Entretien avec Mathilde Rouxel par Anne Lardeux

Au terme de la rétrospective Une ville suspendue qui s’est tenue à la Cinémathèque québécoise (18-25 mai 2022), notre collaboratrice Anne Lardeux s’est entretenue avec Mathilde Rouxel. Au Caffe italia à Montréal, il a été question d’un faire-collectif, de transmission, du besoin d’images autres et du contact avec leur matière, des réseaux de cultures et d’identités qu’elles constituent, mais aussi des dimensions coloniales et post-coloniales que ce travail sur l’image, opéré par strates entre la France et le Liban, déplie.

Anne Lardeux (A. L.) : Je me disais qu’on pourrait commencer à rebours, un peu à l’image du travail que tu as fait en tirant les films de Jocelyne [Saab], cet évènement de cette semaine, de la rétrospective à la Cinémathèque [québécoise], une première, donc. Je me demandais si tu voulais revenir là-dessus : comment s’est faite la rencontre avec la revue Hors champ ? Et quelle communauté espériez-vous trouver avec cette série de projections ?

Mathilde Rouxel (M. R.) : Nour [Ouayda, co-éditrice de Hors champ] était partie faire des études au Canada. Elle avait commencé à travailler, à faire un peu de programmation avec Hors champ, et elle avait invité Ghassan Salhab 1 il y a quelque temps, vers 2017, peut-être. C’était un moment où on commençait à avoir accès aux films de Jocelyne, à faire de la programmation, où tous les films étaient disponibles. Et Nour avait envie de les programmer. Elle est rentrée à Beyrouth au même moment, et quand Jocelyne est décédée, avec l’Association Jocelyne Saab 2 on a commencé à distribuer, à essayer de diffuser le plus possible, avec notamment une première grande rétrospective intégrale à DocLisboa (Lisbonne), avec le programmateur Davide Oberto, qui avait envie de faire ça lui aussi avant que Jocelyne décède. J’étais toujours en contact avec Nour parce que je la connais depuis longtemps. J’avais présenté à Beyrouth la volonté qu’on avait de faire la restauration des films, et tout ça. Je sais plus exactement comment ça s’est passé, mais on parlait de cette éventualité de faire une rétrospective à Montréal. Il y avait toute une conjoncture de choses qui faisaient que c’était possible.

A. L. : Et vous aviez déjà amorcé le travail de restauration ?

M. R. : Oui, mais enfin, on a eu tellement de mal, vu qu’on n’a pas eu de financement du tout. Quand on a décidé de la date, on était sûr qu’on aurait des choses. À l’origine, on voulait faire une rétrospective de toute la carrière documentaire de Jocelyne et dans les faits, on n’a pas réussi à tout restaurer, ce n’était pas assez. Ça s’est transformé en cycle spécifique sur Beyrouth et le Liban ; ce qui fonctionne très bien. Je pense que ça a intéressé les gens pour cette raison aussi. L’idée de faire cette première mondiale — entre guillemets — des films, ici, s’est imposée parce qu’il y avait le travail de André [Habib] et de Nour derrière, qui avaient envie de faire cette rétrospective depuis longtemps. Ils attendaient simplement que les films soient prêts. Sur la question du public, c’est difficile parce que je ne m’attendais pas à quelque chose de précis ou à un public particulier. Je sais qu’il y a une vraie diaspora ici, mais je sais aussi que, parfois, c’est un peu surprenant, la diaspora peut ne pas se soucier de ce genre d’évènement. Je pense que pendant la rétrospective, il y avait beaucoup, mais pas exclusivement, de curieux. Les films ont beaucoup tourné ces dernières années, quand même, et il y a toujours une réception un peu comme celle-là. Une réception curieuse, un peu surprise, et plus particulièrement intéressée par le contexte politique.

A. L. : Et donc, pas forcément libanais, ça ne participe pas d’une institution d’un cinéma national ?

M. R. : Pas forcément libanais. Je pense que beaucoup de Libanais ont plus du mal, surtout les gens qui sont partis, à voir le Liban comme une nation dont ils pourraient tirer une fierté identitaire. Ce n’est pas comme les Palestiniens ou même les Algériens. Tu fais une programmation algérienne et toutes les associations viennent. Au Liban, ce n’est jamais comme ça. C’est un pays qui a été créé en 1920 par la France… 18 communautés sur 10 000 kilomètres carrés, ça fait beaucoup de couches… mais c’est ce qui est beau aussi. C’était un projet qu’Hors champ avait en tête depuis vraiment longtemps, et ça nous a beaucoup aidés à travailler. On savait qu’il y avait cette possibilité, ce n’était pas : « après avoir terminé, on va lancer des démarches pour trouver des gens qui vont montrer les films ». C’était assez essentiel, donc.

