Baise-moi
“Si ce n’était pas pour Dionysos qu’ils font la procession et chantent l’hymne du phallus, ce seraient des actions de la dernière impudence. C’est un seul et même être que Hadès et Dionysos, pour qui ils délirent et font les bacchants.“- Héraclite Fragment 15
Il est assez troublant de comparer Le Fabuleux destin d’Amélie Poulain et Baise-moi. Dans le premier, des personnages inexistants, dépouillés de toute humanité, une esthétique publicitaire ripolinée liftant toute merde. Dans le second, des caricatures d’humains se vautrant dans leur pathos, un décorum morbide et trash, en rajoutant dans le sexe et le sang jusqu’à l’étalage de boucherie et de viandes froides. On a donc l’impression que les travers de l’un sont indexés sur les travers de l’autre, les deux films réunissant et cristallisant deux tendances du paysage cinématographique français, (le distrayant-évasif et le drame du matelas) en une photo dont l’un serait le positif et l’autre le négatif, mimétiquement liés par leurs tendances radicalement et inversement symétriques, deux positionnements face au réel et à sa déception.
Autant le dire tout de suite, le scénario est écrit sur un confetti troué et on a l’impression très souvent que c’est un singe schizophrène qui est derrière la caméra, recette du cocktail explosif du politiquement correct : sang + sexe + viol + drogue + flingues. L’histoire est celle de Manu (Raffaëla Anderson) qui, après avoir été violée, rencontre Nadine (Karen Bach). La première vient de tuer son co-locataire et la seconde d’étrangler sa co-locatrice (en montage parallèle s’il vous plaît), qui lui reprochait d’épuiser les réserves d’alcool et de cannabis. Elles choisissent de tuer pour vivre et vont dégommer tous (ou presque) les mâles lubriques qu’elles trouvent sur leur chemin, à croire qu’elles ont trop écouté le mot d’ordre des surréalistes qui était de descendre dans la rue et de tirer dans la foule, au hasard…
Il faut bien comprendre qu’un film comme Baise-moi n’est pas né du jour au lendemain mais qu’il est le fruit complexe de plusieurs tendances qui ont travaillé la société depuis plusieurs dizaines d’années. Il serait trop long de rentrer dans les détails à ce sujet mais tentons néanmoins de comprendre succinctement les différents enjeux du film et ce qu’on y voit. Depuis quelques temps, des films revendiqués auteuristes montrent des scènes “explicites” d’actes sexuels. Ce qui était prévisible après mai 68 et de ce qui l’a précédé au début du XXe siècle avec l’avènement de ce qu’on a appelé le “modernisme” qui revendiquait révolution politique et propagande hédoniste, est arrivé. L’Empire des sens d’Oshima en 1974 ne créa pas d’embellie et n’eut pas de réel suiveur. Pourtant, il ne faut pas être étonné que cela ne soit pas arrivé plus tôt car il fallait une autre situation sociale, économique et politique que l’on a atteint aujourd’hui. On peut dire qu’on assiste à la lente tombée du masque de ce mythe “moderniste” au lendemain de la fête, et pour réaliser que celle que l’on a prise pour Cendrillon la veille au soir n’est qu’une prostituée qui nous tend la main pour recevoir son aumône. Ou encore, ce qu’on constate toujours en quelque sorte, c’est la traduction brutale dans la réalité des idéaux dépouillés de leurs illusions : mythe de la révolution politique et de la propagande hédoniste d’une part et mondialisation consumériste et instrumentalisation des corps en marchandises d’autre part ne font qu’un. De cela, on n’a pas encore vraiment pris acte.
Comme ce mythe individualiste prétend toujours idéalement que le monde devrait être comme ceci ou comme cela, monde idéal toujours remis au lendemain, il se réalise concrètement aujourd’hui avec l’apparition d’un consumérisme effréné à tous les niveaux, conséquence d’un repli stratégique sur la sphère du moi, du vécu, de l’hédonisme-narcissisme, du dionysiaque, dernier refuge avant la prochaine cuisante défaite dont on ne sait pas encore ce qu’elle va accoucher. Il fallait une libéralisation plus grande des mœurs et des désirs que ce qui était permis auparavant. “Culturellement” parlant, on assiste à la mode de la confession égotiste avec d’un côté la propagande du sexuellement permissif et libérateur (récupérée par le discours publicitaire, tendance hippie ayant virée costume cravate) et de l’autre, avec son versant révolté, dépressif et revanchard, ici décliné en version trash-nihilisme dans Baise-moi.
