Par deça les images

Glossaire visuel

Nous avons rassemblé ici, au sein d'un glossaire visuel, différents termes évoqués dans le dossier afin d’illustrer et de mieux donner à comprendre la variété des outils, des formats, des types d’éléments et cas de détérioration croisés dans les collections de films.

Sauf exceptions (et cela est indiqué le cas échéant), les images qui suivent sont issues de collectes personnelles à travers les débris, poubelles, bazars et autres sources officieuses.

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OUTILS

Voici quelques-uns des petits outils de base servant au travail d’inspection des copies de films.

Colleuse

Cet outil permet de joindre deux bouts de pellicule, une jonction que l'on appelle « collure ». Si plusieurs types de collures existent, l’appareil ci-dessus permet d'effectuer des collures au ruban adhésif. 

Synchroniseuse

Servant à la base à synchroniser les bandes-image et les bandes-son lors du montage, cet appareil permet également de mesurer les films.

Règle de retrait 

Cet instrument sert à mesurer le niveau de rétrécissement de la pellicule. Notons qu'à partir d’un certain niveau de rétrécissement, il n’est plus possible de faire défiler les films dans des appareils, car la distance entre les perforations est réduite.

Tests d’acidité 

Cette bande de papier de tournesol teinte change de couleur en réponse aux émanations qui se dégagent des films ; elle permet ainsi d’évaluer le niveau de détérioration du support acétate. 

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FORMATS DE FILM

La pellicule cinématographique se présente sous différents formats qui sont généralement nommés en fonction de la largeur en millimètres de la pellicule. Les plus courant sont les suivants:

  • 8mm 

  • Super8

  • 9,5mm 

  • 16mm 

  • 35mm 

  • 70mm 

Bout de pellicule donné par Kodak et issu d'une copie du film Oppenheimer (Christopher Nolan, 2023). 

  • IMAX 

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TYPES DE BASES ET IDENTIFICATION DES FILMS

La pellicule cinématographique est essentiellement composée d’un support transparent et flexible, cette base étant recouverte d’une émulsion photosensible qui contient l’image. Dans le cas de film en couleur, on retrouve des couches d’émulsion jaune, magenta et cyan. L’émulsion correspond au côté mat de la pellicule, et l'on peut parfois même voir en relief les contours de l’image sur l’émulsion. 

Dessin d'Eva Létourneau.

Crédit : Cinémathèque québécoise. 

Trois types de bases ont été principalement utilisés depuis les débuts du cinéma : le nitrate, l’acétate (surtout le triacétate) et le polyester. En conservation, il est important d'identifier les types de bases, puisque ces dernières souffrent de problèmes spécifiques et demandent des conditions d’entreposage optimales différentes.

  • Nitrate : utilisé jusqu’au début des années 1950
  • Acétate ou « safety film » : utilisé du début des années 1920 jusqu’à aujourd'hui
  • Polyester : utilisé principalement à partir du milieu des années 1990 jusqu’à aujourd'hui

Les codes qui se trouvent sur les bordures de la pellicule peuvent aider à identifier les types de base, en plus de fournir des informations sur la marque et l’année de production de la pellicule. Il faut toutefois savoir bien déchiffrer les informations que l’on récolte.

  • Nitrate

Pellicule avec l’indication « PATHÉ FRÈRES PARIS » : l’indication confirme que cette pellicule est de 1906 (seule année où cette inscription a été utilisée sur les pellicules ; il s'agit donc du nitrate). 

  • Acétate

Pellicule FUJICOLOR 78-AJ : cette dernière mention révèle que la pellicule a été produite entre avril et juin en 1978.

Pellicule acétate : pellicule EASTMAN datant de 1983 et produite au Canada. 

  • Polyester

On retrouve les informations « 2383 », « K’ODAK » et « 2012 » sur la pellicule. La première nous indique qu'il s'agit de pellicule polyester, la deuxième que cette pellicule a été produite à l’usine Kodak de Rochester et la troisième qu’elle date de 2012. 