A. L. : Il y a quelque chose d’intéressant dans le fait de passer du geste de Jocelyne, qui a l’air d’une femme qui va chercher des choses par elle-même, pour elle-même — c’est quand même assez, pas solitaire, mais sa figure individuelle se découpe beaucoup — au tien, à toi qui reprends cela et constitues un réseau. Même si, au début, il est très centralisé sur toi, il y a plus de gens qui vont y apprendre d’autres gestes. Je trouve que cette manière de créer du collectif autour de l’œuvre de cette cinéaste est assez stimulante. En ce sens, je me demandais si Jocelyne s’inscrivait dans un rapport à un travail qui doit circuler, qui doit se faire ensemble.

M. R. : Oui, je pense, surtout dans une volonté de transmission. Jocelyne était à la fois très seule et très volontaire. Elle avait un projet et il fallait des gens qui avaient suffisamment de… en fait, elle aspirait les jeunes, vraiment, c’était un aspirateur à jeunes ! Elle arrivait, et paf, il y avait quatre personnes dans la pièce et d’un coup, on devenait tous son assistant. Elle voyait dans la jeunesse des gens à qui elle pouvait offrir les choses sans avoir forcément à tout discuter, tout le temps : « Ne me demande pas ton avis sur le projet ni une facture à la fin, s’il te plaît. J’ai envie qu’on construise des choses ensemble ». Mais en même temps, elle donnait énormément de responsabilités tout de suite ; ce qui était très flatteur. Les gens restaient autour d’elle jusqu’à l’émancipation. Et quand ça commençait à parler argent, ça devenait problématique parce qu’en fait, Jocelyne n’en avait pas, elle fonctionnait vraiment dans des économies difficiles. What’s Going On (Et Alors, Jocelyne Saab, 2009), c’est exactement ça : des amis, des enfants d’amis, et des assistants qui sont là, dans le film, et qui le font exister parce que Jocelyne veut y parvenir. Elle était capable de construire des choses justement en raison de sa volonté communicative — avec les jeunes, du moins. Et nous, quand on a commencé à travailler sur ce projet de restauration, moi à la base, j’avais vraiment envie de contacter tous les gens qui avaient travaillé avec elle. C’était un peu difficile en raison du contexte de crise qui commençait. Ce n’était pas évident de travailler en 2019-2020. Mais finalement, tout le monde a trouvé sa place dans ce projet au fur et à mesure parce que les choses se sont dessinées pour chacun, et la place des films de Jocelyne dans le patrimoine cinématographique libanais a changé alors qu’auparavant, elle n’était pas forcément évidente comme l’expliquait d’ailleurs Ghada [Sayegh, membre du comité éditorial de Hors champ] hier ; la génération entre Nour et Jocelyne, il fallait qu’elle oublie un peu ces images-là pour exister. Jocelyne s’est souvent sentie rejetée par cette génération, et cette génération ne connaissait pas du tout le travail de Jocelyne au moment où elle est décédée, alors que maintenant, il y a un intérêt renouvelé pour son œuvre.

A. L. : Qu’est-ce qui suscite cet intérêt, maintenant ?

M. R. : Je pense que partout dans le monde, actuellement, il y a un recul sur l’histoire du cinéma qui impose qu’on regarde un peu d’autres images que celles qu’on connaît déjà. Et les pays qui n’ont pas de cinémathèque, qui n’ont jamais fait ce type de travail là à une échelle nationale, ont aujourd’hui besoin de figures qui portent leur histoire du cinéma. L’intérêt que porte aussi l’international à Jocelyne doit jouer beaucoup. Tous les jours, on reçoit des demandes de programmation à l’étranger, en Australie, en Inde, en Amérique latine…

Affiche du projet Beyrouth, mille et une images

A. L. : Et d’ailleurs, tu disais hier que son projet de 1992, Beyrouth, mille et une images, qui aboutit au film Il était une fois Beyrouth, portait un désir de fonder une cinémathèque.