Le dogme hédoniste véhicule notamment l’idéologie que la sexualité serait le passage unique et obligé de la libération de l’individu, confondant au passage libération sexuelle et sexualité épanouie, et que cette dernière serait quelque part prisonnière et enfermée dans un hypothétique donjon dont il faudrait l’en libérer pour vivre ensuite dans le bien absolu, volonté exhibée de s’affranchir de tout tabou et qui ne s’avère être qu’un préjugé supplémentaire. Piètre prière inversée sur l’autel hédoniste : “Donnez-nous notre père notre sperme quotidien !”. Ce mythe induit en fait que la sexualité est un obstacle qu’il faut laminer, réduire et banaliser à une chose aussi futile que de se curer le nez, ce qui n’aboutit qu’à le rendre consommable puisque vidée de sa complexité, de son trouble, de son ambiguïté : or, la sexualité humaine n’ira jamais de soi. Le “Il est interdit d’interdire” trouve une renversante fétichisation dans l’ordre marchandionisiaque : “Désirez ce que vous voulez, nous sommes là pour produire et vendre.” Deux tendances qui voudraient s’exclure mais qui ne font que marcher main dans la main comme un vieux couple qui irait dans un hôtel miteux pour faire leur 5 à 7 en cachette. Une stratégie centrée sur l’individu, sur son désir jusqu’au-boutiste. Loin d’être une quelconque libération et une prise de conscience de soi, ce slogan atomise la société, pousse les individus dans un repli narcissique et autarcique qui ne peut que déboucher sur plus de violence comme l’a bien compris le film de Michæl Haneke 71 fragments d’une chronologie du hasard. A la société moderne politique et cœrcitive d’avant a succédé la société post-moderne, permissive, ludique et narcissique. Il ne serait pas étonnant dans cette logique que la pédophilie, le viol, l’inceste voient leurs frontières être remise en cause dans les prochaines années.
Alberto Manguel écrit très justement dans La forêt du miroir (Actes Sud 2000) : “Pour être pornographique, l’érotique doit être amputé de son contexte et adhérer aux strictes définitions cliniques de ce qui est interdit. La pornographie doit respecter fidèlement la normalité officielle afin d’y contrevenir dans le seul but de provoquer une excitation immédiate. La pornographie ne peut exister en dehors de cette loi. (…) La littérature érotique est subversive ; pas la pornographie. Car la pornographie est réactionnaire, opposée au changement.”. “Aussi dans un roman pornographique, dit Nabokov dans sa postface de Lolita, l’action doit être limitée à une copulation de poncifs. Style, construction, imagerie, rien ne doit distraire le lecteur de sa fade concupiscence”. La pornographie applique les conventions de toute littérature dogmatique – tracts religieux, rhétorique politique, publicité. Pour fonctionner, la littérature doit établir des conventions nouvelles, prêter un sens nouveau aux mots de la société qui la condamne et communiquer à ses lecteurs un savoir qui, par sa nature même, doit demeurer intime. Cette exploration du monde à partir d’un lieu central et totalement privé confère à la littérature érotique son formidable pouvoir.”.
Pornographique, Baise-moi l’est. Visuellement, aucune contestation possible. Ce n’est pas un vague plan mais plusieurs scènes (Nadine avec un type au début, puis deux autres avec Nadine et Manu avec des hommes de passage) sans oublier celles auxquelles se rajoute de la violence (le viol et la partouze finale notamment). Que certains disent que le film ne peut pas être classé x, c’est effectivement la ruse que de jouer de signes contradictoires, permettant de les annuler et d’échapper à toute classification. Ruse accentuée par le fait que les scènes de coït sont plus rapides, lapidaires que dans le cinéma pornographique. Il y a du porno mais il y a un propos ; il y a un propos mais il y a du porno. Ambiguïté d’une esthétique qui veut jouer à la fois sur la fonction critique (assez vomitive) et la fascination (idem dans la scène du viol). Plutôt un cinéma pornographique au sens large du terme avec un vernis intellectuel. Sur ce point, Baise-moi est d’un conformisme artistique affligeant. Nullement subversif en tous cas.
