Pouvons-nous vivre excessivement ?

Dachra, l’innommable hameau des associées du djinn

La rubrique « Carnets de… » offre des nouvelles du monde-cinéma. Il s’agit de textes libres rédigés par un·e collaborat·eur·rice résidant dans un autre pays et dont l’écriture tend à faire saisir au public l’état du cinéma dans ce coin de la planète, que ce soit Hong Kong, Téheran, Beyrouth, Paris, etc. En l'occurrence, ce carnet nous provient de Tunisie. 

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À l’approche du hameau, trois apprentis journalistes, personnages centraux de Dachra, ressentent l’angoisse du no man’s land. Dachra (دشرة), titre du film d’Abdelhamid Bouchnak sorti en 2018 veut dire, dans l’arabe tunisien : une poignée de maisons lointaines situées à l’écart d’un village. Le lieu, perché dans les forêts du nord-ouest, n’a pas de nom. On lui assigne seulement une typologie rurale. Il semble ainsi se vouloir innommable, un fantôme de la carte officielle ou un territoire oublié et perdu de la société. Après y avoir mis les pieds, les trois amis retracent, sur le fil d’une enquête, l’histoire de Mongia, la mystérieuse patiente, la folle possédée, dit-on, de l’hôpital psychiatrique de Tunis.

Dans Dachra, folie et djinn 1 , un sujet issu de l’imaginaire ancestral de la sorcellerie, ouvre la boîte de Pandore des croyances occultes populaires tunisiennes. Le film fusionne une cosmologie à la croisée de l’animisme nord-africain et de l’islam se composant de possédés, de sorciers, de djinns, de talismans, en plus d’offrandes humaines et animales dont les représentations sociales traversent oralement les contrées et les générations. Abdelhamid Bouchnak, dont ce premier long-métrage de fiction inaugure selon la présentation commerciale le genre de l’horreur en Tunisie, avait donc un travail de mise en image à faire : dépeindre des modes opératoires et des créatures surnaturelles presque ex nihilo. En effet, le traitement de ce sujet par le cinéma et le théâtre en Tunisie demeure pauvre en représentations visuelles illustrant les coulisses de la magie. À la question avec quoi et comment l’a-t-il fait, des références féminines inattendues ont apporté des éléments de réponses et sur lesquels j’aimerais revenir.

Cannibale, légende urbaine ou magie noire ?

L’histoire est inspirée de faits réels, précise le générique d’ouverture, interrogeant d’entrée de jeu les parts de la fiction et de la réalité qui seront racontées. Les premières séquences annoncent le thème de la magie et font comprendre que le réalisateur jouera avec la linéarité du temps. Dans le point culminant de la première scène, une jeune personne est assassinée. Avant d’égorger la victime sur une pierre parfaitement arrondie, le bourreau vérifie que le blanc de l’œil de celle-ci comporte bien une « clé », c’est-à-dire un signe distinctif : en ce cas, une tache de naissance pigmentée dont la présence est essentielle à l’accomplissement du mal. Sous l’effet de la peur, un des participants au sacrifice vomit, quitte le rituel laissant la place à une villageoise qui s’est chargée de nettoyer la pierre. Dans sa relation avec le générique, l’incipit du film invite donc le spectateur à prendre place au sein du récit, le situant comme témoin, ou du moins la nature de ses croyances religieuses est directement interpellée à la lumière de son aptitude à reconnaître des faits de sorcelleries, et qui pourraient avoir eu lieu ces dernières années dans une région rurale.  

La scène suivante se déroule dans une salle de cours à l’Institut de Presse et des Sciences de l’Information de Tunis. Le professeur demande à ses étudiants de réaliser une enquête exclusive sous forme de reportage filmé. Bilel propose alors à ses amis Walid et Yassmin de travailler en groupe sur l’histoire mystérieuse de Mongia. Avec ce point de départ pour leur investigation, les trois étudiants partent à la recherche de ce que la police n’a pas su résoudre. Qui a tenté de tuer Mongia, et qu’est-ce qui tourmente son âme ? La patiente, asociale et dangereuse, est un cas clinique hors normes. Elle a arraché l’oreille d’un infirmier. Les rumeurs autour de Mongia se sont répandues dans les couloirs de l’hôpital et ont alimenté les colonnes sensationnelles des journaux. Et pour faire sens dans le verbiage urbain, la légende de la folle aux comportements bestiaux se nourrit d’une croyance qui associe troubles psychiatriques et possession.