M. R. : Oui, elle avait envie de partir du principe que les images pouvaient permettre de rassembler et que, s’il fallait écrire une histoire, on pouvait l’écrire à travers les images et que ça ne pouvait pas parler à tout le monde. Elle avait construit un projet énorme [Beyrouth, mille et une images] qui devait s’accompagner d’un bouquin, mais qui n’a pas abouti, puisque toutes ces questions de culture, à ce moment-là, ce n’était pas la priorité au Liban. Et puis je pense même que ce n’était pas du tout à l’ordre du jour de discuter comme ça. La guerre du Liban s’est arrêtée, tous ont été amnistiés. Personne n’était coupable de quoi que ce soit. On avance, on oublie, on enlève tous les débris, plutôt que de rénover, de garder une mémoire, on détruit, on efface. Et c’est d’ailleurs pour cette raison que la génération suivant celle de Jocelyne s’est retrouvée à devoir inventer ses propres images, des images auxquelles se référer, et qui sont dans un fantasme de reconstruction étranger à Jocelyne ; ce qui la rendait, aux yeux de cette génération, pas très moderne. Alors la cinémathèque libanaise n’a pas émergé du tout. Il y a eu une émanation du ministère de la Culture qui a fait une cinémathèque, mais c’est plutôt fantomatique. Par contre, depuis effectivement dix ans, il y a des propositions de projets de cinémathèque ou de centres de films un peu partout à Beyrouth : Cinematheque Beirut, par exemple, un projet issu d’une initiative active dans la distribution de films depuis plus de quinze ans qui s’appelle Metropolis Cinema. En soi, ce n’est pas une cinémathèque, ils n’ont pas de collection. Le projet dans sa forme actuelle ne conserve pas d’archives, mais possède en revanche une base de données qui recense des films libanais, et qui a la vocation de se bonifier. Il existe d’autres initiatives qui travaillent sur le cinéma depuis des dizaines d’années, par exemple l’association Nadi Lekol Nas (« le club pour tous ») qui travaille à la sauvegarde du cinéma libanais depuis près de vingt-cinq ans en récoltant des archives, en éditant des coffrets pour rendre les films accessibles, et qui veulent aussi évoluer. Cette association vient d’ouvrir une salle de stockage à Beyrouth où sont entreposées des bobines de leur collection, et ils aspirent à acquérir une salle. Ils recueillent également des archives papier. On travaille aussi avec eux parce qu’on espère qu’ils pourront profiter des outils de restauration qu’on a acquis pour travailler sur d’autres films libanais. Une autre organisation, l’UMAM 3 a récupéré toutes les archives des studios Baalbek, qui étaient les grands studios de cinéma de l’époque et qui ont une énorme archive de cinéma et papier. Eux aussi ont commencé il y a longtemps, ils archivent depuis le début des années 2000 la mémoire de la guerre du Liban essayant de récupérer un peu toutes les archives possibles. Ce sont en somme des organisations complètement indépendantes de l’État, des associations en général qui fonctionnent à l’aide de capital souvent étranger, et qui ne font pas cinémathèque ni institution non plus parce qu’il n’y a pas de liant national ou public du tout.

A. L. : Je comprends mieux du coup qu’il y ait une association Jocelyne Saab. Je me posais la question à savoir pourquoi ne pas déposer le fonds sur place, mais en fait, c’est qu’il n’y a pas forcément de place.

M. R. : C’était aussi la volonté de Jocelyne de laisser son fonds à la Cinémathèque française. Cela dit, personne ne comprend pourquoi ça leur revient. On n’est plus dans les mêmes logiques. Jocelyne voulait grandir et avait besoin de reconnaissance. Elle n’a jamais refusé les prix qu’on lui a donnés, et c’est souvent la France qui l’a reconnue (elle a été consacrée Chevalier puis Officier de l’Ordre des Arts et des Lettres). Et je pense qu’en tant que cinéaste, c’est difficile d’accepter de prendre, d’avoir le courage de mettre ces archives au Liban, sachant les conditions actuelles. Comment conserver les films dans de telles conditions ? Ensuite, un problème qui se profile, c’est que les institutions françaises restent très fermées. Pour avoir accès à l’archive papier de Jocelyne à la Cinémathèque, il faudra prouver son statut de chercheur, et puis prendre un rendez-vous, payer son entrée à la bibliothèque du film, ne compter que sur 2 heures de consultation. C’est très bien s’il y a des Parisiens qui s’intéressent à cette archive dans les prochaines années, mais ce sont surtout les Libanais qui vont l’être. Ce sont les jeunes qui font des écoles de cinéma aujourd’hui et ont enfin accès aux films. J’étais personnellement un peu fâchée que ça parte immédiatement dans ces institutions tellement peu accessibles aux chercheurs qui ne sont pas à Paris, d’autant plus qu’on doit attendre très longtemps avant qu’une archive soit traitée quand ça entre dans une institution d’une telle ampleur. On a donc gardé la plupart de ses archives papier qu’on scanne en ce moment. Comme pour Jocelyne, c’était une reconnaissance importante, tout ce qu’on a entre les mains aujourd’hui sera déposé à la Cinémathèque française comme elle le voulait. Mais mon objectif, c’est de mettre tous ces scans en ligne. On a presque fini, on a d’abord trié les archives de Jocelyne qui étaient dans son appartement et on les a données à la Cinémathèque, mais après son décès, on a retrouvé dans la cave des cartons avec des projets non réalisés, du matériel inédit qu’on a numérisé et mis en PDF, des dizaines de projets sur l’Asie par exemple, sur le Vietnam, sur Singapour, sur l’Inde. Tout ça sera proposé comme dépôt (numérique, du coup) à toutes les associations que je citais précédemment et qui s’intéressent aux archives de cinéma au Liban, en attendant qu’il existe des institutions nationales. J’espère que ça intéressera aussi la Cinémathèque de Tunis, de Tanger…

A. L. : Il y a un aspect qui m’intéressait, en rapport avec le passage du cinéma aux installations et la reprise de certaines images. J’ai l’impression que Jocelyne est sans arrêt en train de réactiver son propre travail ; de le faire circuler, de le défaire et de le refaire, ce qui renvoie à cette idée de construction et de reconstruction permanente. Je ne sais pas si c’est le signe d’un trauma, mais je trouve frappant son rapport à la ville, qui se traduit dans son geste même, d’aller chercher un extrait, de le remettre là, de l’éclater en installation.