Le film joue donc du recours à un jamais-vu-toujours-plus, avec en guest star pour la première fois à l’écran dans le cinéma d’auteur : Prosper allant au cirque. Quelle innovation que de voir ce que ce que tout le monde a vu ou verra, c’est-à-dire un coït et que chacun peut contempler chaque premier samedi du mois sur Canal + ! Or, il n’y a pas de mise en scène d’un coït. Si la fiction traditionnelle ne montrait pas un coït, ce n’était pas par puritanisme, c’était tout simplement que cela n’avait aucun intérêt en plus d’être d’une banalité visuelle affligeante étant donné que le cinéma, par son effet de réel naturel, avait autre chose à suggérer et à montrer comme le rappelle Manguel. Ici, plus rien de cela. Ce cinéma nous met tout sous les yeux, et le chic du choc est d’y rajouter la violence. On se demande encore (on se gratte vraiment la tête) où se trouve l’audace ? On a donc tout simplement une contamination du cinéma “traditionnel” par le cinéma pornographique (même celui-ci a droit à ses Hot d’or, prix décernés tous les ans par la revue Hot Vidéo précisément au moment du Festival de Cannes et non en dehors) et ce que ce dernier a répandu dans la société depuis des années en même temps qu’il a accompagné le mouvement de “libération sexuelle”.
Le film est issu de ce qu’on a appelé la “contre-culture”, disons plutôt non-culture pour être plus exacts, selon la mode actuelle que tout ce qui a été en marge doit maintenant être au centre. Il exhibe ses signes victimaires comme on arbore un pin’s : le côté “underground” dans l’image et dans la musique, tendance rebelle trash (effectivement poubelle), qui se voudrait en quelque sorte une non-esthétique (mais qui en est une quand même), de filmer en dv et de préférence n’importe comment, afin de faire fauché donc spontané, maladroit mais sincère, et de prétendre ainsi donner un supplément de réel à travers un vécu (mode courant en littérature aussi) comme si un vécu en soi pouvait donner un compte rendu pertinent sur la réalité, (là on est plutôt dans le vomitif). Le film ajoute à cela le choix d’acteurs, d’actrices et d’une co-réalisatrice (Coralie Trinh Thi) issus du porno (dont ils ne sortent pas vraiment en fait). C’est-à-dire encore par des éléments de ce qu’il y a de moins professionnel, pertinent, et de qualité pour construire et faire passer un quelconque message. Rien de plus qu’un amateurisme à la clé à tout les niveaux du film.
La fausse innovation de Virgines Despentes est de mettre au même plan d’égalité les scènes pornographiques avec les autres. Fellations, coïts, viol, se retrouvent valorisés au même rang que de conduire une voiture. Il n’y a ici qu’une espèce d’hyper-naturalisme (faire comme en vrai), une volonté d’effacer toute représentation, tout artifice, toute frontière entre fiction et réalité, ne serait-ce que par l’emploi de hardeuses pour “interpréter” une scène de coït. Les autres films cités plus haut ne montraient des scènes explicites de coït qu’à l’occasion, Baise-moi franchit le pas et en sature sa narration comme on sature un ampli, joue dans la surenchère en y rajoutant la violence, le viol se voulant dénonciation. A terme, ce trip du toujours-plus sensoriel, pulsionnel, émotionnel, qui rive le spectateur à ce qu’il voit et rien qu’à ce qu’il voit, visant non son esprit mais son voyeurisme, c’est la mort même de la fiction. Comme pour la sexualité, la violence subit le même processus. Quand les fictions ne suffisent plus, on fait des reportages (comme aux Etats-Unis ou sur TF1, ou encore Loft Story dans un autre genre) sur des voleurs qui se font poursuivre ou descendre en direct pour capter l’attention et l’ennui des spectateurs. La fiction n’est plus là pour nous nous interroger sur le monde et sur nous-mêmes mais est remplacé par cette esthétique hypernaturaliste qui tente de brouiller les frontières entre réel, fiction et documentaire, prise dans le processus du “toujours-plus” pour capter ou susciter l’intérêt, le plaisir, les pulsions, les émotions, les sensations, les idiosyncrasies des spectateurs dans une surenchère sans fin. Car après la pénétration, le viol, la fellation, que va-t-il venir ensuite ? La sodomisation ? La défécation ? Le suicide non simulé ? Le sadomasochisme en live ? Dans ce domaine, la contre-imagination n’a aucune limite. En ce sens, le film vise tout autant au dessous de la ceinture, et fait dans le slogan, du même niveau qu’un tract de propagande, croyant prendre le spectateur pour intelligent (il y a un message) mais le prenant au contraire pour un fieffé imbécile : trop bête pour comprendre ce qu’on a envie de lui transmettre, il faut l’impressionner de la manière la plus violente et la plus viscérale qui soit, un peu comme les commandos anti-avortement qui ne se privent pas d’étaler des fœtus dans des poubelles.