C’est donc à partir des étudiants qu’on suivra tout au long l’intrigue, mais plus particulièrement à travers le regard de Yassmin, la jeune femme du trio et protagoniste du récit. Le tempérament rationnel et stratégique de Yassmin se dessine dès le début de l’enquête. Chargée de réaliser les entretiens, elle a commencé par récolter des données sur Mongia auprès d’un médecin qui, pour sa part, nie carrément l’existence de la patiente. Pour contourner cet obstacle, le groupe décide alors d’aller voir Mongia sans passer par les procédures légales. La rencontre effrayante aura lieu au sous-sol de l’hôpital psychiatrique et portera ses fruits : Mongia indiquera sur la carte que lui tend Yassmin, l’endroit où elle a été retrouvée inconsciente et le cou écorché, il y a une vingtaine d’années.

Mais avant de se rendre voir Mongia, Yassmin s’est aventurée dans les archives de l’hôpital et y a fait une rencontre tout aussi effrayante avec une femme qui portait une blouse blanche semblant être de prime abord une employée de la santé. La démarche bizarre et les apparitions/disparitions fantomatiques de la femme effraient l’étudiante. Le traitement horrifique de la scène et le questionnement que le spectateur voit dans les yeux du personnage entrainent une première augmentation de la tension autour de Yassmin. Un montage alterné montre que le quotidien de l’étudiante est troublé par des cauchemars impliquant une apparition féminine effrayante. L’étudiante rêve souvent que le sang coule sur son corps au moment où une femme voilée de noir surgit en face d’elle. Son grand-père, un homme pieux qui offre gratuitement ses services pour le toilettage purificateur des défunts, l’oblige à aller voir un raqui (exorciste islamique) qui lui propose des textes à lire pour chasser le mal.

La magie noire au cœur de Dachra n’est pas un sujet inédit dans le cinéma tunisien : elle a souvent été mise en relation avec des figures féminines. Si déjà, la fréquentation féminine des marabouts fut, par exemple, sous la loupe ironique de Moncef Dhouib dans son film Le sultan de la Médina (1992), Abdlhamid Bouchnak ravive notamment, pour sa part, le thème de la sorcellerie de l’amour présente chez Moncef Dhouib, mais en soumettant ce thème au traitement horrifique ; ce qui ouvre un nouveau chapitre 2 . Dans les deux films, les femmes, non seulement apparaissent au premier rang du récit, mais ont à un certain moment recours à une recette macabre issue de la tradition tunisienne : pour susciter et attiser la passion amoureuse d’un homme, on offre à ce dernier un couscous dont la semoule a été pétrie par la main d’un cadavre. Ce choix attire aussi l’attention sur l’idée que les femmes tunisiennes plus que les hommes entretiennent un rapport ténu à la magie noire. Elles seraient en effet plus nombreuses à fréquenter les marabouts où, grâce à la bénédiction des saints, les sorts sont conjurés 3 . Pour soigner leur mal-être, elles s’adonnent aux rituels de transes qui chassent le djinn malveillant du corps et de l’âme.

Yassmin, quant à elle, affiche sa réticence aux prescriptions du raqui, incarnant de fait le profil de la jeune éduquée et émancipée des traditions. Le personnage contraste de la sorte avec une frange féminine représentée dans Dachra par les villageoises sorcières et leurs clientes, ainsi que par les infirmières qui ont colporté l’histoire de Mongia. Ces dernières assurent, par la pratique et les commérages, la survie et la transmission du folklore magico-religieux. Les deux figures féminines sont antagoniques dans leur rapport au travail de l’oubli, à l’effritement et à la rémanence des superstitions et des cultes, les unes en contribuant à « son œuvre d’érosion », les autres à « son œuvre de maintenance 4  ». Le thème de la magie, autrement dit, s’associe à la féminité, pour venir également établir un contraste entre une féminité rationnelle, éduquée, et une féminité superstitieuse et folklorique.

Trajectoire de la peur : aversion, stupeur, angoisse et abjection

Dans un deuxième temps, le trio prend la route vers le lieu indiqué par Mongia pensant pouvoir trouver d’autres éléments pour le reportage qu’ils souhaitent tourner. Dans la forêt où ils s’aventurent à la recherche du chemin autrefois parcouru par Mongia, les étudiants font la rencontre d’une étrange petite fille portant un manteau rouge, autre cliffhanger du récit. La petite fille apparait soudainement dans les bois, d’abord de dos, puis le sang coulant de sa bouche, alors qu’elle tient dans ses mains un oiseau mort. Prenant la fuite à la vue des étudiants, ceux-ci lui emboîtent le pas jusqu’à débarquer au hameau. Le chapitre d’horreur le plus violent débute pour le trio, signalé par l’étrangeté du lieu rural, mais aussi par la juxtaposition d’une séquence montrant du sang couler en relation avec la planche de toilette funéraire dont s’occupe le grand-père de Yassmin.

