CECI N’EST PAS UNE RÉTROSPECTIVE
Ce texte fut publié à l’occasion de la “non-rétrospective” consacrée à Chris Marker à la Cinémathèque québécoise à l’automne 2004.
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Ce cycle de films ne saurait être une rétrospective. Une rétrospective, nous signale Marker, est une façon, gentille, de vous dire que vous avez déjà fait votre temps. En 1963, Roger Tailleur disait de Chris Marker, qui réalisait des films depuis 10 ans : « C’est simple, Chris Marker est un écrivain chasseur d’images, un voyageur méditatif, un citoyen du monde qui s’exprime en français, un humaniste membre de la SPCA, un documentariste musical, un idéaliste dialectique 1 . » 40 ans après, nous pouvons ajouter qu’il est aussi un vidéaste ironique, un bricoleur technologique, un navigateur du web et un rédacteur de blogs cinglants. À 69 ans il a réalisé un vidéoclip musical ; à 74 ans, il a monté une installation vidéo ; à 76, il a terminé un cd-rom …
Marker et son œuvre échappent aux catalogages et aux efforts de classification. Cette sélection de films et de vidéo nous permet néanmoins d’ébaucher une liste des caractéristiques de son œuvre, une liste des obsessions qui ont nourri son regard et animé son discours, une « liste des choses qui lui ont fait battre le cœur ». Il y aura des films épistolaires, écrits depuis les terres qui ont passionné ce voyageur-écrivain à la caméra (Si j’avais quatre dromadaires, Junkopia, Sans soleil, Berliner ballade); des collages photographiques en mouvement (La jetée, Souvenir d’un avenir); des portraits d’amis (La solitude du chanteur de fond, Le tombeau d’Alexandre, Une journée d’Andreï Arsenevitch) ; une encyclopédie audiovisuelle (L’héritage de la chouette) ; un canular (L’ambassade) et un récit d’anticipation (2084) ; des essais sur l’état du monde (Les statues meurent aussi, Le joli mai, Loin du Viêt-nam, Le fond de l’air est rouge) ; des mémoriaux de guerre (Level five, Casque bleu) et un lieu de parole pour les résistants de divers lieux et moments de l’histoire de notre siècle (À bientôt, j’espère, La sixième face du Pentagone, Les 20 heures dans les camps).
Si ses films sont souvent politiques, ils ne sont jamais didactiques: Marker, grand monteur de paroles et d’images, se livre à une pratique (tourner des plans, écrire des textes, trouver des fragments de pellicule, assembler et faire s’entrechoquer une image avec une autre, une image avec un commentaire) où il connaît par expérience ce qu’il nous mont®e. Son cinéma est fondé sur l’expérience vécue : multiforme, dictée par les choix de sa personnalité, ses intérêts et ses sentiments. C’est cette expérience qu’il cherche à transformer en film. Et c’est éventuellement à ce niveau-là que nous pouvons apprendre, comprendre avec lui le trauma des guerres, la crise algérienne, vue depuis Paris, la guerre du Viêt-nam, depuis Washington, les batailles oubliées de la Deuxième guerre mondiale, les révolutions qui ont traversé le monde des années 60 et 70, les revendications des ouvriers en 68, le désarroi des Casques bleus en ex-Yougoslavie, mais aussi les impasses d’un cinéaste qui ne sait plus quoi filmer (Sans soleil) et celles d’un autre qui ne peut pas filmer ce qu’il sait (Le tombeau d’Alexandre).
Ces morceaux disparates d’un siècle, le XXe, filtrés par une personnalité fuyante, « ces images ramassées aux quatre coins du monde […], [dont] l’accumulation représente une espèce de château rêvé, un monde différent de celui-ci, sans doute meilleur, et pourtant extrait de lui 2 », nous attendent.
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Programmation :
6 octobre – 20 h 30, salle Claude-Jutra
Les statues meurent aussi
Alain Resnais et Chris Marker, Fr., 1950, 28 min, s.-t. a.
suivi de
La Jetée
Chris Marker, Fr., 1963, 28 min, s. t.- a.
suivi deSi j’avais quatre dromadaires
Chris Marker, Fr., 1966, 51 min
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8 octobre – 20 h 30, salle Claude-Jutra
Le Joli mai
Chris Marker, Fr., 1963, 110 min
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9 octobre – 17 h, salle Claude-Jutra
À bientôt, j’espère
Chris Marker et Mario Marret, Fr., 1967, 43 min
suivi deLa Sixième Face du Pentagone
Chris Marker et François Reichenbach, Fr., 1968, 26 min
9 octobre – 19 h, salle Claude-Jutra
Loin du Viêt-nam
Chris Marker, Agnès Varda, William Klein, Joris Ivens, Claude Lelouch, Alain Resnais, Jean-Luc Godard, Fr., 1967, 120 min
9 octobre – 21 h, salle Claude-Jutra
Le Fond de l’air est rouge
Chris Marker, Fr., 1977, 240 min
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13 octobre – 19 h, salle Fernand-Seguin
L’ Héritage de la chouette (épisodes 1-4)
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14 octobre – 19 h, salle Fernand-Seguin
L’ Ambassade
Chris Marker, Fr., 1973, 20 min
suivi deBerliner ballade
Chris Marker, Fr., 1990, 29 min
suivi deLes 20 heures dans les camps
Chris Marker, Fr., 1994, 27 min
suivi deCasque bleu
Chris Marker, Fr., 1995, 28 min
14 octobre – 20 h 30, salle Claude-Jutra
Junkopia
Chris Marker, Fr., 1981, 6 min
suivi de2084
Chris Marker, Fr., 1984, 10 min
suivi deLa Solitude du chanteur de fond
Chris Marker, Fr., 1974, 60 min
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15 octobre – 19 h, salle Fernand-SeguinLe Tombeau d’Alexandre
Chris Marker, Fr., 1993, 120 min
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16 octobre – 17 h, salle Claude-Jutra
Sans soleil
Chris Marker, Fr., 1983, 100 min
16 octobre – 21 h, salle Claude-Jutra
A. K.
Chris Marker, Fr.-Jap., 1985, 71 min
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21 octobre – 19 h, salle Fernand-Seguin
L’ Héritage de la chouette (épisodes 5 – 8)
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22 octobre – 19 h, salle Fernand-Seguin
Une journée d’Andreï Arsenevitch
Chris Marker, Fr., 2000, 55 min
suivi deLe Souvenir d’un avenir
Yannick Bellon et Chris Marker, Fr., 2001, 42 min
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27 octobre – 19 h, salle Fernand-Seguin
L’ Héritage de la chouette (épisodes 9-13)
27 octobre – 20 h 30, salle Claude-Jutra
Level Five
Chris Marker, Fr., 1996, 106 min
Pour plus d’informations, visitez le site de la Cinémathèque québécoise.