Se surajoutant à cela, Baise-moi est frappé d’un revanchardisme fémininiste nihiliste envers l’oppressante puissance masculine. Le problème n’est pas dans le fait que les hommes soient des sains mais de ne voir que leur bestialité et de s’y indexer catégoriquement, viscéralement, ce qui entraîne inexorablement une volonté de dérober leur puissance réelle et/ou fantasmée et de la retourner contre eux, ce qui n’est ni plus, ni moins jouer un rôle d’homme, en être le double au moment précis où on se croit radicalement différent et autre. Baise-moi réduit les hommes à un phallus (beau sexisme) et comme tout homme a un membre viril, il faut humilier ce pauvre petit bout de chair, le piétiner du talon, vomir dessus (ce que fait Manu) pour s’en emparer symboliquement. Désir d’humilier l’objet de sa haine comme on a été soi-disant humilié et faire passer une volonté de puissance (une identification à l’agresseur) pour une révolte légitime. Le mythe de la femme guerrière ne cache que cela. Sur la castration symbolique alliée à la “pulsion de mort”, il y aurait beaucoup à dire sur le film qui joue aussi dans la psychanalyse de bazar à son insu. C’est précisément au fond ce qui est en jeu et ce qui se passe : deux jeunes femmes se “révoltent” et tuent des hommes avec des revolvers ou encore comment castrer symboliquement l’homme de son membre viril et l’exhiber en signe de victoire, ce qui résume une scène du film quand le marchand d’armes dit que tel revolver a une puissance masculine. Vite, vite, tuons-le, emparons-nous du flingue, arme que Nadine exhibera plus tard en faisant joujou avec. Quand ce n’est pas aussi extrême, on a le discours féministe de base que résume un dialogue du film : “Ca leur fait peur aux mecs, une fille qui a trop de caractère, ils se sentent dévirilisés. Je vais te dire : ce sont tous des chiottes !”. Les femmes en ont mais ça manque.
Tout cela ne peut finir que dans une autodestruction programmée et un mépris de soi à tous les niveaux. Le film veut, non pas exposer et faire comprendre une situation, mais blesser, écœurer, humilier sur le mode “Tu m’as fait mal, je te le rends au centuple.”. Voir les scènes décrites plus haut ainsi que celle de la partouze où Manu demande à un type de faire la truie (attention, pas le cochon ! amusant lapsus) et lui loge une balle dans l’anus. Evidemment, aucun humour, aucune ironie ici. Il faut au contraire exhiber sexe et violence (de préférence au ralenti pour cette dernière) selon une croissance exponentielle : scène où Nadine copule avec un type en regardant des images violentes à la tv (on découpe un saucisson !), celle du viol, celle où les deux tueuses lacèrent de leurs chaussures à talon la figure d’un homme (qui leur avait demandé d’utiliser un préservatif !), le même où précédemment Manu a vomi sur son sexe, extermination en passant de plusieurs types (dont des policiers, passage symbolique obligé contre la Loi) et bien sûr, la partouze finale dans une boîte échangiste où nos deux héroïnes font un carnage que la caméra se complaît grassement à montrer.