Au hameau, difficile pour Yassmin de conserver la position du regard objectif et impartial comme elle le faisait à Tunis, peinant à faire confiance à leur hôte Saber, un inquiétant individu, et arrivant de moins en moins à distinguer ses impressions de ce qui se passe réellement autour d’elle. La caméra du réalisateur implique le regard dans cet imbroglio, prenant parfois le relais de la caméra des étudiants et faisant concorder l’histoire qui nous est racontée avec la réalité filmée sur le vif par les personnages : un dispositif filmique qui participe à amalgamer les sentiments d’incertitude et de stupeur. À la dachra, notre esprit est ainsi maintenu dans un flou angoissant, en proie à un état de suspensio animi, dirait Spinoza, où il perd le sentiment de certitude sur l’idée qui l’anime 5 , celle d’un mal satanique qui s’approche.

La suite du récit horrifique recoupe l’introduction du film, le hameau se révélant être le lieu d’une industrie sanguinaire et ancestrale de sorcellerie où les offrandes humaines et animales attirent les faveurs des djinns. Pour provoquer l’horreur et de facto identifier le film au genre, grand absent de la filmographie tunisienne, le réalisateur, s’il fait dans une certaine mesure l’économie des scènes violentes et crues, recourt au sang. Symbole de l’acte sacrificiel, sa présence lors de la scène inaugurale faisait signe à Tunis, troublant subrepticement la vie ordinaire de Yassmin et de son grand-père, mais revenant de plus avec ce motif de petite fille croquant dans un oiseau. Dans le jargon tunisien, faire couler le sang veut dire : sacrifier une bête pour honorer Dieu, son prophète et ses saints ; ce que les sorciers font pour Satan et les djinns 6 .

Dans l’avant-dernière scène, cette même petite fille au manteau rouge livre un nouveau-né à une créature maléfique qui rampe. Ayant l’apparence d’un homme au visage anormalement marqué par des veines, il semble référer au djinn, car dans la cosmologie musulmane populaire, celui-ci prend la forme d’un animal qui vit sous terre, un serpent ou un rat, par exemple, et est invoqué par les sorciers pour accomplir les actes magiques 7 . Cette créature irréelle et monstrueuse du film effraie par sa morphologie répugnante. Mais bien avant son apparition, le dégout est à plusieurs reprises suscité par l’abondance de viande sous toutes ses formes : sacrifice de bêtes, viandes séchées, cuites, etc. Le motif de la chair s’inscrit dans une continuité visuelle avec les comportements rustres et abjects des villageoises. Dans une scène où elles sont attablées autour du diner immodérément carnassier, les bonnes manières et la convivialité manquent étrangement. Le sang fait place à la chair, les deux motifs se renforçant l’un l’autre.

Comme l’écrit Kristeva : « [l]e dégout alimentaire est peut-être la forme la plus élémentaire et la plus archaïque de l’abjection 8  ». Répulsives, les images de viandes fraîches dégoulinent de sang, amorcent un sentiment d’horreur qui vient. L’état d’abjection qui se dégage des villageoises s’est profilé dès l’arrivée du trio au hameau. Il a mené à révéler progressivement leur face cachée monstrueuse. Et comme le souligne Barbara Creed en référence à Kristeva, la construction d’un féminin monstrueux passe dans le cinéma par la référence à des substances abjectes comme le sang et l’urine, liées d’un point de vue socioculturel à l’horreur 9 . Dans les sociétés patriarcales, la femme occupe la position de l’Autre par ce qui la distingue du masculin : son corps, un territoire de l’abject, d’où sont éjectés les fluides vaginaux considérés comme étant impurs. Le cinéma moderne s’approprie ces notions sociales pour fabriquer l’image du féminin repoussant auquel Dachra participe aussi avec l’acte d’accouchement terrifiant et les scènes insistant sur l’abject de la viande, du sang et de la nourriture.