M. R. : Oui, je pense que c’est intrinsèque à la volonté de témoigner et de rappeler ce qui a disparu parce que c’était d’abord ça descendre dans la rue pour filmer ce qui est en train de partir, et donc, elle a besoin de reprendre ces images-là, de les remettre pour montrer le présent aussi, le fait que ça ne change pas du tout. En 2006, elle ressortait les images des miliciens en 1976. Et en fait, on voit très précisément la continuité alors que la guerre de 2006 n’a rien à voir avec les guerres civiles du Liban d’avant. Mais cette violence qui revient, cette destruction perpétuelle, c’était son installation Strange Games and Bridges qu’elle a exposé au musée national de Singapour en 2007, qui a été faite sous l’égide de cette idée que Beyrouth a été sept fois détruite, soit par les hommes, soit par la nature, et pose implicitement la question : quand est ce qu’on va arrêter de faire ça ?

A. L. : C’est comme s’il y avait une tension entre sa volonté de mettre un terme à ce cycle de violence et son éternel retour au cœur de son propre travail. Mais ça ne bégaye pas parce que, comme tu dis, c’est important de ressortir les images pour montrer soit que ça va changer, soit au contraire, que ça a disparu.

M. R. : Oui, c’est sûr, c’est l’histoire qui bégaye. Ce sont aussi des choses qu’elle a faites dans son travail sur l’Égypte puisqu’elle a beaucoup tourné dans ce pays et c’est vrai qu’il y a eu des images qui revenaient également. Je pense qu’elle vivait dans une nostalgie d’un temps perdu. En Égypte, elle n’a pas supporté les premiers cycles de capitalisme ouvert de Sadate et tout ce qui a suivi, la montée de l’islamisme, la fin de l’ère du cinéma, du cabaret. Elle a beaucoup travaillé sur ça aussi. Je pense qu’elle se posait perpétuellement les questions de savoir « mais qu’est-ce qu’on est en train de faire au Moyen-Orient ? Pourquoi on va dans cette direction-là ? Qu’est-ce qui s’est passé ? Qui sont les coupables et pourquoi nous devons toujours subir ? ». Et donc, la meilleure manière d’inscrire ça dans une continuité, c’est de revenir aux images d’avant et de voir que le problème était déjà là, il y a 30 ans. Ce n’est donc pas juste une question libanaise, mais, plus globalement, régionale. Et c’est pour ça que je trouve que d’avoir accès à des documents non réalisés, c’est important. Si on regarde sa filmographie, tu n’as que le Moyen-Orient, mais elle avait une fascination pour les choses qui fonctionnaient en Asie, pour la modernité — la Turquie d’Atatürk, Singapour, Hanoï. Elle a toujours considéré le Liban comme faisant partie de l’Asie. Bien qu’elle ait sans cesse navigué entre ces problématiques, entre Orient et Occident, à une certaine époque, elle ne vivait pas bien le fait de devoir vivre à Paris. Elle aurait préféré rester si elle avait pu avoir la vie qu’elle voulait au Liban. En fait, l’Asie, c’était l’autre racine du travail de Jocelyne qu’on n’explore jamais. Le Festival qu’elle a monté de 2013 à 2015 4 , c’était pour montrer des films d’Asie au Liban, parce que ces films ne circulaient pas. Elle souhaitait aussi montrer que les problèmes du Liban étaient différemment gérés en Asie.

A. L. : Son militantisme, c’était surtout d’essayer de sortir de l’impasse guerrière et de reconnecter à d’autres réseaux de culture et d’identité.

M. R. : oui, c’est ça, de culture et d’identité. J’ai toujours eu l’impression qu’elle essayait de chercher comment définir sa propre identité et l’identité des Libanais. Parce qu’on a compris qu’ils ne voulaient pas être, mais aimer. Pourtant, géographiquement, ils sont en Asie, et l’Asie est riche de plein de cultures. Jocelyne était assez fascinée par le soufisme aussi, et je pense que son attrait pour l’Asie venait aussi de son père, dont l’un des premiers boulots était de construire des routes à travers l’Irak, l’Inde, la Chine. Elle se disait alors qu’on avait tellement à apprendre de ces sociétés-là : pourquoi on se tourne toujours vers ceux qui ont été finalement nos oppresseurs et ceux qui ont créé Israël, ce qui continue leur colonialisme d’une autre façon, et qu’on pourrait très bien s’enrichir du reste ? Se tourner vers l’Iran, c’était aussi ce choix. Quand elle est partie filmer cette révolution, elle se disait qu’il y avait quelque chose de possible et, finalement, ça a abouti à des choses terribles, même pour le Liban. Elle était fascinée par Atatürk aussi. Même si elle détestait la religion, elle se disait : « voilà un chef d’État qui arrive à vendre une fierté à une ancienne culture qui nous forge, nous aussi ». On a d’ailleurs retrouvé dans les cartons un projet de documentaire sur cette figure. Et on sent bien que ça correspond à une quête d’identité. Sa question a toujours été : où est ce qu’on peut trouver de la fierté dans la région, ailleurs qu’en regardant la France et Paris ?