Baise-moi n’est qu’un film de femmes qui se haïssent de l’être. Abordons justement la scène de viol. Manu boit un bière avec une amie sur un quai quand des hommes les enlèvent et les violent. L’amie résiste et hurle. Manu subit, indifférente. Ensuite, devant l’incompréhension de son amie, Manue s’explique : “J’en ai rien à foutre de leurs pauvres bites de branleurs. J’en ai pris d’autres dans le ventre et que je les emmerde ! C’est comme une voiture qui vient dans une cité et tu laisses pas des trucs de valeurs à l’intérieur si tu ne peux pas empêcher qu’elle soit forcée. Ma chatte , je ne peux pas empêcher les connards d’y entrer, j’ai rien laissé de précieux. Ce n’est rien qu’un coup de queue et qu’on n’est jamais que des filles.” Il est symptomatique qu’à travers son personnage Manu expose une négation de soi, de son corps au point où sa propre intimité a été vidé de toute substance et toute humanité, corps sans âme, réduit à une caisse, une voiture, une marchandise sur laquelle on peut s’empiler à loisir. Quand on ne tue pas, l’homme sert uniquement de machine orgasmique. Au mieux, on se réfugie dans une homosexualité (scène de la danse) à peine dissimulée. Tout est réduit à rien, au néant. Le corps de l’homme est réduit à un sexe, la sexualité elle-même à une partie de gymnastique morbide et on peut se demander au final ce qu’une femme peut être d’autre qu’une femme. Un homme ? Inavouable. Donc, on tuera. Quand on a réduit son adversaire à une “bête”, quand on vit dans un monde de fantômes ou fantomatique, ou qu’on le croit ou le voit comme tel, les êtres humains n’apparaissent plus comme des êtres humains. On peut donc les exterminer et l’acte du crime passe comme une lettre à la poste. Evidemment, il est bien plus difficile de faire œuvre et de parler des rapports hommes-femmes sur un ton juste. Sans doute trop “bourgeois”.
Le film enferme donc ses personnages dans un contexte trash (drogue, prostitution, zone et rien n’existe d’autre en dehors), les ghettoïsent sans jamais nous en faire comprendre les enjeux, encore moins ceux de ces deux zombies femelles, envers du décor décati des pin-up publicitaires. Comme dans Les Idiots de Lars Von Trier, ici on a Les Idiotes, caricature de personnages convertis à genou sur l’autel de la bestialité affichée et reconnue, se vautrant dans le sadisme, méprisant tout, se vidant de leur intelligence comme on vide un réservoir et confondant dialogue et gerbe pour abdiquer de toute trace d’humanité. A cet égard, le propos du film est à l’égal de son naufrage technique. Et il ne sera pas sauvé en prétendant que c’est fait exprès. Quand on vante la barbarie, le style disparaît. Les acteurs et actrices sont pitoyables. Il est difficile de rester sérieux devant des “dialogues” aussi navrants et aussi ridicules comme cette perle de la perle quand le co-locataire demande à Manu qui, après son viol, n’a pas l’air dans son assiette : “Tu t’es pas faite violée?”. C’est sûr, quand vous voyez une amie qui fait la gueule, c’est la première question que vous lui posez. Tout le film regorge de telles répliques d’un “comique troupier” involontaire : “Mais qu’est-ce que tu as entre les jambes, connard ?” ou encore “Tu ne sais pas sur qui t’es tombé ? Sur des putains de tueuses de connard à 4 pattes !” ou encore “Plus tu baises, moins tu cogites et mieux tu dors !” et après avoir tué un marchand d’armes : “Ces gens y meurent, il faut que le dialogue soit à la hauteur. En plein dans le crucial, bordel ! · On ne va pas quand même préparer des trucs à l’avance. – Bien sûr que non, ce serait contraire à toute éthique.”. On ne peut mieux assimiler et mettre à la même “hauteur” barbarie et fonction du langage et en faire le discours précisément crucial du film où l’auteur se confond avec ses personnages, ce que la mise en scène justifie.
Humiliation, sadisme, revanchardisme, sang, destruction et autodestruction, haine de soi, mort et néant à l’arrivée. Cette descente festive chez Hadès, roi des enfers, est la vengeance sociale de Virginie Despentes contaminée à l’insu de son plein gré par la dureté et la méchanceté de notre société (snif, adieu monde cruel !) mais sans se priver du tapage dénoncé mais désiré de la censure pour pouvoir recueillir un peu d’audience médiatique en ces temps de vaches maigres. En bref, Un Justicier dans la ville avec Charles Bronson, version vagin.