet envahissement absolu du cinéma par la fiction romanesque, alors que le film aurait tant d’autres emplois possibles, qui sont à peine exploités dans une société pourtant à l’affût de toute technographie nouvelle. » (Metz 1968, p. 52) ↩
- À ce sujet, remarquons que si le cinéma des premiers temps présentait certes un regard totalisant qui pourrait constituer quelque chose de l’ordre d’une proto base de données, il n’en présentait pas moins toujours un volet narratif prééminent. ↩
- Notons d’ailleurs que le premier film The Moab Story fut présenté en grandes pompes au Festival de Cannes en 2003. ↩
- Soulignons d’ailleurs que l’article fut publié durant la même année que l’ouvrage de Schaeffer. ↩