Il s'agit en l'occurrence du film Gangster Squad (Ruben Fleischer, 2013). 

  • Visionneuse polarisante

Voici un outil pratique servant à identifier les pellicules nitrate/acétate des pellicules polyester 1 .

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TYPES D'ÉLÉMENTS

Plusieurs types d’éléments sont créés dans la chaîne de production d’un film, dans le but d'obtenir une copie de projection pour la diffusion des films en salle. Parmi ces derniers, on retrouve les éléments de tirage (pre-print element) ayant servi durant la période de production. N'étant pas faits pour être projetés, ces éléments servent plutôt à la conservation des oeuvres. Avec chaque nouvelle génération vient une perte de définition, de contraste et d’information, ce pourquoi les éléments de tirage sont privilégiés comme source, dans les projets de restauration. 

Dessin d'Eva Létourneau.

Image

  • Négatif original 

Élément qui réfère habituellement à la pellicule exposée lors du tournage et qui a été assemblée lors du montage afin de créer la version finale de l’oeuvre. Cet élément sert de source aux générations subséquentes (en angais, on l'appelle généralement le OCN qui signifie original camera negative). Le terme de « négatif original » est toutefois parfois utilisé pour référer à différents élément en pellicule négative, et non seulement au négatif original monté. 

Crédit : Cinémathèque québécoise. 

  • Interpositif / positif intermédiaire

Élément intermédiaire pour la duplication avec une image en positif (les termes copie marron, lavande ou grain fin sont aussi parfois utilisés pour référer aux éléments intermédiaires positifs).

Crédit : Cinémathèque québécoise. 

  • Internégatif / négatif intermédiaire 

Élément intermédiaire pour la duplication avec une image en négatif (le terme dupe neg est aussi parfois utilisé pour référer aux éléments intermédiaires négatifs). 

Crédit : Cinémathèque québécoise. 

Son

  • Son magnétique 

Type de film ayant une couche magnétique utilisée pour l'enregistrement du son. Le mixage sonore final d’une oeuvre est finalisé sur film magnétique.

  • Son optique négatif 

À partir du mixage sonore magnétique, un négatif de la bande sonore est produit et sert, avec l’internégatif, à créer les copies finales de diffusion combinant l’image et le son. Cette piste sonore est imprimée à côté de l’image et lue par le projecteur afin de reproduire le son. 

Copies de projection

Avant le passage au numérique, la projection en pellicule fut longtemps le standard. Aussi les copies de projection représentent-elles le type d’éléments que l’on retrouve le plus fréquemment dans les collections. Les copies de projection sont généralement produites à partir d’un internégatif et d’un son optique négatif.

  • Copie de projection avec son optique

On reconnaîtra Un 32 août sur terre (Denis Villeneuve, 1998).

  • Copie de projection avec son magnétique 

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TYPES DE DÉTÉRIORATION

Malmenée par le temps (et les gens), la pellicule développe plusieurs types de problèmes tant au niveau mécanique que chimique. Voici quelques exemples que l’on rencontre couramment dans les collections de films.

  • Rayures 

Problème commun causé par de mauvaises manipulations ou par l'usage de machines mal calibrées ou mal entretenues. À l'écran, les rayures qui apparaissent blanches ou colorées sont présentes du côté de l’émulsion, alors que les rayures noires se trouvent plutôt sur la base. 

  • Décoloration 

Les colorants utilisés dans les émulsions de films en couleur sont souvent instables, les trois couches d’émulsion couleur (jaune, magenta et cryan) ne s’estompant pas au même rythme, créant ainsi une perte de contraste et une variation de couleurs, allant souvent vers le magenta.

  • Brûlure

Crédit : Cinémathèque québécoise. 

  • Perforations endommagées 

  • Déchirures

  • Plis 

Superhero Movie (Craig Mazin, 2008). 

  • Retrait 

Les films très rétrécis finissent par devenir angulaires, la pellicule se déformant à cause de la tension exercée sur la bobine. 