L’image trouble des laissées-pour-compte

En gardant un silence injustifié et se dressant comme des vautours au sein du hameau, les femmes du village enveloppent de mystère ce qui se passe chez elles. Les portes de leurs maisons deviennent, dans ces séquences, les indices d’un hors champ troublant de l’histoire. Avec les maisons qui tombent en ruine, l’impression d’un lieu abandonné est encore plus prégnante. L’arrivée du groupe d’étudiants a attiré la curiosité des femmes et la bonhomie indigeste de Saber qui semble le seul homme du hameau. Y aurait-il ainsi plus d’âmes qui s’envolent que de personnes qui restent ou visitent ce coin éloigné des routes balisées ? C’est donc normal que la présence de Yassmin et ses amis attire les regards. Mais on ne sait pas vraiment si les villageoises fixent avec insistance le trio ou si la caméra fait saillir leur présence. Outre que d’obéir aux ordres de Saber durant les deux jours fatidiques, ces dernières sont absorbées par des tâches typiques : s’occuper du bétail, ramasser le bois, transporter des sacs pleins, etc.

Or, le portrait individuel ou de groupe des femmes rurales au travail est un lieu commun de la sphère médiatique tunisienne actuelle, comme il fournit une iconographie des luttes ouvrières des secteurs agricoles et forestiers, mais aussi des droits de la femme. Il semble que, dans le film de Bouchnak, le référent social concret que constituent les paysannes participe ainsi à la représentation du personnage énigmatique de la sorcière ; laquelle se cache, dans la plupart des imaginaires populaires, derrière un profil insoupçonné afin d’éviter l’exclusion et le châtiment. Ce que fait Abdelhamid Bouchnak à l’image de la femme rurale est audacieux. Il la transvase dans un tout autre rapport d’altérité binaire, la déplaçant du registre de la cause sociale à celui de la psychose collective, de la compassion au dégout et à la méfiance. Il faut dire que la crainte de la magie noire a regagné, ces dernières années, le terrain de la panique. Une vague d’indignation et d’inquiétude sur les réseaux sociaux est, par exemple, survenue à la suite de la découverte de talismans, en 2018, dans les cimetières de plusieurs villes tunisiennes 10 . Une émission télé de grande audience 11 a suivi de près le phénomène pour mettre en lumière les tenants sociaux et religieux de la sorcellerie.

Le détournement de l’image de la paysanne fait également appel à la caméra. Sa phénoménalité observe un travail de figuration par le mouvement et le cadrage. Ainsi voit-on souvent les paysannes marcher de dos, profil perdu et tête baissée. Les cadrages serrés sur différentes parties du visage aux expressions insaisissables jettent un doute sur leurs intentions. Leur rôle de sorcière se dessine progressivement. Elles arborent par leurs habits noirs, un modelé ténébreux et évanescent dans l’hallucination d’un rituel magique ou lors de la vision nocturne de Yassmin. La phobie de la femme habillée en noir, motif récurrent et effrayant des cauchemars de la protagoniste, indique que le sentiment de peur effectue son travail d’indexation ; et ce, en se rapportant à l’objet antérieur du rêve 12 . Le cauchemar où la femme de noir vêtue apparaît s’avère prophétique : Yassmin sera la prochaine victime de Saber et des sorcières alors qu’elle est attirée par Bilel au hameau parce que la ligne de sa main est bien droite. Comme la tache dans le blanc de l’œil, cette ligne de main droite s’avère une particularité physique, une « clé » portée par les offrandes qu’on réserve au djinn serviteur. Yassmin est condamnée au sacrifice sur l’autel de la sorcellerie pour déterrer un trésor caché.

Peu après cette vision nocturne, le spectateur partage l’hésitation de Yassmin quant à la nature des figures qui semblent léviter autour de la petite fille. Les apparitions voilées des villageoises interpellent une connotation flottante liée au surhumain, un ingrédient indispensable à l’identification de l’histoire au genre fantastique 13 . La figure de la sorcière ne s’individualise pas tant par ses incantations et son apparence hideuse qu’elle se profile par son apathie et son rôle de disciple aliéné du boucher (Saber). Elle est l’absente du dialogue : une présence supposée des ellipses sordides du scénario. Elle vit de la sueur de la terre et de l’invocation du peuple souterrain.