A. L. : J’aimerais revenir sur ce réseau que tu as constitué dans ce projet de restauration. Je me demandais si c’est quelque chose auquel elle avait assisté ou si elle avait assisté au début de la démarche.

M. R. : Non, pas vraiment. Jocelyne n’acceptait pas du tout l’idée qu’elle était en train de mourir. C’était impossible de discuter de ça. Au moment où elle est décédée, son fils vivait sur un bateau très loin et même s’il était revenu pour la voir, elle était très angoissée à l’idée qu’il reparte et que tout disparaisse avec elle. Elle était donc dans cette espèce de ressassement perpétuel. Et elle m’a demandé explicitement de m’occuper de la distribution des films, des questions de droit. Elle voulait qu’une part revienne à son fils, mais souhaitait aussi que je continue le travail. C’était très touchant. Et elle était en panique totale à l’idée de la disparition de son travail, qu’il arrête de circuler, que plus personne ne s’en occupe. Et moi, je l’ai pris très à cœur. Et son fils aussi préférait que je m’en occupe puisqu’après la mort de sa mère, il n’avait pas envie de répondre aux demandes des festivals pour lui rendre hommage — c’était trop douloureux. Déjà quand je l’avais rencontrée en 2013, Jocelyne était aussi dans l’obsession de faire son coffret DVD parce qu’elle se rendait compte qu’il fallait qu’elle mette à disposition son travail. Mais elle voulait que ce soit beau et bien fait. Il n’y avait pas d’argent pour le faire, il fallait restaurer les films, et finalement ça s’est fait très vite. Au moment où on a créé l’Association avec Nessim Ricardou-Saab, le fils de Jocelyne, j’ai réuni les deux actrices d’Il était une fois Beyrouth, Michèle Tyan et Myrna Maakaron qui étaient restées proches de Jocelyne, et leur ai demandé de se mettre avec moi dans le bureau de l’Association pour permettre son existence administrative. Ensuite, quelques amis très proches de Jocelyne à Paris : Sophie Ristelhueber, Francis Lacloche, Bernard Latarjet, Jacques Bouquin ou Jonathan Randall (un journaliste du Washington Post à Beyrouth pendant la guerre et qui a par ailleurs un rapport très particulier avec le Liban), en plus d’autres personnes précieuses comme Pascal Truchet ou Frédéric Beaugendre, nous ont fourni un soutien majeur. C’était important, essentiel. Je ne me serais même pas sentie légitime sans ça. Et je pense que c’est cette légitimité-là qu’il voulait me donner. Nessim suivait d’assez près ce qu’on faisait, et les premiers gestes ont été d’organiser des soirées hommage pour d’abord rendre hommage à Jocelyne, mais aussi pour annoncer ce projet-là, demander de l’aide pour la restauration. Et au fil de ces diffusions, énormément de jeunes sont venus me voir pour faire des stages. Peu à peu, j’ai commencé à avoir une équipe. Et puis, il y a eu Jinane Mrad qui est venue me voir à l’été 2019 après une projection pour me demander de travailler sur le projet. Elle est devenue la deuxième tête dirigeante de l’association. Jinane est juriste : elle a tenu toute la partie administrative et juridique de l’association tout en cultivant une vraie sensibilité pour le travail de Jocelyne, qu’elle avait découvert lorsqu’elle écrivait une pièce de théâtre sur le Liban. On n’aurait pas pu rien faire sans elle, et c’était pour elle une manière de pouvoir rendre hommage à cette dame qu’elle n’avait pas pu rencontrer. On est donc deux à diriger tout le projet, auquel s’est associé Mounir El Abbassi qui a tenu un peu un rôle d’assistant général toute cette dernière année.