  • Décomposition de l’acétate (syndrome du vinaigre) 

Affectant les films acétate, cette détérioration de la base dégage une odeur de vinaigre singulière, en plus de causer une fragilisation du film et parfois même un effet de « channeling », lorsque la base rétrécit et que la couche de gélatine — soit l’émulsion —forme des plis et se sépare de la base.

Crédit : Cinémathèque québécoise. 

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CURIOSITÉS

Voici quelques autres exemples de curiosités ou de cas sur lesquels on peut tomber, au cours de l’inspection de films.

  • Copie 35 mm en 3D over-under

Le photogramme habituel contient deux images qui doivent être superposées à l’écran, à l’aide d’un dispositif optique à prisme 2

  • Marques de fin de bobines 

La projection de films s’est historiquement constituée depuis une installation à deux projecteurs jouant les bobines d’une copie en alternance. Selon cette installation, deux séries de signaux visuels apparaissent dans le coin droit des photogrammes à la fin des bobines pour indiquer au projectionniste quand démarrer le prochain projecteur (série 1) et quand effectuer le changement de projecteur (série 2). Ces marques peuvent être imprimées ou faites par les projectionnistes au crayon gras (méthode préférée), mais aussi au poinçon ou en grattant dans l’émulsion 3

  • Tête de femme (communément appelées China Girls ou Leader ladies

Courte section de quelques photogrammes dans les amorces de bobines montrant généralement une femme munie d'une charte, et servant à contrôler le développement et l’étalonnage au laboratoire 4

  • Erreur au tirage 

Élément inusité, on voit ici un insecte qui a été écrasé lors de la production de la copie, affectant l’émulsion et donc l’image.

Crédit : Cinémathèque québécoise. 

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Quelques ressources supplémentaires

Physical Characteristics of Early Films as Aids to Identification 5 est un guide aidant à l’identification et la datation des éléments films. Il s'agit d'un outil indispensable pour tout archiviste. 

Bien qu’étant une ressource visant d’abord les projectionnistes d’archive, The Art of Film Projection: A Beginner's Guide 6 est une mine d’informations sur l’identification, l’inspection et la diffusion de copies de film. Ce livre est un manuel fantastique pour toute personne s’intéressant à la projection en pellicule.

Les méthodes de restauration de films ont fait l’objet de nombreuses publications. Dans Restoration of Motion Picture Film 7 , Paul Read et Mark-Paul Meyer décrivent en détail le processus de restauration photochimique, avec quelques références aux technologies numériques émergentes. Film Restoration: The Culture and Science of Audiovisual Heritage de Leo Enticknap 8  et From Grain to Pixel: The Archival Life of Film in Transition de Giovanna Fossati 9 explorent également les techniques de restauration numérique.

Notes

  1. Voir les explications détaillées et exemplifiées sur le site de Bibliothèque et archives Canada, https://bibliotheque-archives.canada.ca/fra/collection/engagez-vous-apprenez/publications/livres-electroniques/Pages/glossaire-visuel-visionneuse-polarisante.aspx
  2. Voir également ces exemples vidéo : https://www.youtube.com/watch? et https://www.youtube.com/watch?v=FEF9ehHZOFov=VOJVl5_kEKA
  3. Voir également : https://www.sprocketschool.org/wiki/Cues
  4. Voir également : https://www.sprocketschool.org/wiki/Leader_lady
  5. Nouvelle édition augmentée par Camille Blot-Wellens du livre d’Harold Brown de 1990, Bruxelles, FIAF, 2020
  6. Paolo Cherchi Usai et all., The Art of Film Projection: A Beginner's Guide, Rochester, New York, George Eastman Museum, 2019
  7. Paul Read, Marc-Paul Meyer (ed.), Restoration of Motion Picture, Oxford / Boston, Butterworth-Heinemann, 2000
  8. New York, Palgrave Macmillan, 2013.
  9. Amsterdam, Amsterdam University Press, 2018.