La paysanne en habits de la sorcière serait-elle le lieu d’un détournement subversif du récit fantastique d’Abdelhamid Bouchnak 14  ? Serait-elle une construction qui profane l’une des figures évidentes de la misère en ces temps de crises économiques et de paupérisation de la classe moyenne tunisienne ? Ces questions se posent à tout le moins comme des ouvertures réflexives à l’issue d’un film dont l’évolution des personnages montre une volonté de surprendre quant aux monstres attendus. Dans son schéma narratif, Dachra déplace la lecture psychosociale des figures féminines antagoniques de la pauvreté vers la magie noire. Et au final, Yassmin, qui jusqu’ici incarnait une féminité d’un autre ordre, n’a plus d’autre choix que d’admettre la part surnaturelle de la sorcellerie et d’agir en conséquence. Mais ce faisant, le spectateur semble être amené à interroger les clichés sociaux rabâchés par les fictions et les émissions du petit écran. Il doit évacuer la représentation de la paysanne naïve pour discerner un nouveau type de monstre féminin qui combine le stéréotype de la travailleuse rurale soumise et l’image de l’impitoyable magicienne.

— Radès, Tunisie, octobre 2024

Notes

  1. Le djinn est une créature qui compose la cosmologie musulmane. Selon la sourate « Al jin », les jnun (pluriel de djinn) sont un peuple souterrain vivant aussi dans la mer. Créés de feu, on les décrit souvent, dans les exégèses coraniques et les hadiths du prophète Mohamed (les recueils des paroles et des actions du prophète), comme des créatures maléfiques pouvant provoquer des maladies graves chez les humains.
  2. Précisons qu'à l’époque de la sortie du film de Moncef Dhouib, le public pouvait constater la résistance de la politique moderniste intransigeante du premier président Habib Bourguiba devant de la culture des marabouts, ce dernier ayant a appelé à déserter ces lieux de sacralisation de l’ignorance.
  3. Au Maghreb, des enquêtes de terrain ont montré que les femmes présentent notamment une plus grande proportion dans la pratique de la magie. Voir Nedjima Plantade, « Magie », Encyclopédie berbère, no 30, 2010, ligne 45 ; et Sophie Ferchiou, « Survivances mystiques et culte de possession dans le maraboutisme tunisien », Homme, vol. 12, no 3, 1972, p. 56. Mais dans ce domaine, les frontières entre la pratique de la magie blanche et la sorcellerie sont difficiles à cerner. La sorcellerie est un dénominateur commun entre des peuples que le temps et l’espace séparent, si bien que le pouvoir d’influence des sorcières et le rapport entre possession et maladie mentale sont, rappelons-le, aussi situables dans l’imaginaire de l’Europe chrétienne.
  4. Paul Ricoeur, La mémoire, l’histoire, l’oubli, Paris, Seuil, 2000, p. 574.
  5. Lorenzo Vinciguerra, Spinoza et le signe. La genèse de l’imagination, Paris, Vrin, 2005, p. 29.
  6. Dans sa construction de l'horreur, le réalisateur n’oublie pas non plus de rendre hommage aux scènes cultes des fabriques de la peur : l’homme éventré qui rappelle Hannibal (Scott, 2001), les frénétiques coups de couteau en référence à Scream (Williamson, 1996-2023), et la pluie d’oiseaux morts comme dans Les oiseaux (Hitchcock, 1963).
  7. Pierre Lory, « Esprits terrestres (djinns) et relations sexuelles en islam traditionnel », dans De Socrate à Tintin. Anges gardiens et démons familiers de l'Antiquité à nos jours, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2011, p. 93-103.
  8. Julia Kristeva, Pouvoirs de l’horreur. Essai sur l’abjection, Paris, Seuil, 2015, p. 10.
  9. Barbara Creed, The Monstrous-Feminine: Film, Feminism, Psychanalysis, Abingdon, Routledge, 1993, p. 66-71.
  10. « Tunisie : Sur Facebook, campagne contre la magie noire ! », Webdo.tn, 4 septembre 2020, https://www.webdo.tn/fr/actualite/national/tunisie-sur-facebook-campagne-contre-la-magie-noire/142389.
  11. « Tunisie : Que dit la science concernant la magie noire pratiquée dans les cimetières ? », Direct Info, 23 mars 2018, https://directinfo.webmanagercenter.com/2018/03/23/tunisie-que-dit-la-science-concernant-la-magie-noire-pratiquee-dans-les-cimetieres/.
  12. Kristeva, 2015, p. 53.
  13. L’identification d’un récit au genre fantastique exige en effet que le surnaturel soit porté par un personnage (les sorcières et le djinn). Le surnaturel qui définit les personnages doit notamment être ressenti comme tel par un autre personnage de la fiction (Yassmin), puis reçu comme tel par le spectateur. Tzevtan Todorov, Introduction à la littérature fantastique, Paris, Seuil, 1970, p. 33.
  14. Rose Mary Jackson, Fantasy: The Literature of Subversion, Abingdon, Routledge, 1981.