C’est aussi lors d’une projection que j’ai pu rencontrer le philanthrope suisse Simon Philips qui est venu me voir en se demandant pourquoi il ne connaissait pas ces films. Il nous a alors donné 10 000 € délivrés par le Gwärter Stiftung sans poser de question, en toute confiance, ce qui nous a permis de nous lancer. Entre le travail qu’on avait pu faire avec les stagiaires et le travail avec Jinane, on a enfin commencé à s’organiser. Je voulais absolument que la restauration soit faite au Liban, je ne voyais pas pourquoi confier ce travail à des laboratoires français qui demandent des dizaines de milliers d’euros, avec le problème des institutions qui bloquent un peu tout ça. On a donc commencé à organiser des ateliers de formation à la restauration en Égypte et au Liban comme la plupart des images de Jocelyne ont été tournées là-bas. On n’a pas réussi à travailler en Égypte, la situation est compliquée, et il fallait qu’on trouve de l’argent. J’aimerais bien y parvenir un jour, peut-être pour d’autres projets. Mais on a réussi à le faire au Liban, en s’associant avec Cinematheque Beirut pour le temps de formation. C’était le coup d’envoi nécessaire pour mettre les choses en place. Je voulais travailler avec des gens qui étaient déjà des professionnels de la postproduction pour pouvoir gagner du temps. J’ai donc approché les gens qui ont post-produit le travail de Jocelyne, et comme ils aimaient beaucoup Jocelyne, ils ont accepté de mener ce boulot difficile, très précis, et qui demande énormément de temps, avec des budgets limités. Le logiciel qu’on a acheté fonctionne par calque, chaque plan a une image, et si une image est abîmée, en fonction du plan d’avant et du plan d’après, tu peux reconstituer l’image. D’une certaine manière, c’est comme du Photoshop, mais à un degré très précis. Ça fonctionne image par image, donc c’est extrêmement long. Ensuite, on a eu le soutien de la FIAF, puis de la Cinémathèque suisse. Et à nouveau, ce sont des réseaux d’amitié, puisque la directrice de la commission de la FIAF, Céline Ruivo, a rencontré Jocelyne de son vivant. Elle jugeait que c’était important de mener ce travail, et c’est elle qui a engagé le soutien de la FIAF, et qu’on a eu le soutien de la Cinémathèque suisse. En fait, on ne peut pas être dans un rapport marchand. Notre façon de travailler rejoint le discours de Jinane qui pense qu’il faut absolument que tous les Libanais connaissent le travail de Jocelyne, elle qui l’a découvert si tard, et qui s’engage pour permettre ça. Et là, il y a des restaurateurs qui travaillent avec nous, tout juste sortis de leurs études de master. Ils pourraient faire d’autres choix très bien payés, mais ils sont fiers de participer à ce travail-là, ils sont contents qu’on offre la possibilité de travailler sur ces films dans un autre contexte que celui du labo institutionnel qui laisse très peu d’accès. L’état d’esprit dans lequel on travaille est différent. On croit que ces images comptent et donc, si ces images comptent pour vous, vous allez y faire attention. Dans cette dynamique-là, moi, qui de toute façon ne suis pas du tout technicienne, je n’ai pas besoin de vous convaincre de ne pas faire n’importe quoi, et en plus, on va tous grandir à travers ce processus.

Quelques membres de l’équipe de restauration à ThePostOffice à Beyrouth.

A. L. : C’est ça qui est beau, ce sont des archives qui réactivent de la vie ou qui constituent une forme de vie, un milieu ouvert qui ne nuit pas. Des gens vont à la fois découvrir des images de Beyrouth et du Liban, mais vont aussi apprendre à devenir un professionnel de l’image au contact de cette matière. Ça semble anodin, mais peut-être que cette fracture de mémoire peut se retisser en partie de cette façon.

M. R. : Oui, c’était l’objectif de pouvoir se dire que si on arrive vraiment à monter ce truc de restauration au Liban, déjà, il y a une nouvelle discipline dans laquelle on peut peut-être générer de l’activité. Si ça existe, il y aura possiblement des fonds qui vont se mettre en place pour permettre des choses. Et on en sortira aussi des circuits assez coloniaux de qui décide de l’histoire. Les archives nationales qui ont de vrais moyens, en Occident principalement, ont beaucoup de choses à traiter et établissent aussi leurs priorités — les grands classiques de fiction, par exemple. Ici, on parle d’une autre mémoire, de film 16 mm en positif inversible qui sont des copies de travail. Évidemment, ce ne sont pas les mêmes filmographies et bien sûr, Jocelyne Saab, ce n’est pas populaire, mais c’est important de mettre cette histoire-là en avant aussi.

A. L. : On pourrait dire qu’il y a du formatage tous azimuts, les archives sont formatées et leurs usages aussi.

M. R. : Les institutions choisissent ce qu’elles vont mettre en avant, bien sûr, parce que ça coûte tellement cher. Je pense que nous, en travaillant nous-mêmes, on a affecté le matériel, puisque chaque manipulation est un risque encouru, mais au bout d’un moment, on en a fait quelque chose aussi. C’est une philosophie différente de celle des lieux de conservation, qui parfois poussent la protection à l’extrême et finissent par ne plus faire circuler les films qui ne sortent pas des collections parce qu’on risquerait de les abîmer, alors que ça ne sert strictement à rien de les posséder si ce n’est pas pour les montrer.

A. L. : Ça fabrique de l’invisibilité sous prétexte de protéger l’image. Et puis, ce travail est une manière de ramener ces films au pays. Ce retour-là est nécessaire. Et ça reconnecte aussi à l’idée du travail amateur. En étant en dehors de l’institution, c’est comme quelque chose qui échappe aux expertises, mais qui, en même temps, constitue l’expertise. Et c’est dans les gestes qu’elle se formule plutôt que dans des assignations de positions de type maître/élève ou colon/colonisé.

M. R. : Oui, et ce qui était génial dans la mission qu’on a pu travailler au final, c’est que moi, je n’y connaissais rien ! Je n’avais vraiment pas d’ordres à donner. Tout le monde a appris durant ce processus. Et la façon dont les restaurateurs numériques ont travaillé ensemble était fantastique. Dès qu’il y avait un problème, il s’agissait de se parler et de le résoudre ensemble, parce que personne n’avait de solutions données à l’avance. C’était aussi très formateur et horizontal, sans que ça soit philosophique. On était là avec un même objectif et il fallait construire les moyens pour y arriver. Chacun avait sa place sans être en mesure de ne prendre le rôle de personne d’autre. Et puis, les gens qui ont travaillé sur la restauration des films vont transmettre ce qu’ils ont appris. On est en ce moment en lien avec un département de cinéma au Liban pour lequel on monte une formation qui sera diplômante. Et si on fait une initiation, on peut créer des vocations parce que l’archive, c’est important. Être historien, c’est aussi d’avoir la possibilité de faire une archéologie de sa propre vie, de donner du sens à ce qu’on fait ou pas.

A. L. : Je me demande si le rapport entre France et Liban qui se joue dans ton récit, ça dit aussi quelque chose du rapport post-colonial autour du projet. Parce que toi tu es française aussi. Comment ça se négocie ? Est-ce qu’il y a des frictions ? Comme c’est un travail qui se déroule principalement en dehors des institutions, le relais du colonialisme se fait-il ou pas ?

M. R. : C’est sûr que j’ai été attaquée au début, ça m’a fait beaucoup de mal, mais c’est légitime. En même temps, Jocelyne avait fini par prendre la nationalité française et par vivre principalement à Paris. Et l’histoire qu’elle raconte dessine une mémoire sans frontières. Par ailleurs, même en France, on travaille avec beaucoup d’arabophones qui ont des racines, voire qui arrivent directement du Moyen-Orient ou de l’Afrique du Nord — Marseille, où je travaille et vis, ce n’est pas vraiment que la France… C’est une ville très méditerranéenne, et tous les gens avec qui on travaille là-bas, ce sont des gens qui arrivent du Yémen, du Maroc, de l’Algérie, de la Tunisie, parce qu’on a besoin d’arabophones. Et si ces gens ne connaissent pas forcément le Liban, cette mémoire-là compte tout de même pour eux, c’est un peu comme la Palestine. Je pense que ce sont des images de résistance et qu’on en a tous besoin en ce moment. Il faut aller les chercher, les mettre à disposition. Mohanad Yaqubi, qui a monté un labo à KASK, cette université des Beaux-Arts à Gand, me disait : « Jocelyne faisait exactement ça, elle tournait pour la télévision française avec les outils de la télévision française, pour retourner tous ces outils là contre la télévision française ». D’une certaine façon, nous, on fait pareil. Pour lui, la solidarité se produit aussi de cette façon, elle va au-delà des frontières. Qu’on soit à Beyrouth ou à Marseille, on est dans la même constellation.

Quelques membres de l’équipe de restauration au Polygone étoilé à Marseille.

A. L. : Le volet de transmission et de co-partage des connaissances autour du travail de Jocelyne, mais plus largement, de ce qu’implique ce cinéma-là, est-ce que c’est quelque chose auquel tu penses aussi activement ?

M.R. : Absolument. Avec l’Asso, on va essayer de continuer à faire ce qu’on fait là, mais on espère pouvoir aussi accueillir d’autres filmographies qui auraient besoin de pouvoir ressortir. Personnellement, j’aimerais bien qu’on en arrive à rouler mieux pour que je ne fasse plus seulement de la coordination, et qu’on puisse lancer un blogue ou une revue par exemple, une plateforme curatoriale, un médium où on se sentirait obligé d’étudier les films qu’on est en train d’aider et qu’on soit nombreux à écrire sur ça, que si on en parle et qu’on programme ces films-là, on ait la place pour en parler. Après avoir récupéré, numérisé, discuté et mis à disposition des archives papier, il faut aussi pouvoir retrouver les témoignages, retransmettre cette parole. La restauration donne la possibilité de planter des racines, vraiment, il ne faut pas rester en surface. Montrer les films, ce n’est pas suffisant, il faut se construire autour des discours, si possible, à plusieurs voix. Et peut-être aussi, casser l’idée qu’il n’y a que les Arabes qui peuvent parler des Arabes, puisque de leur côté, on discute de Fassbinder et de Godard, par exemple.

A. L. : Ici, au Canada, la situation est légèrement différente par rapport à tout ce qui s’est passé autour de la Commission Vérité et réconciliation sur la colonisation qui a eu lieu, il y a quatre ans. Cet évènement a fait ressortir énormément de choses à la fois factuelles, par exemple sur l’histoire des pensionnats autochtones, sur la disparition des femmes autochtones, mais aussi à un autre niveau, ça a fait également apparaître que le sens du regard et la production de savoir ou d’œuvres liées aux autochtones étaient très blancs. Il y a eu un refus de ça et tout d’un coup, des choses qui étaient complètement banales dans le paysage culturel devenaient insupportables. On est devenu aussi très soucieux, sur cette question-là, de savoir qui parle de qui.

M. R. : Mais ça, c’est partout. Et je pense que la France a vraiment de quoi se poser des questions elle aussi. Je pense que ce n’est pas non plus respectueux de mettre de nouvelles cloisons. Et puis le monde est vaste. En fait, ce qui nous inspire, ce n’est pas forcément ce qui nous entoure. Et d’ailleurs, ce qui inspire l’Afrique et l’Asie, ce n’est pas toujours ce qui les entoure. La mise en mouvement est importante. Il faut que les discours puissent changer les mentalités en circulant. Si ça ne circule pas, il n’y a pas de changement de mentalité. Et c’est vrai que le cinéma de Jocelyne, il est à cette jonction-là qui rend les choses faciles pour nous parce qu’elle avait le langage de la télévision française, qu’elle avait une éducation française et francophone, et donc on n’est pas non plus confronté à la dichotomie bourreaux/victimes. Elle est plutôt dans l’idée de se dire : « ouvrez les yeux parce qu’on est pareils et ce qui se passe là-bas, ce n’est pas normal ». Si on avait retrouvé des choses vraiment très militantes, pas seulement politiques, mais même identitaires, ce serait bien plus difficile. Du reste, on est quand même devant un cinéma qui a été fait pour les Français notamment par quelqu’un qui vivait beaucoup à Paris, et qui ne se rendait même pas forcément compte d’à quel point elle avait été aussi formée par cette France, par cet Occident, dans la manière même du cinéma.

On a montré Beyrouth, jamais plus à Marseille récemment, lorsqu’on faisait un état des lieux sur la restauration. Trois jeunes Français n’ayant sans doute jamais mis les pieds au Moyen-Orient ont détruit le film en disant qu’il s’agissait d’orientalisme, que c’était problématique d’entendre Etel Adnan parler de Magritte… En gros, ils faisaient part d’avis tranchants sans tenir compte du contexte. Le film date de 1976, c’est tout. Il a été diffusé à la télé et n’était pas fait pour être diffusé dans les salles au Liban. Il y a en effet un orientalisme effectif, mais cet orientalisme existe en fait, on est tous colonisés dans nos pensées aussi par plein de choses. Ce sont des endroits où il faut apprendre à arrêter de schématiser trop facilement. Le contexte historique fabrique de la justesse sur plein de choses. Et du coup, ça permet de casser un peu le mur qu’il y a entre une œuvre et son propos. Il n’y a pas que ce que l’on entend en étant là, en 2022 dans la salle au Polygone étoilé à Marseille. C’est beaucoup plus épais. Mais à vrai dire, ça ne me gêne pas non plus à la limite, parce que je préfère un public qui pose des questions à un public qui ne dit rien.

A. L. : Et arrêter de vouloir avoir raison sur une œuvre, plutôt que te tenter de la resituer et de la comprendre.

M. R. : Plein de gens démontent les films de Jocelyne pour plein de raisons. Et heureusement qu’il y a des débats, qu’on n’est pas dans une posture d’adulation. Et peut-être que le fait que je ne sois pas libanaise aussi aide. En fait, ce que je sais du Liban, je l’ai appris à travers les œuvres de Jocelyne, mais aussi parce que j’ai mis six ans à terminer ma thèse qui s’intéresse à toute l’histoire politique de la région et donc, à travers ce que j’ai lu. Je sais de quoi je parle un petit peu ou plutôt, je sais d’où je parle.

Notes

  1. Ghassan Salhab est un cinéaste libanais contemporain. En plus de réaliser des films et de collaborer à l’écriture de scénarios, il enseigne dans différentes universités au Liban. Il a réalisé six longs métrages : Beyrouth fantôme (1998), Terra Incognita (2002), Le dernier homme (2006), La Montagne (2011) et La Vallée (2014). Son cinéma lui a valu de nombreuses sélections dans les festivals internationaux. Il est également l’auteur d’essais vidéo, de courts métrages, et de l’ouvrage intitulé Fragments du Livre du naufrage (2012). Il a également publié plusieurs autres textes dans des revues spécialisées.
  2. L’Association Jocelyne Saab est une association à but non lucratif animée par des bénévoles, qui a pour objectif de valoriser le patrimoine artistique de l’artiste franco-libanaise Jocelyne Saab (1948-2019), et de participer à sa restauration et à sa large diffusion : https://jocelynesaabasso.com/ (consultation le 20 juin 2022)
  3. UMAM Documentation and Research a été fondé en 2004. L’organisme s’efforce de rassembler et conserver les archives liées à l’histoire du Liban. Voir https://www.umam-dr.org/ (consultation le 13 juin 2022).
  4. Il s’agit du Cultural Resistance International Film Festival. Le festival s’étendait sur différentes villes du Liban, et programmait des films d’Asie et de la Méditerranée sur des thématiques qui, selon Jocelyne Saab, permettaient de questionner les problèmes du Liban et de son histoire à partir de récits se déroulant en Asie. Elle souhaitait ainsi à la fois ancrer le Liban en Asie, et questionner par ailleurs, en projetant les mêmes films dans des villes peuplées majoritairement par différentes communautés à travers le Liban (Tripoli, Saida, Tyr, Zahlé, Beyrouth), des enjeux concernant le peuple libanais dans son entier.